Les veuves et veufs contre-attaquent
«A la place d'améliorer la situation des veufs, on la dégrade»

Le Conseil fédéral veut supprimer les rentes à vie des veuves à partir de 2026. Deux d'entre elles expliquent à Blick ce que cette décision signifierait pour les personnes directement concernées.
Publié: 25.10.2024 à 10:09 heures
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«D'un jour à l'autre, on se retrouve seul responsable de tout que ce soit la garde des enfants, les tâches ménagères, ou le revenu», explique Andrea Huber.
Photo: ZVG
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Ruedi Studer

Le Conseil fédéral veut supprimer les rentes de veuve à vie. A l'avenir, les veuves ne recevront une rente de survivant que jusqu'au 25e anniversaire de leur plus jeune enfant. Les rentes déjà en cours des personnes de plus de 55 ans continueront certes d'être versées, mais le nouveau régime s'appliquera aux plus jeunes à partir de 2026. La réforme permettra à l'AVS d'économiser 350 millions de francs en 2030 et même près d'un milliard de francs à long terme.

Cette décision suscite le mécontentement des personnes concernées. «C'est un exercice d’économie sur le dos des veuves», déplore Andrea Huber, une Lucernoise. «Au lieu d’améliorer la situation des veufs, on la dégrade», ajoute-t-elle. Elle souligne que les veuves font déjà face à un risque accru de pauvreté une fois à la retraite.

Les économies se réduisent rapidement

Andrea Huber sait de quoi elle parle. Il y a trois ans, son mari est décédé à l'âge de 48 ans des suites du coronavirus. Arrivé en Suisse à 35 ans, L'Argentin n’a pas eu le temps de se constituer une solide prévoyance vieillesse, une situation qui pèse aujourd’hui lourdement sur le budget familial. «Ma rente de veuve, additionnée à la rente d'orphelin pour notre fille de 13 ans, atteint à peine 1049 francs par mois», confie-t-elle à Blick.

La Lucernoise rappelle que la rente de veuve de l’AVS ne peut pas être examinée isolément de la prévoyance professionnelle. Elle souligne: «Les personnes décédées jeunes, venues de l’étranger ou sans affiliation à la LPP ne laissent justement rien, ou très peu du deuxième pilier.»

Depuis le décès de son mari, cette conseillère politique indépendante met la main au porte-monnaie. «Au début, je pouvais à peine travailler, aujourd'hui c'est 50%. Avant, je travaillais à plein temps», détaille-t-elle. Sa situation laisse un vide financier au niveau de sa prévoyance vieillesse. Andrea Huber souligne: «Actuellement, un montant important de mes économies disparaît chaque mois, ce qui me manquera à la retraite.»

Charge physique et psychique

Lorsqu'un parent décède, la charge n'est pas seulement financière, mais aussi physique et psychique. «Du jour au lendemain, on est seul responsable de tout que ce soit la garde des enfants, les tâches ménagères ou encore le revenu», explique Andre Huber. «Il n'y a jamais de pauses et nous sommes accablés par la gestion de notre propre deuil et de celui de nos enfants», ajoute-t-elle.

Bien qu'elle ne soit pas directement touchée par les mesures d'économies en raison de son âge, Andra Huber souligne que de nombreuses veuves sont déjà en situation de précarité dans le système actuel. «Le Conseil fédéral est déconnecté de la réalité des personnes concernées», déclare-t-elle, ajoutant que «les veuves manquent d’une voix influente au sein de la Berne fédérale.»

Pas tous égaux

L’association Aurora, regroupant des personnes veuves avec des enfants mineurs, incarne une voix discrète, mais essentielle. À sa tête, la Zurichoise Sandra Nussbaum connait que trop bien la dure réalité de la perte: à 29 ans, elle a perdu son mari, emporté par un cancer, laissant leur fils âgé de seulement quatre mois.

«
Une fois que les enfants ont quitté le foyer, il devient impossible de combler les lacunes de prévoyance
Sandra Nussbaum, présidente d'Aurora
»

Elle sera directement impactée par la réforme: «Quand mon fils aura 25 ans, j'en aurai 54. Ma rente de veuve sera alors supprimée sans être remplacée» détaille-t-elle. La présidente d'Aurora a de la chance dans la mesure où elle peut travailler à temps partiel en tant qu'employée de commerce avec un modèle d'encadrement municipal et elle bénéficie d'une bonne sécurité financière grâce à la caisse de pension de son mari.

«Tout le monde n'a pas ces conditions», déplore Sandra Nussbaum. Selon elle, il est impossible de vivre uniquement avec la rente de survivant de l’AVS. La possibilité de bénéficier de la caisse de pension du conjoint décédé, et dans quelle mesure, constitue un facteur déterminant. Cela s'applique également aux personnes qui peuvent se constituer une solide prévoyance professionnelle grâce à leur propre activité. «Une fois que les enfants ont quitté le foyer, il devient impossible de combler les lacunes de prévoyance», souligne-t-elle.

Des améliorations demandées

L'association Aurora demande donc au Parlement d'apporter de nettes améliorations au projet. Sur le fond, ils saluent le fait que la rente sera à l'avenir versée indépendamment du sexe et de l'état civil. «Mais les rentes déjà versées ne doivent pas être supprimées, il en va de la sécurité juridique», explique Sandra Nussbaum. L'association insiste également sur la nécessité de prolonger les délais de transition pour que les bénéficiaires aient suffisamment de temps pour s'adapter à ce nouveau cadre de vie. 

«
J'espère que nos voix seront enfin entendues
Andrea Huber, veuve
»

La présidente d'Aurora estime qu'il est prématuré que la réforme entre en vigueur dès 2026. «Une telle adaptation de la loi ne doit être faite que lorsqu'il y aura des conditions sociales générales permettant de concilier travail et famille sur tout le territoire», conclut-elle.

La réforme, porteuse de nombreux enjeux politiquement sensibles, s’annonce comme un sujet de débat brûlant au Parlement. Le Parti socialiste (PS) a déjà déclaré son intention de s'opposer à ce qu'il qualifie de «coup de rabot sociopolitique». Début novembre, la commission sociale compétente du Conseil national entamera l'examen du dossier. Andrea Huber lance un appel: «J'espère que nos voix seront enfin entendues.»

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