Juste une affiche ou vraie plus-value?
À Paléo, le public utilise-il vraiment le nom de code «Angela»?

Les toilettes du festival sont ornées de l'affiche de prévention «Demandez Angela». Toutes «situations d'inconfort» peuvent être rapportées au staff. Si les cas sont nombreux, ils ne sont pas forcément graves, nous expliquent deux responsables de la sécurité à Paléo.
Publié: 27.07.2024 à 14:09 heures
Pascal Viot et Caroline Cingria ont forgé l'ADN de la sécurité Paléo: respect, bienveillance et tolérance.
Photo: © Paléo Festival Nyon, Laurent Reichenbach
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

La première fois que j’ai rencontré Angela, c’était dans un pub en Angleterre, il y a cinq ans. Une affichette posée dans les toilettes me proposait d’interpeller le staff à la recherche de cette femme, au cas où mon date Tinder se révélait menaçant.

Je n’étais pas en rendez-vous Tinder et, heureusement, la vie m’a permis d’oublier à tout jamais l’existence d’Angela. Jusqu’à cette 47ᵉ édition du Paléo, où le nom de code est présenté dans toutes les toilettes, pour la troisième année consécutive.

Beaucoup de cas, rien de grave

Cette fois, Angela n’est plus là uniquement pour sauver les festivalières des comportements inadéquats de ces Messieurs. Elle agit contre «toutes formes de discrimination», qu’elles soient homophobes, racistes ou sexistes. Comment fonctionne cette Angela 2.0? Et surtout, le nom de code est-il réellement utilisé?

Oui, il l’est. Mais les cas ne sont généralement pas graves. Paléo l’a souhaité ainsi et s’en félicite. «Il n’y a eu aucune tentative ou cas d’agression sexuelle, indique Pascal Viot, coordinateur du département accueil et sécurité. Mais avant qu’il se passe quelque chose de grave, on est disponibles. On traite donc beaucoup de cas, mais ils ne sont pas pertinents statistiquement.»

Les gens ont «besoin de parler»

À la plaine de l’Asse, le but, c’est de pouvoir s’adresser au staff librement, sans se dire que son problème n’est pas grave. Par exemple?

«On peut gérer des gens un peu perdus, seuls, qui ne trouvent plus leurs amis, illustre Caroline Cingria, responsable du dispositif jeune et prévention. Dans la majorité des cas, l’écoute suffit. Les gens ont besoin de parler», ajoute celle qui a implémenté ce dispositif à Paléo.

Angela multifonctions

Existe-t-il un risque de confusion, si Angela gère les mains aux fesses, les amis perdus et les coups de mou? Pour Caroline Cingria et Pascal Viot, c’est le contraire.

«C’est plutôt un outil de communication, qui est là pour dire: 'N’hésitez pas à vous tourner vers le staff'», souligne la première. «Nous avons adapté le label au contexte Paléo et en avons fait un service sur mesure pour prendre soin du public, qu’il soit victime, en inconfort ou en détresse», ajoute le second.

Comment ça marche?

Donc, quelqu’un demande Angela au bar. Que se passe-t-il ensuite? Premièrement, tout le staff des bars, de l’accueil et de la sécurité est formé à gérer ces situations. L’étape numéro 1, c’est d’amener la personne dans une safe place, un endroit sécure. Derrière un bar, par exemple.

La coordination sécurité est ensuite contactée pour prendre le temps d’accompagner la personne qui se sent victime. Un binôme vient la trouver. «On offre une bouteille d’eau, et surtout, on écoute sans jugement, développe Caroline Cingria. On ne pose pas forcément de questions dans un premier temps.»

Cellule psychologique

Ensuite, il y a trois «chemins» possibles: la situation s’apaise et la personne repart. Ou alors, elle a besoin d’un accompagnement psychologique. Et dans les cas les plus graves, la police est présente pour un éventuel dépôt de plainte.

«Nous avons une cellule psychologique, un piquet d’urgence», informe Caroline Cingria. L’infirmerie peut aussi accueillir ceux qui se sentent victimes. «Leur métier de base, c’est plutôt de soigner les corps, mais on sait qu’il y a aussi une dimension affective, ils ne font pas que poser des pansements», glisse Pascal Viot.

Violence conjugale

Il poursuit: «L’ADN de la sécurité Paléo, c’est d’être là pour tout le monde. À tous les postes, nous ne voulons pas de 'C’est pas mon problème'. Selon nos sondages, 97% des gens se sentent en sécurité à Paléo, c’est une victoire.» Malgré cela, Paléo «n’est pas immunisé contre les problèmes de société», précise le coordinateur du département accueil et sécurité.

La dizaine de bénévoles qui forment les binômes qui évaluent les «cas Angela» traitent notamment de violences conjugales. «On prend en charge la victime, et c’est un autre type de prise en charge pour l’auteur, s’il s’est comporté de manière inadéquate.»

Mais une dispute moins grave sera traitée avec le même sérieux. «Il y a deux jours, nos équipes ont été sollicitées pour un conflit de couple. Nous avons écouté et ils sont repartis en se faisant des bisous. C’est aussi ça, la vie», conclut Pascal Viot.

Les origines d'Angela

Le nom d’Angela est utilisé à travers l'Europe depuis 2016, à la suite d’une campagne lancée en Angleterre. Le point de départ est tragique. En 2012, une femme, Angela Crompton, avait été assassinée par son mari violent dans le Lincolnshire.

Ses amies avaient alors mobilisé toute la région pour une première campagne, «plus jamais», devenue «Demandez Angela». Paléo, comme de nombreux événements, bars et boîtes, a gardé le label «Angela» pour éviter la multiplication des noms de code.

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