Les socialistes ne pensent pas tous pareil. Le Zurichois Daniel Jositsch s'oppose à ses camarades qui dénoncent la «guerre génocidaire» menée par Israël. Dans un courriel interne au Parti socialiste suisse (PSS), adressé vendredi 1er mars, 94 signataires demandent à leurs élus fédéraux de s'engager plus franchement en faveur de la population palestinienne. Une missive qui a fait tousser la CICAD, en témoigne la réaction de son secrétaire général Johanne Gurfinkiel sur nos plateformes.
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Du côté des destinataires du brûlot, le conseiller aux États alémanique, à la voix souvent discordante, est le seul membre de gauche de l'intergroupe parlementaire d’amitié Suisse-Israël, qui assure les intérêts de l'État israélien dans la politique suisse. Daniel Jositsch, qui rêvait encore récemment de Conseil fédéral, anime ce groupe avec des politiciens de l'Union démocratique du centre (UDC), du Parti libéral-radical (PLR) et du Centre. Dont des figures romandes bien connues comme Philippe Nantermod (PLR/VS), Michaël Buffat (UDC/VD) ou Christine Bulliard-Marbach (Centre/FR).
Contacté pour réagir aux demandes écrites de ses collègues de parti, Daniel Jositsch répond immédiatement dans un courriel: «Je ne partage pas cette opinion.» Le socialiste réfractaire, dont la parole est rare en Suisse romande, a accordé à Blick une courte interview par téléphone et en français.
Daniel Jositsch, pourquoi, comme vos 94 «camarades» socialistes, ne dénoncez-vous pas la «guerre génocidaire» menée par Israël à Gaza?
Je refuse le terme «génocidaire» dans ce contexte. C’est une forme de diffamation. On ne peut pas l'utiliser. C’est un conflit qui a commencé le 7 octobre avec la prise d’otages et l’attaque du Hamas contre Israël. Si on veut prendre la parole sur ce conflit, je crois qu’il faut prendre en considération certains éléments. D'abord, c’est le Hamas qui a commencé cette guerre. Encore aujourd’hui, ils détiennent des otages. Enfin, c'est le peuple palestinien à Gaza qui a élu le Hamas comme son gouvernement.
Certains vous reprocheraient cette position en soulignant que le conflit est né avant le 7 octobre…
C’est un point de vue, ou plutôt un prétexte. Rien ne donne le droit de faire une attaque comme celle du 7 octobre. Si on explique la situation avec la politique du passé, alors on peut tout expliquer. Cela n’aide pas. Ce qui aide, c’est de mener à une discussion pour le futur. Mais il faut savoir que les Palestiniens, jusqu'à aujourd’hui, n’acceptent pas l’existence d’Israël et que leur but est de détruire Israël. Face à une telle considération, je trouve un peu bizarre de la part de mes camarades de parti de prendre position pour les Palestiniens et de considérer cela comme un acte équilibré qui correspond à la situation.
Donc, vous estimez que les instances du Parti socialiste suisse sont suffisamment engagées en faveur du peuple palestinien, sur le plan humanitaire?
Oui. De toute façon, si on peut faire quelque chose depuis la Suisse, c’est trouver la possibilité que la paix soit rétablie. Jusqu'à maintenant, la Suisse a beaucoup payé, par exemple à l’UNWRA (ndlr: l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, accusée de soutenir le Hamas). On a vu que cette agence a de très mauvaises tendances. Il faudrait désinvestir, avant de continuer quoi que ce soit.
Déplorez-vous tout de même, comme dans la lettre interne à votre parti, qu’«aucune mesure contraignante n’a été prise par la Suisse contre l’État d’Israël»?
Non, absolument pas. Cela n'aidera pas dans ce conflit. Écoutez, les socialistes signataires de la lettre sont opposés à l'État d'Israël par principe et se positionnent uniquement en faveur des Palestiniens. C’est toujours la même chose. Ils trouvent des prétextes pour s'engager dans cette situation.
La gauche en Suisse a-t-elle du mal avec le mot «terrorisme» lorsqu’on parle du Hamas?
Ça, vous devez le demander aux personnes concernées.
D'accord, mais pensez-vous que vos collègues peinent à dénoncer l’antisémitisme?
Je ne sais pas, vous devez demander aux personnes que ça concerne, pas à moi. Vous avez encore des questions?
Au vu de l'agression d'un juif orthodoxe qui a eu lieu à Zurich samedi soir, est-ce que du point de vue du parti socialiste, c'est vraiment le bon moment pour soulever cette question à l’interne?
Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas d’accord avec les prises de position dans cette lettre. Alors non, ce n’est pas le bon moment.
Vous êtes le seul socialiste membre de l’intergroupe parlementaire d’amitié Suisse-Israël. Êtes-vous le seul homme de gauche en Suisse qui ne soit pas pro-palestinien?
Non, je n’ai pas fait d’enquête sur cette question, mais je ne crois pas.
C’est-à-dire, quelle position défendez-vous au sein de ce groupe?
Notre intergroupe parlementaire fait le constat d’une tendance politique pas très équilibrée sur la question d’Israël. Par exemple, l’ONU prend beaucoup de décisions contre Israël. Et d’autres États s'attaquent toujours à Israël. Surtout ceux qui ne sont ni démocratiques, ni ne respectent les Droits de l’Homme, comme l’Iran. Ce groupe permet de donner le contrepoids et d’assurer la bonne relation entre la Suisse et Israël.
En décembre dernier, vous étiez encore dans la course au Conseil fédéral face à deux autres socialistes, Beat Jans et Jon Pult, contre la volonté de votre parti. À l'époque, leur reprochiez-vous leurs positions sur le conflit au Proche-Orient?
Avec Beat Jans et Jon Pult, ce n'était pas vraiment un thème dont on avait discuté à ce moment-là. Mais bien sûr, j'imagine avoir une autre position qu’eux sur cette question.
Le regard porté sur cette guerre et sur le sort des populations impliquées est-il différent entre la Suisse romande et alémanique?
Oui, c’est une tendance.