Photo: fotoswiss.com/cattaneo

Ils crient au scandale!
Pour atténuer la pénurie de logements, ce petit village a eu une idée qui fait bondir les propriétaires

Les prix des appartements de vacances s'envolent, ce qui déstabilise le marché immobilier et accentue la pénurie de logements. Pour y remédier, le village de Pontresina, en Haute-Engadine, a un projet fou: surtaxer les propriétaires de résidences secondaires.
Publié: 07.01.2024 à 20:05 heures
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Dernière mise à jour: 07.01.2024 à 20:24 heures
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La présidente de la commune de Pontresina, Nora Saratz, a lâché une bombe en proposant un impôt pour les propriétaires de résidences secondaires.
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Beat Schmid

Juste avant les vacances de Noël, Nora Saratz, présidente de la commune de Pontresina en Haute-Engadine, a lâché une bombe: pour atténuer la pénurie de logements, ceux qui ne sont pas utilisés comme résidence principale seront soumis à une taxe! Les recettes seront ensuite versées dans un fonds destiné à subventionner des logements abordables pour les locaux.

Seuls les propriétaires louant leurs résidences secondaires ou les proposant en tant que résidences principales seraient épargnés.

La démarche de Nora Saratz est soutenue par le Tribunal fédéral. Après une bataille juridique de quatre ans, la plus haute juridiction a décidé en 2014 de valider l'idée d'une taxe sur les résidences secondaires vides. Pourtant, à ce jour, aucune commune ne l'a introduite.

Aujourd'hui, la commune de Pontresina revient à la charge, ce qui est loin de plaire aux «résidents secondaires», le petit nom ironiquement donné par les locaux aux propriétaires de résidences secondaires: «Nous, les propriétaires de résidences secondaires, ne sommes pas responsables des difficultés du marché immobilier», a lâché une des propriétaires. Un autre a évoqué une «démarche absolument pas solidaire». Un boycott de la région serait même à l'ordre du jour.

Pour Christian Jott Jenny, président de la commune de St. Moritz (GR), «une telle taxe fait mal aux propriétaires de résidence secondaire. Ils paient déjà beaucoup d'impôts et ne se sentent souvent pas les bienvenus». Et de conclure: «Nous devons trouver un moyen raisonnable et équitable de résoudre ce problème.»

Parfois, les résidences secondaires coûtent déjà 70% plus cher

En réalité, les propriétaires de résidences secondaires paient déjà aujourd'hui nettement plus pour leur logement que les locaux.

De plus, depuis l'acceptation de l'initiative sur les résidences secondaires il y a plus de dix ans, l'écart de prix entre résidences principales et secondaires s'est fortement creusé. Des exemples récents de résidences à vendre le prouvent: A Flims (GR), l'appartement de 3,5 pièces ne dépasse pas 1,09 million de francs en résidence principale. En revanche, avec seulement 2 mètres carrés supplémentaires, la résidence secondaire atteint 1,86 million de francs. Soit 70% de plus!

Certes, les résidences secondaires peuvent être plus attrayantes, mais ramenées au mètre carré de surface habitable, les différences sont parfois aberrantes. Sascha Ginesta, expert immobilier, a déjà eu affaire à des différences de prix allant jusqu'à 30%.

Ces résidences attirent souvent «des couples âgés ou sans enfants qui déménagent en montagne et qui ont donc le droit d'acheter une résidence principale». Il peut également s'agir de familles qui exercent une activité professionnelle à temps partiel et qui télétravaillent à la montagne, explique l'expert immobilier.

Mais pourquoi ces profils investissent-ils plutôt dans des résidences secondaires plutôt que principales? Parce que ces dernières restent inabordables pour la plupart des acheteurs, explique Sascha Ginesta. Celui qui achète un appartement d'un million de francs a besoin de 200'000 francs de fonds propres et d'un revenu de plus de 160'000 francs pour pouvoir supporter la charge. Or avec les salaires en montagne, c'est très difficile. Voire impossible.

«Ce qui manque, ce sont des logements locatifs»

L'expert immobilier est convaincu que la crise du logement ne peut pas être résolue en augmentant le nombre de biens en propriété. Pour de nombreux jeunes de la région, la propriété du logement n'est tout simplement plus abordable: «Ce qui manque, ce sont des logements locatifs. Mais on augmente pas le nombre de biens en location du jour au lendemain. Ce sont des processus à long terme qui commencent avec l'aménagement du territoire».

Les communes pourraient prendre exemple sur certaines villes en matière d'aménagement du territoire, comme Zurich, qui s'est fixé pour objectif d'atteindre une proportion d'un tiers de logements d'utilité publique. Les communes de montagne pourraient également introduire des quotas de logements locatifs dans certaines zones à bâtir, explique Sascha Ginesta.

En revanche, ce dernier ne croit pas aux taxes ou aux impôts plus élevés pour les propriétaires de résidences secondaires: «Cela ne fait que remplir les caisses déjà pleines des communes.» Et ça aggraverait la pénurie de logement.

Personne ne croit en une solution miracle

Le président de la commune de St. Moritz ne croit pas non plus en une solution miracle, mais plutôt à des mesures concrètes: «Nous construisons sur les toutes dernières parcelles et achetons même de vieux hôtels pour contribuer, au moins un peu, à la résolution du problème. Mais cela prend beaucoup de temps. Or, nous avons besoin de logements maintenant.» Et Christian Jott de souligner un autre problème: «Les locaux ont vendu leur terrain à bâtir et transformé leurs résidences principales en résidences secondaires pour les vendre au plus offrant.»

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