La lumière des bougies de la petite couronne de l'Avent apporte un peu de chaleur dans la pièce austère. Lux, Edge, Nairobi, Scorpio et Yoda se préparent à prendre leur poste de nuit. Chacun a épinglé sur sa poitrine la petite pancarte avec le nom fantaisiste qu'il a choisi et qu'il utilise pour son travail dans la rue. Le béret bleu est posé en biais sur la tête. Les bombers rouges et les pantalons noirs sont prêts pour l'hiver. Les City Angels ont une mission: aider les gens dans les rues de Lugano.
Les «anges» parcourent notamment le centre-ville. Sous les illuminations de Noël, les bénévoles cherchent l'autre réalité qui se cache dans les coins sombres. Sous les escaliers en béton et les ponts. Sur les bancs de parc et dans le hall de la gare. Les City Angels sont à l'affût des sans-abris de passage, des réfugiés sans papiers ou simplement des personnes qui par un coup du sort se retrouve dans la précarité et sans logement. Ils aident également les voyageurs qui ont manqué le dernier train du soir.
Un appui pour rebondir
Karin* a été prisonnière de la rue. Originaire de Hongrie, elle est arrivée en Suisse il y a plus de deux ans à la recherche de son fils. Le confinement l'a retenue à l'étranger jusqu'à ce que ses économies soient épuisées. «J'ai cherché désespérément un travail», raconte-t-elle. En vain. Elle s'est finalement retrouvée à la rue. Avec ses derniers centimes et quelques affaires rangées dans deux sacs plastiques, elle a rallié Lugano en novembre, ayant entendu dire qu'il y faisait plus chaud.
Une commerçante l'a alors remarqué et a appelé les City Angels. Les bénévoles ont pris Karin en charge pendant la nuit en l'hébergeant dans une auberge. Depuis, Karin a trouvé un petit travail et occupe sa propre chambre. «Les City Angels m'ont sauvé la vie, raconte-t-elle. Ce sont mes anges, ma famille.»
Le nombre de sans-abris a triplé
Depuis trois ans, Lux sillonne les rues en tant que City Angel. «Quand j'ai commencé, nous avions peut-être affaire à trois sans-abris par mois. Aujourd'hui, ils sont une bonne dizaine. Beaucoup d'entre eux sont des femmes», poursuit-elle. Sa collègue Nairobi est vendeuse de formation, actuellement au chômage et mère célibataire. Elle connait la misère. «Je suis fière d'être une City Angel. Le fait de pouvoir aider m'apporte beaucoup.» Yoda, étudiante, s'investit elle aussi avec enthousiasme. «Je préfère parcourir la ville trois fois par semaine en tant que City Angel plutôt que de faire la tournée des discothèques.»
Le vétéran Scorpio marche en tête. Autrefois, ce retraité travaillait dans la sécurité, mais aujourd'hui, il aime chercher le contact avec les jeunes en sortie. «Quand il y a de l'agressivité, nous appelons la police», tranche Scorpio. Mais la plupart du temps, il existe un bon contact, assure-t-il. Cela s'apprend. Pour devenir City Angel, il faut suivre un cours de deux jours et réussir un examen. Dans le programme d'enseignement, il y a des leçons de premiers secours, de réanimation, de gestion des conflits, de travail d'équipe et une initiation à la psychologie. Aussi, la plupart des City Angels maîtrisent plusieurs langues.
Depuis la pandémie, les dons se font rares
«Nous travaillons en collaboration avec la ville», explique le coordinateur Giuseppe Modica, connu dans la rue sous le nom «angélique» de Gabriel. Ce conseiller commercial a fondé la section suisse des City Angels en 2014. L'association existe déjà en Italie depuis 28 ans et y compte 3000 membres. «Ces dernières années, nous avons sorti de nombreux sans-abris de la rue. Dans un premier temps, ils sont hébergés dans des auberges. S'il n'y a pas de place, ils peuvent parfois dormir chez nous, sur le canapé.»
Mais ce canapé n'existera peut-être bientôt plus. Les City Angels sont eux-mêmes menacés. «Nous avons toujours eu des sponsors qui finançaient notre siège à Lugano», déclare le coordinateur. Pendant la pandémie déjà, de nombreux donateurs ont supprimé leurs financements. Depuis, avec la guerre en Ukraine, l'inflation et la crise énergétique, le manque de fonds est d'autant plus criant. Un crowdfunding désespéré a permis de rassembler 850 francs. «Nous ne savons pas si nous pourrons encore tenir notre siège l'année prochaine», se désole Giuseppe Modica.
*Le nom a été modifié