La guerre en Ukraine fait rage depuis plus de deux ans maintenant. Face à la montée des tensions internationales et des menaces de part et d'autre, les grandes puissances mondiales veulent assurer leurs arrières. Plus que jamais, l'industrie de l'armement tourne à plein régime.
Pourtant, en Suisse, cette réalité n'a pas l'air d'exister. Après une forte augmentation des exportations d'armes pendant la première année de l'invasion en Ukraine en 2022, la tendance s'est inversée l'an dernier: les fabricants suisses d'armes ont soudainement ralenti la cadence en matière d'exportation de matériel de guerre.
Sur l'exportation d'armes
En 2023, les entreprises locales ont exporté pour 696,8 millions de francs de matériel de guerre vers 58 pays, selon les dires du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) mardi. C'est 258,2 millions de francs de moins qu'en 2022, soit une baisse de 27%! Les exportations d'armes représentent ainsi une part de 0,18% par rapport aux exportations totales de la Suisse.
La Confédération ne refuse rien
En tout et pour tout, 2278 demandes d'exportation ont été soumises au SECO l'année dernière. En 2022, il y en a eu 2625. Certaines d'entre elles sont encore en suspens. Au total, 2238 demandes ont été acceptées. Seules quatre demandes ont été refusées, soit 0,18%.
Les cinq principaux pays acheteurs étaient l'Allemagne, avec des livraisons d'une valeur de 168,5 millions de francs (principalement des munitions), suivie du Danemark avec 73,6 millions (des véhicules blindés à roues), des Etats-Unis avec 54,3 millions, de l'Arabie saoudite (des munitions pour systèmes de défense aérienne) avec 53,3 millions et de la Roumanie avec 39,7 millions de francs (des véhicules blindés à roues).
La neutralité est mauvaise pour les affaires
Selon le SECO, plusieurs raisons expliquent cette baisse d'exportations. D'une part, plusieurs affaires d'une importance exceptionnelle ont été conclues en 2022, notamment celle concernant les systèmes de défense aérienne pour le Qatar, qui accueillait alors la Coupe du monde en 2022, ou des véhicules blindés à roues Piranha pour le Danemark. Ces affaires sont désormais classées et n'apparaissent plus dans les statistiques.
D'autre part, le SECO laisse entendre que l'industrie de l'armement locale ressent actuellement le fait que la Suisse, en tant que pays neutre, interdit strictement la réexportation de matériel de guerre vers l'Ukraine. L'Allemagne, par exemple, produit à nouveau partiellement elle-même des munitions. Auparavant, le vice-chancelier allemand Robert Habeck avait déclaré qu'il ne fallait pas compter sur Berne en tant que partenaire d'armement en temps de guerre.
La barre du milliard est franchie pour la première fois
Mais les chiffres d'exportation de 2023 sont trompeurs. En effet, le SECO aurait approuvé des demandes d'exportation d'environ 1'030,5 millions de francs sur les 700 millions annoncés. La barre du milliard serait ainsi franchie pour la première fois! Une fois de plus, c'est nettement plus que l'année précédente, lorsque le SECO parlait déjà d'un «record absolu».
Le SECO explique cette différence entre les valeurs réelles et approuvées par le fait que les exportations autorisées ne sont parfois réalisées que l'année suivante. «De plus, les autorisations ne sont souvent pas utilisées parce que le financement de la transaction n'a pas lieu ou que le client reporte ou annule la commande pour d'autres raisons», indique le Secrétariat d'Etat à l'économie du conseiller fédéral UDC Guy Parmelin.
Les perspectives d'avenir sont bonnes
Les perspectives pour l'industrie suisse de l'armement ne semblent donc pas si sombres. Les commandes pour les années à venir annoncent déjà un volume important de transactions, laisse entendre le SECO. Le Secrétariat indique donc clairement que les chiffres des exportations devraient à nouveau augmenter. L'industrie suisse profite aussi du réarmement général de l'Occident – malgré certaines réserves.
Par ailleurs, deux ans seulement après le durcissement des exportations d'armes, le Parlement a informé vouloir déjà revenir sur cette décision. Après le Conseil des Etats, le Conseil national a, lui aussi, approuvé en décembre un assouplissement de la loi sur le matériel de guerre. Le Conseil fédéral devrait à nouveau disposer d'une plus grande marge de manœuvre dans l'autorisation des exportations d'armes – garantissant ainsi aux armuriers une situation plus confortable.