L'héritage politique de Roger Nordmann à ses collègues parlementaires est limpide: «Je vous encourage à trouver des compromis entre vous, et non des compromis avec UBS», a-t-il déclaré lors de sa dernière intervention devant le Conseil national. Dans un entretien avec Blick, le politicien socialiste spécialiste des questions financières, qui quitte le Parlement à la fin de la session de printemps, a précisé sa pensée: «La politique doit rester unie et ne pas se laisser dicter sa conduite par UBS.»
Roger Nordmann fait ainsi référence au lobbying des banques, et particulièrement d'UBS, qui tentent d’influencer les politiciens, notamment ceux du camp bourgeois. « Avec moi, ils n’ont même pas essayé», dit-il en riant à la cafétéria du Parlement. «Ils seraient tombés sur la mauvaise personne.»
Le Conseil fédéral ne suit pas toutes les recommandations
Le débat de mardi au Conseil national portait officiellement sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la faillite de Credit Suisse, largement salué. Mais l’enjeu était surtout de poser les bases d’une place financière suffisamment solide pour survivre, sans coûts pour les contribuables, même lors d'une crise touchant la dernière grande banque du pays – UBS.
Les quatre motions et six postulats issus des recommandations de la CEP ont été adoptés sans opposition et transmis au Conseil fédéral. La ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, a toutefois rappelé que le Conseil fédéral ne partageait pas toutes les conclusions de la commission.
Le durcissement des critères de garantie d'une activité irréprochable pour les top-managers, qui exigent entre autres dix ans de résidence en Suisse, n'est pas du goût du Conseil fédéral. La ministre des Finances a fait remarquer, non sans une pointe d'ironie, qu'UBS avait suivi un cours solide sous la direction d'un président du conseil d'administration allemand, tandis que Credit Suisse s’est effondrée sous direction suisse. Karin Keller-Sutter n'a pas cité de noms, mais il semblait évident qu'elle pensait aux anciens présidents Axel Weber pour UBS et Urs Rohner pour Credit Suisse.
Sur un point, parlementaires et ministre des Finances sont toutefois d’accord: UBS a besoin de plus de fonds propres. Même dans les rangs bourgeois, l’opposition est faible. Alfred Heer (UDC) a appelé à «garder la tête froide dans la régulation» et a souligné la difficulté de concilier les préoccupations sécuritaires de la Suisse et les intérêts économiques de la banque – un exercice proche de «la quadrature du cercle», selon lui.
La grande banque isolée
Au Conseil national, on voit à quel point il sera difficile pour UBS de faire valoir ses arguments sur la question du capital. Une grande banque contre (presque) 200 conseillers nationaux – la banque ne peut que perdre ce match.
Le Parlement n’est guère réceptif à l’argument de l’UBS selon lequel plus de fonds propres entraîneraient forcément une hausse des coûts pour les clients. La Suisse n'est «pas une place financière discount, mais haut de gamme», a rappelé le Vert Gerhard Andrey en dénonçant la banque: «Augmenter les prix au motif qu’il faut couvrir à 100% les filiales étrangères avec des fonds propres est malhonnête.»
Le Conseil fédéral lui-même soutient l’idée d’exiger plus de fonds propres, comme l’a confirmé Karin Keller-Sutter en faisant référence aux propos de Gerhard Andrey: «Ce besoin supplémentaire en capital pour UBS n'est pas synonyme de coûts supplémentaires.» Karin Keller-Sutter a souligné qu'il était important pour elle de souligner que si les coûts à l'étranger pouvaient effectivement augmenter quelque peu, cela ne devait pas nécessairement entraîner une hausse des coûts des opérations de crédit en Suisse.
Ménager les petites banques
Si UBS tentait malgré tout de répercuter ces coûts sur la clientèle suisse, d’autres établissements pourraient en profiter. Les banques régionales se préparent déjà. Plusieurs parlementaires ont insisté sur le fait que les enseignements tirés de la chute de Credit Suisse ne doivent s’appliquer qu’aux banques d’importance systémique. «Les autres établissements, comme les caisses d’épargne, les banques cantonales ou les banques suisses de taille moyenne, ne doivent pas pâtir des nouvelles règles», a déclaré Daniela Schneeberger (PLR).
Même les instituts financiers d'importance systémique, comme UBS, Raiffeisen, la Banque cantonale de Zurich et Postfinance, se battront au Parlement fédéral pour ne pas être mis dans le même sac qu'UBS en matière de réglementation. Dans la Berne fédérale, la lutte d'UBS pour obtenir davantage de fonds propres est perdue d'avance.