Une question qui enflamme les débats
L'immigration est-elle responsable de la pénurie de logements en Suisse?

Les logements vacants sont de plus en plus rares en Suisse. Certains pointent du doigt l'immigration et la libre circulation des personnes. Une hypothèse plausible... à un détail près: on n'a jamais aussi peu construit depuis 2003.
Publié: 15.07.2023 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 15.07.2023 à 11:29 heures
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L'UDC lancera bientôt une initiative visant à limiter le nombre d'habitants à dix millions d'ici 2050.
Photo: Keystone
Marc Bürgi

Chaque année électorale offre son lot de thèmes de campagne propulsés au cœur du débat politique. Avec le renouvellement du Parlement cet automne, 2023 n'y coupera pas. Et la hausse des loyers et la crise du logement figureront à coup sûr parmi les thèmes qui enflammeront les débats.

L'UDC s'est déjà emparée du sujet. Le parti lancera bientôt une initiative pour le développement durable visant à limiter le nombre d'habitants à dix millions d'ici 2050. Avec en toile de fond, la pénurie de logements, qu'il attribue à la forte immigration dans le pays

Une immigration record

L'immigration est-elle la coupable toute trouvée? Est-ce vraiment – en grossissant un peu le trait – la faute des étrangers si les logements se raréfient et si les loyers explosent en Suisse? Pour la faire simple: la réponse est non. Un petit «non» accompagné d'un grand «mais». Car il faut bien l'admettre, la question n'est pas si simple.

La pénurie de logements est en effet l'une des conséquences de l'immigration. Celle-ci a même déjà fait grimper les loyers par le passé, il faut bien l'admettre.

Par ailleurs, le nombre d'immigrés n'a jamais été aussi élevé depuis 2013: près de 85'000 personnes sont arrivées en Suisse l'an dernier (y compris les titulaires d'un permis de séjour de courte durée). Ce mouvement migratoire se poursuit depuis 20 ans déjà, de manière fluctuante depuis que la Suisse a introduit la libre circulation des personnes avec l'Union européenne (UE), en 2002.

En toute logique, ces arrivants gonflent les demandes de logements. Entre 2013 et 2021, deux tiers des nouveaux ménages sont nés de l'arrivée de nouveaux habitants, comme le montrent les chiffres de la société de conseil immobilier Wüest Partner. Dans ce calcul, les déménagements entre cantons sont pris en compte, mais la majeure partie de ces personnes ont traversé des frontières nationales.

La demande de logements augmente plus vite que l'offre

Si la demande en logements augmente, l'offre se doit d'augmenter elle aussi. Or en Suisse, on n'a jamais aussi peu construit depuis 2003: seuls 42'200 nouveaux logements ont été autorisés l'année dernière. Dans de telles disproportions, la rareté des logements exerce une pression sur les prix et entraîne une explosion des loyers.

Toutefois, l'immigration ne justifie pas à elle seule la pénurie de logements et l'explosion des loyers. La nécessité de construire des logements supplémentaires s'explique aussi par le fait que nous vivons de plus en plus seuls – cette tendance étant elle-même la conséquence de notre prospérité et du vieillissement de notre population. Aujourd'hui, les Suisses peuvent se permettre d'avoir leur propre logement et de vivre seuls après le décès d'un partenaire.

«Si nous construisions autant qu'en 2018 et 2019, nous aurions suffisamment de logements. Même avec une très forte immigration», explique Robert Weinert, partenaire chez Wüest Partner.

La libre circulation des personnes a plombé les loyers en 2002

Des chercheurs des universités de Fribourg et de Hohenheim (Allemagne) expliquent la hausse des prix par la brusque augmentation de l'immigration en Suisse.

Une autre étude, publiée en début d'année, montre que les loyers et le prix des biens immobiliers ont augmenté depuis l'introduction de la libre circulation des personnes. Car avec cet accord européen, la main d'œuvre qualifiée arrivée en Suisse a pu s'offrir des appartements et des maisons individuelles.

Mais depuis une dizaine d'années, cet effet s'est estompé. Le type d'immigration a changé aujourd'hui. La situation actuelle n'est donc en aucun cas comparable à celle de 2002, ni à celle des années suivantes.

Conclusion: il n'est pas possible d'évaluer précisément le rôle joué par l'immigration dans la crise du logement que traverse le pays aujourd'hui.

On ne change pas un modèle qui ne gagne pas

Va-t-on augmenter la cadence de construction pour que le marché se rééquilibre? La tendance ne semble pas s'inverser. La hausse des taux d'intérêt rend la construction de nouveaux logements moins attrayante. S'y ajoute la lourdeur de la bureaucratie: la rigueur et les contraintes en matière d'aménagement du territoire compliquent en effet la construction de nouveaux logements.

«Actuellement, il n'y a guère de signes indiquant que la construction de logements va s'accélérer», écrit Wüest Partner. La crainte d'une pénurie de logements continuera donc probablement d'animer les débats en Suisse. En tout cas, bien au-delà de la campagne électorale 2023.

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