La plateforme se défend
La Lex Booking, une loi inutile en terres suisses?

Depuis trois mois, les hôtels peuvent à nouveau proposer sur leur propre site web des prix plus avantageux que sur les plateformes de réservation en ligne. Selon Nadine Stachel, responsable régionale chez Booking.com, les conséquences devraient rester gérables.
Publié: 16.03.2023 à 06:08 heures
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Le site Booking.com tente de justifier la parité tarifaire contractuelle en tant que modèle commercial devant la Cour de justice de l'UE, au Luxembourg.
Photo: IMAGO/U. J. Alexander
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Jean-Claude Raemy

La réservation d'une chambre d'hôtel en Suisse est généralement plus chère sur le site Booking.com que directement auprès de l'hôtel. C'est le cas depuis la suppression de la clause dite de «parité tarifaire». La clause de concordance des prix étant présente dans les contrats, le géant de la réservation hôtelière exigeait auparavant des établissements qu'ils ne proposent pas sur leur propre site web des prix plus avantageux que ceux annoncés sur la plateforme.

Depuis décembre 2022, cette pratique est interdite pour tous les portails de réservation en ligne en Suisse. En raison de la domination de Booking.com sur le marché, la nouvelle loi est communément appelée Lex Booking. La Suisse n'a fait que suivre le mouvement. L'Allemagne, la France, l'Italie, l'Autriche ou la Belgique avaient en effet déjà interdit les clauses de parité tarifaire.

Mais Booking ne cède pas. La Cour de justice européenne doit se prononcer sur un renvoi du Tribunal de district d'Amsterdam. La société Booking y argumente que la parité des prix garantit des conditions équitables et que les plateformes en ligne favorisent la concurrence, en veillant par exemple à la transparence des prix et en maintenant ainsi un niveau de prix bas pour les consommateurs. De plus, les portails de réservation élargissent le marché en rendant beaucoup plus d'offres facilement accessibles.

Une loi inutile?

Pour l'instant, cela n'aura pas d'impact sur la Suisse: une décision de la Cour de justice européenne n'est contraignante que pour l'UE.

Nadine Stachel, Regional Manager Allemagne/Autriche/Suisse chez Booking.com, constate toutefois que la Suisse n'aurait pas eu besoin d'une nouvelle loi. «Le droit des cartels actuel aurait suffi si des effets négatifs avaient été constatés sur le marché», avance-t-elle.

Une étude externe commandée par la Confédération pour «l'analyse d'impact de la réglementation» du bureau de recherche bernois Ecoplan était déjà arrivée à la conclusion en 2020 que la nouvelle loi n'apporterait pas de changement drastique. Selon cette étude, les hôtels suisses ne devraient pas s'attendre à une augmentation de leurs revenus, tandis que les plateformes de mise en relation n'ont guère à craindre que les utilisateurs effectuent dorénavant toutes leurs réservations sur les sites web des hôtels.

Pas de changements majeurs sur le marché

Quid des résultats? L'étude avait-elle vu juste? Nadine Stachel estime qu'il est encore trop tôt pour se prononcer. Cependant, elle explique: «Lorsqu'un changement similaire est intervenu en Allemagne en 2015, nous n'avons pas constaté de perte d'activité.» Mais la directrice ne présente pas encore de chiffres d'affaires concrets pour la Suisse.

Malgré tout, le portail de réservation, dont le siège est à Amsterdam, n'est pas indifférent à cette nouvelle situation. Le modèle commercial appliqué avec succès depuis 25 ans est en effet sous pression.

Une commission de 12% sur chaque nuitée

Le site Booking gagne de l'argent en prélevant une commission sur chaque nuitée d'hôtel. Mais seulement si la société parvient à transmettre une réservation à un partenaire. «En Suisse, nous prenons en moyenne 12%», explique Nadine Stachel. Si le client réserve directement auprès de l'hôtel, la plateforme ne gagne rien.

La loi juge cette pratique injuste dans la mesure où Booking.com rend les offres des hôtels visibles dans le monde entier et leur «fait des avances» dans ce but. Selon sa directrice régionale, «des millions sont investis» pour que les offres d'hôtels apparaissent sur une plateforme moderne et adaptée aux mobiles, qu'elles soient disponibles en 44 langues et qu'elles puissent être trouvées sur tous les moteurs de recherche pertinents comme Google, Yahoo ou Baidu. «Les hôtels de la catégorie des PME ne peuvent pas se permettre de tels investissements dans l'acquisition de clients», explique-t-elle.

Avec la parité tarifaire, Booking s'assure que l'hôtel n'utilise pas l'attention du client via le site pour ensuite l'inciter à une réservation directe avec des prix bas.

Une plateforme nécessaire pour les petits hôtels

Le problème ne pourrait-il pas être résolu si les hôtels payaient pour la «prestation préalable» du site Booking? Comprenez ici une taxe d'inscription. «Ce n'est pas à l'ordre du jour», rétorque Nadine Stachel. Les hôtels doivent pouvoir continuer à s'enregistrer gratuitement auprès du site internet. Ceci également dans l'intérêt des PME qui, contrairement aux grandes chaînes hôtelières comme Hilton, Accor ou Marriott, ne pourraient pas se permettre de payer une telle taxe.

Face à Blick, les hôteliers ont surtout fait savoir qu'ils bénéficiaient désormais de plus de liberté pour fixer leurs prix. Mais personne ne peut se passer de la coopération avec le site Booking. D'autant plus que ce dernier, ainsi que d'autres plateformes, sanctionnent les hôtels qui s'écartent clairement et régulièrement de la parité tarifaire en les classant moins bien sur leur site. C'est du moins l'hypothèse émise par les hôtels dans le média «HTR».

Le site Booking n'a actuellement plus qu'une seule solution: se diversifier. La plateforme ne propose plus seulement des hôtels, mais aussi des appartements de vacances, des vols et des voyages à forfait.

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