Écologiquement et économiquement
Les immeubles vétustes sont des bombes à retardement financières

Les banques accordent parfois des rabais généreux pour les rénovations d'appartements et de maisons. Mais que se passe-t-il lorsqu'elles renversent la vapeur et exigent un supplément de prix pour les biens immobiliers vétustes?
Publié: 06.03.2023 à 20:05 heures
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Dernière mise à jour: 07.03.2023 à 10:27 heures
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En Suisse, 60% des logements existants sont chauffés avec des combustibles fossiles.
Photo: Keystone
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Beat Schmid

Pour les propriétaires immobiliers, le temps de l'opulence semble révolu. Les taux hypothécaires ont grimpé ces douze derniers mois. Et cette hausse ne serait pas terminée. Certaines banques ont déjà annoncé les prochaines hausses de ces taux.

Les hypothèques dites vertes (car plus durables), qui sont désormais proposées dans tout le pays, promettent un rabais. Selon le fournisseur, elles sont de 0,25 à 0,8% moins chères que les hypothèques traditionnelles. Pour un crédit à l'habitat d'un million de francs, cela représente une économie pouvant atteindre 80'000 francs sur dix ans!

Les personnes qui achètent un ancien bien immobilier et qui sont prêtes à le moderniser sur le plan énergétique peuvent donc profiter de ce type d'hypothèques. Toutefois, il faut remplir certaines conditions pour pouvoir profiter de ces avantages, de sorte que le rabais est souvent moins important qu'espéré.

Chez certaines banques, le montant à emprunter est plafonné, dans d'autres, sa durée est limitée. La Banque cantonale de Zurich (ZKB), par exemple, n'accorde de rabais pour les travaux de transformation que pendant une durée maximale de cinq ans.

Autre critère pour la plupart de ces hypothèques durables: les biens immobiliers doivent disposer de certains certificats environnementaux tels que Minergie, CECB (certificat des bâtiments des cantons), «site à 2000 watts» ou «maison passive».

Les banques doivent décarboner leurs livres de crédit

Les banques ont tout intérêt à financer des biens immobiliers respectueux de l'environnement, chauffés si possible sans émissions de CO2. Elles se sont en effet fixé pour objectif de réduire les émissions climatiques dans l'octroi de crédits de 40 à 60% d'ici à 2030. Les crédits hypothécaires représentent, selon les banques, entre 30 et 50% du volume des crédits.

Pour atteindre cet objectif, d'importants efforts sont nécessaires. En effet, les chauffages utilisant des combustibles fossiles comme le mazout et le gaz restent clairement en tête des systèmes utilisés dans les maisons suisses. Ils chauffent environ 60% de tous les logements existants. Au cours des prochaines années, des centaines de milliers de chauffages au mazout et au gaz devront être remplacés ou financés.

Les volumes en jeu sont énormes. L'immobilier suisse est responsable de près d'un quart des émissions de CO2 et d'environ 40% de la consommation d'énergie, comme l'a montré une étude de la Haute école zurichoise des sciences appliquées. Selon l'Office fédéral de l'énergie, plus d'un million de maisons en Suisse ont «un besoin urgent d'être rénovées» sur le plan énergétique.

«Nous ne pouvons pas forcer les clients»

Les banques devraient donc faire beaucoup plus pour inciter les propriétaires immobiliers à investir dans l'isolation thermique ou dans un nouveau système calorifère. Mais elles ne peuvent pas forcer leurs clients à remplacer leurs vieux chauffages au mazout, a avancé le directeur de la ZKB, Urs Baumann, lors d'une récente conférence de presse. Les banques ne sont que des intermédiaires financiers. C'est à la politique de faire pression pour plus de transitions, a-t-il souligné.

Ce qu'Urs Baumann n'a pas dit, c'est que les banques ont tout à fait la possibilité de créer des incitations négatives en renchérissant les hypothèques des biens dont le chauffage émet du CO2. Elles pourraient ainsi mettre la charrue avant les bœufs et facturer une majoration pour les immeubles équipés de chauffages au mazout – au lieu d'accorder des rabais pour les rénovations avec des hypothèques vertes.

Wieland Weinrich, de l'entreprise de conseil ZEB Zurich, n'exclut pas cette option. Certes, «il ne faut pas s'attendre à court terme à un système de malus ou à une résiliation des relations de crédit». Mais en principe, les banques devraient intégrer les risques liés au climat dans l'octroi de crédits, comme elles le font déjà pour d'autres risques.

À l'étranger, on agit déjà

«Si les banques se rendent compte vers la fin de la décennie qu'elles n'atteignent pas les objectifs de réduction de CO2 qu'elles ont fixés dans leur carnet de crédit, il pourrait aussi y avoir des cessations d'activité», prédit Wieland Weinrich, qui conseille les banques régionales sur les questions de stratégie et de distribution.

Aujourd'hui déjà, les banques vont regarder de près si la valeur des biens immobiliers à financer reste stable en ce qui concerne les risques climatiques, explique le spécialiste. Pour voir ce qui pourrait attendre les propriétaires suisses, il vaut la peine de jeter un coup d'œil à l'étranger.

Depuis le début de l'année, les Pays-Bas interdisent ainsi la location des immeubles de bureaux qui n'atteignent pas un niveau d'efficacité énergétique défini. En France aussi, la vis a été resserrée. Afin d'atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050, la location de logements non isolés doit être interdite. «Quelle banque voudrait être le prêteur d'un tel bien immobilier?», se demande Wieland Weinrich.

*Le journaliste Beat Schmid écrit des sujets liés à la finance et à l'économie pour le SonntagsBlick. Il est l'éditeur du média en ligne tippinpoint.ch.

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