La visite de la conseillère fédérale à la rédaction de Blick à Zurich était prévue depuis longtemps. Mais la date retenue, le vendredi 25 octobre durant l'après-midi, n’aurait pas pu être mieux choisie. En effet, les thèmes de la santé et du social, dont est responsable le département de l’intérieur d’Elisabeth Baume-Schneider, font actuellement la une des journaux. Sur l'écran de la salle où la magistrate socialiste a été accueillie, les données défilent concernant les sujets qui intéressent particulièrement les lecteurs de Blick. Dernièrement, c'est la réduction de la rente des veuves qui inquiète.
Elisabeth Baume-Schneider, le Conseil fédéral veut supprimer la rente des veuves à vie. Cette nouvelle a suscité de nombreuses critiques de la part du lectorat de Blick. Cela vous surprend-il?
Je comprends que cette décision soit ressentie comme injuste par certains. On ne devient pas veuf ou veuve par choix. Mais il faut prendre en compte l’ensemble de la situation: une décision de justice nous oblige à supprimer l’inégalité de traitement entre les veuves et les veufs. Le Conseil fédéral a proposé une alternative.
Un lecteur nous a écrit que le Conseil fédéral devrait commencer par supprimer ses propres rentes à vie de 200'000 francs. Comprenez-vous cette réaction?
Sur le plan émotionnel, oui. Mais enlever la rente des conseillers fédéraux n’aide pas une veuve dans le besoin. L’important, c’est que le Parlement examine à présent attentivement la nouvelle loi et discute des détails.
Où voyez-vous une marge de manœuvre?
On pourrait par exemple prolonger la période de transition ou étendre la garantie des droits acquis. Mais cela relève désormais de la compétence du Parlement. (ndlr: désormais, les veuves ne recevront plus de rente à vie dans tous les cas).
Ce changement de loi implique d'économiser sur le dos des plus faibles. Votre cœur de socialiste ne saigne-t-il pas un peu?
Ce n'est pas mon cœur qui choisit. Si je pouvais décider seule, certaines lois seraient peut-être différentes. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne notre démocratie.
13ème rente AVS, initiative sur les primes, réforme de la LPP – vous avez défendu la position du Conseil fédéral à contre-cœur lors de trois votations. Êtes-vous heureuse de pouvoir enfin soutenir un projet à 100% avec la réforme de la santé Efas?
Je ne défends pas un projet à 80, 90 ou 100%. J’apporte tous les arguments pour chaque dossier que nous adoptons en tant que Conseil fédéral. Je suis néanmoins effectivement heureuse de pouvoir montrer les avantages qu'implique le financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières. C’est une réforme importante et judicieuse.
Le président de l'Union syndicale suisse Pierre-Yves Maillard a dit le contraire dans Blick. Selon lui, il s'agit d'un transfert des 13 milliards de francs de recettes fiscales des cantons vers les caisses-maladie. Le projet serait une idée du lobby des caisses-maladie.
C’est la rhétorique de Monsieur Maillard. Mais tous les partis, y compris le mien, étaient dès le départ favorables à l’uniformisation du financement des prestations de santé. Le corps médical, les services d’aide et de soins à domicile, ainsi que les hôpitaux soutiennent la réforme Efas. La responsabilité des caisses-maladie, des cantons et de la Confédération ne change absolument pas. Ce qui change, c’est uniquement le volume des décomptes. Mais les caisses-maladie continueront à être contrôlées par l’État.
Pierre-Yves Maillard se réfère à des chiffres de votre département selon lesquels Efas entraînerait une hausse des primes: 3% à Bâle, 1,9% à Berne et 1,6% à Zurich.
C’est faux. Ces chiffres décrivent l’effet théorique de la réforme en 2019 et non au moment de son introduction à partir de 2028. Depuis 2019, l’ambulantisation a entraîné un transfert de coûts significatif au détriment des personnes qui paient les primes. Le financement uniforme permettrait d’inverser cette évolution. En conséquence, la charge des primes diminuera dans la grande majorité des cantons avec la réforme.
Les partisans parlent d’un potentiel général d’économies pouvant atteindre 440 millions de francs par an. Les opposants sont plus concrets: ils calculent qu'une opération à l’hôpital en cas d’appendicite coûtera 371 francs de plus au patient en cas de oui.
