Dans l'ombre de Trump
UBS prête à quitter la Suisse? Et si une banque américaine l'engloutissait...

La Suisse s'inquiète d'un éventuel départ de sa grande banque UBS. Un tout autre scénario circule: une UBS bridée pourrait devenir candidate au rachat.
Publié: 23.03.2025 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 23.03.2025 à 15:26 heures
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Le siège d'UBS à Paradeplatz est agité.
Photo: KEYSTONE
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Reza Rafi et Beat Schmid

UBS appartient-elle encore à la Suisse? Ou est-ce la Suisse qui appartient à UBS? Depuis que le pays ne compte plus qu’une seule grande banque, une forme de malaise persistant agite le débat politique et économique. Avec 350 milliards de francs de crédits accordés sur le territoire national, le poids d’UBS dans l’économie suisse est immense – au point d’inquiéter les autorités.

A Berne, la nervosité monte. La Finma, la Banque nationale et le Département fédéral des finances envisagent d’imposer à UBS des exigences plus strictes en matière de fonds propres. La banque, menée par le président du conseil d'administration Colm Kelleher et le CEO Sergio Ermotti, dénonce un désavantage concurrentiel inutile. Et voilà que Bloomberg a remis de l’huile sur le feu, en ressortant un scénario explosif: en cas de pression réglementaire excessive, UBS pourrait envisager de quitter la Suisse.

UBS rachetée par une banque américaine?

Mais selon nos informations, ce n’est pas l’exil qui préoccupe vraiment la direction à Zurich, mais un tout autre scénario: celui d’une reprise par une grande banque étrangère. Une perspective prise au sérieux en interne, qui alimente même certaines discussions de lobbying.

L’argument est économique: si les exigences en fonds propres devaient augmenter de 50% comme le souhaitent certains régulateurs, la valeur boursière d’UBS pourrait chuter d’un quart, estiment des analystes. Parallèlement à la baisse de la valeur boursière, l'entreprise serait généreusement dotée de capital improductif au niveau du groupe, peut-être à hauteur de 18 à 20% des actifs pondérés en fonction des risques.

Concrètement, UBS deviendrait une aubaine. Et avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et de sa politique «America First», un acteur comme J.P. Morgan ou Bank of America pourrait être tenté de mettre la main sur le premier gestionnaire de fortune au monde. «Le départ est le scénario le plus faible», confie un initié d’UBS à Blick. «Le pire des cas s’appelle un take-over, et il pourrait se produire avec une capitalisation de 15 à 20%.»

Une loi qu'en 2029

A cela s’ajoute la lenteur du processus législatif suisse. Le Conseil fédéral doit présenter d’ici mai les grandes lignes de la future Lex UBS. Mais si la réforme prend la forme d’une loi, le projet ne verrait pas le jour avant 2026, pour une présentation au Parlement en 2027. En cas de référendum, une entrée en vigueur ne pourrait intervenir qu’en 2029. Des années d’incertitude pour un secteur qui réclame des règles claires.

Il est difficile de juger de l'extérieur à quel point cette inquiétude est sérieuse et à quel point elle est exagérée sur le plan tactique. Mais la question se pose. UBS est une marque puissante, un atout dans l’univers feutré de la gestion privée. Et sa fragilisation boursière pourrait bien réveiller des ambitions internationales.

Une reprise d'UBS par un concurrent américain pourrait avoir du sens, du moins sur le papier. La grande banque suisse est, pour sa gestion de fortune, la première adresse pour les clients très riches dans presque toutes les régions du monde. Aux Etats-Unis, en revanche, elle n'a pas encore réussi à développer une activité rentable.

Théoriquement, un rapprochement avec un géant américain pourrait sembler pertinent. Mais dans les faits, les fusions bancaires comportent de lourds risques. Une UBS absorbée par un acteur américain risquerait de perdre une partie importante de sa clientèle, non seulement en Suisse, mais aussi en Asie, à Singapour ou Hong Kong. Si des fortunes asiatiques choisissent UBS, c’est aussi parce qu’elle est suisse. Si elle cessait de l’être, d'autres établissements helvétiques comme Julius Baer pourraient en profiter et seraient submergés par de nouveaux clients.

Pas question de quitter la Suisse

En attendant, les tensions restent vives entre UBS et les régulateurs, notamment au sein du Département des finances dirigé par Karin Keller-Sutter. Du côté de la banque, on reproche aux autorités de ne voir que les risques. Et personne ne parle des bénéfices économiques.

Pour l’heure, UBS se défend de tout désir de départ. Un porte-parole de la banque renvoie aux déclarations de Sergio Ermotti lors du WEF en janvier: la «suissitude» de la banque est un atout, un «critère de différenciation tout à fait décisif». L’activité suisse est l’un des piliers de notre stratégie: «Nous voulons continuer à opérer avec succès à partir de la Suisse. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit question pour moi, à l'heure actuelle, de quitter la Suisse», avait-il indiqué.

Fin mai, le gouvernement du pays annoncera la couleur. C'est alors que commencera le prochain chapitre des relations compliquées entre UBS et la Suisse. Le patron de la grande banque ne s’est toujours pas exprimé sur le risque de rachat. Les relations tumultueuses entre UBS et la Suisse sont donc loin d’avoir trouvé leur épilogue.

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