Moyennant quelques sous, il aurait demandé à des mamans aux Philippines d'agresser sexuellement leurs propres enfants devant une caméra. Sur l'application de chat vidéo LivU, téléchargée sur son téléphone, il semble que la vidéo était diffusée en direct (ndlr: en live streaming) pour satisfaire des tendances pédophiles.
À Nyon (VD) ce lundi 22 janvier, le procès d'un jeune prédateur né en 1999 — relaté par «24 heures», «20 minutes» et «Le Temps» — met en lumière la pratique du live streaming appliquée à la pédocriminalité. Au-delà de la chambre du jeune adulte d'un petit village vaudois, les viols d’enfants retransmis par webcams avaient fait l'objet d'une enquête du journal «Le Monde» en mars 2023. Mais de quoi parle-t-on exactement?
Un crime en expansion
Le Ministère public vaudois ne dispose pas de statistiques spécifiques à ces pratiques illégales. À sa connaissance, glisse le porte-parole Vincent Derouand à Blick, les faits décrits dans le procès nyonnais «s’apparentent à des cas isolés», du moins à ce jour et dans le canton de Vaud. Le quotidien français, de son côté, considérait déjà l'année dernière la diffusion en direct sur Internet de ces actes affreux au profit d'Occidentaux comme l'«angle mort de la lutte contre la pédocriminalité».
Reste que ce crime à distance serait en pleine expansion depuis la pandémie. «Le Monde» rapporte qu' aux Philippines, les statistiques de ce type d'abus ont triplé en trois ans. L'archipel constitue le premier producteur mondial de ce type de contenus, devant le Mexique, le Brésil ou l'Inde. Éphémères, car en direct, ces vidéos sont très difficiles à tracer pour les forces de l'ordre compétentes.
Exploitation à deux étages
L'exploitation sexuelle des victimes — dont l'âge varie de quelques mois à l'adolescence — est à deux étages: par le commanditaire de la vidéo, de même que par ses parents ou figures d'autorité.
La dimension internationale est un des écueils évoqués par le responsable de la communication du Ministère public vaudois: «Dans les affaires impliquant des plates-formes numériques domiciliées à l’étranger, une des principales difficultés est l’obtention de moyens de preuves (enregistrements, témoignages, etc.) qui dépendent de la collaboration desdites plates-formes et des autorités judiciaires étrangères.»
Des plateformes très usuelles, comme Facebook Messenger et Skype, sont utilisées pour les contacts et pour l'appel vidéo. Citée lors du procès nyonnais, l'app LivU aurait vu sa fonction de rencontres amicales entre inconnus être détournée vers des actes à caractère sexuel.
Pour quelques dollars seulement
Le prévenu au Tribunal d'arrondissement de La Côte, qui nie les accusations, aurait payé quelques dollars aux adultes d'Asie du Sud-Est pour les convaincre de passer à l'acte. Le jeune homme a dépensé plus d'argent pour utiliser l'application LivU que ce qu'il aurait versé aux familles philippines, rapporte «24 heures» – 10'000 francs au total, selon les différents médias présents au procès.
Aux Philippines, les familles qui participent à ces violences ont besoin d'argent. Le paiement se fait par Western Union ou Paypal, là encore des plates-formes internationales anodines. L'article du «Monde» évoque plutôt des sommes allant de 20 euros à plusieurs centaines de dollars, de même que des familles exploitantes pouvant gagner «4500 dollars, soit un an de salaire moyen» aux Philippines.
Dissocier les images des violences
Le jeune vaudois assure n'avoir rien à se reprocher et être victime d'un complot, rapportent nos confrères. La défense du présumé innocent, assurée par Me Dario Barbosa, avance la théorie d'un hacker mal intentionné qui aurait piraté son téléphone et qui serait le vrai prédateur.
Dans l'article du «Monde», l'analyse des psychologues spécialisés permettait d'observer chez les pédocriminels qui agissent par écrans interposés une certaine «dissociation» entre les images pédopornographiques visionnées et la réalité des violences commises. Une représentation «assez archétypale chez ces consommateurs».
De son côté, le ministère public vaudois informe que contrairement au ransomware — la prise en otage de données contre rémunération — ou au piratage informatique, «ces infractions, bien qu’elles soient commises au moyen de matériel informatique, ne sont pas considérées comme des cas de cybercriminalité au sens étroit.»
La défense nie tout
L'accusé vaudois en procès serait passé lui-même à l'acte à une occasion, sur une fillette de quatre ans lors d'une fête entre amis de sa famille. Sa défense, telle qu'expliquée dans «24 heures», est sans appel: la plainte pénale qui concerne ces attouchements aurait été instrumentalisée par la mère de la victime. La petite fille, filleule de son père, a d'elle-même témoigné que le jeune adulte lui aurait «montré son zizi» et «touché les fesses et devant», comme cite «20 minutes».
Le Ministère public requiert 8 ans d'enfermement, de même qu'un traitement en thérapie. L'avocat du prévenu, lui, demande l’acquittement. Les victimes de pédocriminalité à distance, du monde entier, devront vivre avec.