Je comprends l’inquiétude qu'a la population concernant une augmentation de la participation aux coûts pour certaines prestations. Mais il s’agit de situations rares, uniquement lors d’un traitement hospitalier peu coûteux. Et c'est surtout le cas si on ne va plus guère chez le médecin ou on n’a pas besoin de médicaments de toute l’année. Mais comme les payeurs de primes sont globalement nettement moins sollicités avec la réforme, tout le monde pourra en profiter.
Le projet pour la réforme LPP l’a montré: si les arguments deviennent trop compliqués et qu’il y a des contradictions au niveau des chiffres, le peuple votera non en cas de doute.
Cette réforme n’est en fait pas si compliquée: son objectif est de réduire les coûts à long terme en augmentant le nombre de traitements ambulatoires, un avantage qui profite à tous. Malheureusement, les opposants à Efas misent sur la peur en argumentant sur des interventions rares comme l’appendicectomie, qui ne sont pratiquées – si tant est qu’elles le soient – qu’une fois dans la vie. Alors que les avantages de la réforme se feront sentir à long terme, année après année, au profit des assurés.
Les soins devraient être financés de manière uniforme à l’avenir avec Efas. Les critiques craignent une poussée des primes et mettent en garde contre une augmentation de la participation aux coûts des personnes nécessitant des soins.
Au contraire. Le Conseil fédéral pourrait augmenter la participation aux coûts. Avec Efas, la quote-part des soins est fixée pour la première fois pour quatre ans. Aucune augmentation n’est autorisée jusqu’en 2036. C’est un progrès pour les patients et les patientes. L’argument selon lequel les soins pourraient bientôt dépasser les coûts ambulatoires est infondé. Même si les coûts des soins augmentent, ils ne pèseront pas lourd dans la balance, car les coûts ambulatoires sont déjà quatre fois plus élevés aujourd’hui.
Quelle serait la gravité d’un échec du projet?
Un non à la réforme ne bloquerait pas seulement les incitations positives pour les traitements ambulatoires, mais enverrait aussi le signal que les réformes du système de santé ne sont guère possibles. Dire oui à Efas, c’est dire non au blocage.
Swiss Medi Kids, la plus grande permanence pédiatrique de Suisse, lutte actuellement pour sa survie. Suite à une décision de justice, les caisses-maladie ne veulent plus payer le forfait d’urgence – bien que la permanence coûte bien moins cher qu’une visite à l’hôpital. N’est-ce pas absurde?
Cet été, le Tribunal fédéral a jugé que les tarifs actuels étaient incorrects. Les partenaires tarifaires doivent chercher une nouvelle solution. Deux caisses-maladie se sont montrées ouvertes à trouver une nouvelle solution tarifaire. Je trouve cela très bien. Il est important que ces discussions se poursuivent afin de clarifier la situation.
Votre collègue de parti, la conseillère aux États Flavia Wasserfallen, affirme que ce cas est typique de notre système de santé: «Tout le monde veut avoir son mot à dire, personne ne veut prendre ses responsabilités.»
Les tarifs sont négociés par les partenaires tarifaires. C’est une bonne chose, car personne ne veut de tarifs imposés. Les cantons ont une responsabilité supplémentaire, notamment dans la planification des soins. Les offres telles que les permanences pédiatriques sont importantes, car sans elles, de nombreux cas finissent par être traités dans des hôpitaux plus chers.
La crise de l’offre en médecine pédiatrique est aiguë. Arrivez-vous à faire entendre votre voix à ce sujet?
En tant que conseillère fédérale, je ne peux pas m’immiscer tant que tout le monde n’a pas fait ses devoirs. Mais je suis bien sûr la situation de très près. Je suis donc très heureuse que les médecins, les hôpitaux et les assureurs se soient mis d’accord sur un nouveau système tarifaire. C’est une étape importante, notamment pour la médecine pédiatrique.
Pensez-vous qu'il soit possible que les primes cessent d’augmenter un jour?
En tout cas moins qu’aujourd’hui. Un important paquet de mesures de maîtrise des coûts est en cours d’élaboration au Parlement. Il y a un potentiel d’économies sur le prix des médicaments. De plus, des progrès technologiques peuvent contribuer à rendre les opérations moins chères. Je pense donc que le temps viendra où nous pourrons mieux maîtriser les primes.
Il est encore possible de changer de caisse-maladie jusqu’à fin novembre. Je pourrais économiser des primes en changeant pour une caisse moins chère, mais si trop de gens changent, c'est tout le système qui devient plus cher. C’est un dilemme. Que me conseillez-vous de faire?
Vous devez réfléchir à vous-même et au budget de votre ménage. Faites ce qui est le mieux pour vous et votre famille.