Dans le collimateur de la 'Ndrangheta
Klaus Davi, le chasseur de mafieux: «Pour la première fois, j'ai peur»

Depuis huit ans, Klaus Davi épingle les chefs de la mafia italienne dans ses reportages provocateurs et ses campagnes d'affichage. Jusqu'à présent, les parrains avaient réagi avec des plaintes en diffamation ou des insultes. Les menaces sont désormais montées d'un cran.
Publié: 24.05.2022 à 06:18 heures
1/6
Klaus Davi dans le bureau de son agence, au centre de Milan.
Photo: LaPresse
Myrte Müller

Pour le journaliste et politicien Klaus Davi, chaque opération de police anti-mafieuse est du pain bénit. Depuis huit ans, ce Biennois d’origine mène un combat à son échelle contre la mafia calabraise, à coups de reportages sur le terrain et campagnes d’affichage accusatrices.

Cette fois-ci, pourtant, les informations divulguées par la police n’ont pas fait le bonheur du «chasseur de mafieux» suisse.

Dans le collimateur de la 'Ndrangheta

Des écoutes téléphoniques ont révélé que le Biennois d’origine, qui réside désormais à Milan, était au centre de discussions entre deux chefs de la mafia. Ces derniers mentionnaient notamment une campagne d’affichage que Klaus Davi avait organisée en juillet 2017. L’expert en marketing voulait accrocher à chaque station de RER du centre-ville de Rome une affiche avec la photo et les noms des parrains de la 'Ndrangheta vivant dans la capitale italienne, dont ceux des deux chefs mafieux mis sur écoute.

L’action avait été annulée par le gouvernement de la ville et les affiches n’avaient jamais été posées. Malgré l’avortement de la campagne, la 'Ndrangheta avait quand même eu vent de cette intention. Les réactions n’ont pas tardé à fuser.

«C’est la première fois que j’ai peur de la mafia»

Dans la conversation téléphonique interceptée, l’un des deux patrons qualifie Klaus Davi d'«indicateur de police» et de «bâtard», tout en l’accusant de fournir des informations aux autorités chargées de l’enquête qui met en danger leurs affaires à Rome. «Même s’ils n’ont pas directement annoncé mon assassinat, on peut lire beaucoup entre les lignes, craint Klaus Davi, contacté par Blick. Cette déclaration me semble bien plus dangereuse que s’ils m’envoyaient des douilles ou mettaient le feu à ma voiture. C’est la première fois que j’ai peur de la mafia.»

S’il admet son effroi, le chasseur de mafieux assure qu’il ne panique pas. «La nuit, je réfléchis à ce que j’ai déjà fait contre la mafia et à la manière dont je peux me protéger, raconte le Suisse. Tout le monde en Italie sait qui je suis et où j’habite.»

Frappé à coups de balai par une maman mafieuse

Ce n’est pas la première fois que Klaus Davi fait parler de lui. Il y a des années, il avait déjà défrayé la chronique en tant que reporter pour la chaîne régionale calabraise LaC. Il avait tendu une embuscade aux parrains en privé, insistant pour obtenir des interviews afin qu’ils confessent leurs crimes. Il avait placardé les rues de photos de mafieux. Sur une affiche, un patron était même représenté en drag queen.

En juin 2016, Klaus Davi s’était rendu sur le territoire du dangereux clan Anello, également actif en Suisse. La mamma du parrain s’en était alors prise au journaliste avec un balai, un incident dont nos collègues de Suisse alémanique avaient parlé. Jusqu’à maintenant, Klaus Davi s’en est toujours sorti avec quelques bleus, ou au pire, des plaintes pour diffamation.

En mai 2019, Klaus Davi s’est présenté – avec succès – comme conseiller municipal dans le tristement célèbre nid de mafieux de San Luca. Il s’est ensuite installé au conseil municipal de Reggio Calabria. Il a entre-temps renoncé à ces deux fonctions, car il estime que «ligne rouge» a été franchie. «Moi, Suisse et homosexuel, je me suis trop rapproché de la 'Ndrangheta, j’ai porté atteinte à son honneur mafieux et à l’omertà», assène le Biennois. Ce qui ne l’empêche pas de persister et signer: «Je continuerai à me battre contre la mafia.»

(Adaptation par Louise Maksimovic)

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la