«Mettre un terme à la guerre génocidaire» menée par Israël, demander «l'arrêt de la colonisation de la Cisjordanie»... Les mots choisis par 94 socialistes signataires d'une lettre interne ne passent pas auprès de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD).
Blick révélait, lundi 4 mars, que la «base» du Parti socialiste suisse (PSS) a adressé vendredi à ses élus fédéraux un courriel visant à les inciter à s'engager en faveur de la Palestine. Les 94 socialistes, en majorité romands, déplorent qu’«aucune mesure contraignante n’a été prise par la Suisse contre l’État d’Israël pour mettre un terme à la guerre génocidaire qu’il est en train de commettre contre le peuple palestinien».
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Pas de «guerre génocidaire»?
Pour le secrétaire général de la CICAD, Johanne Gurfinkiel, «il n’y a pas de génocide, ni d’ailleurs de 'guerre génocidaire' menée par Israël, selon les conclusions de la Cour internationale de justice (CIJ)». Il convient de dire qu'en janvier dernier, la CIJ, plus haute juridiction des Nations Unies (ONU), avait appelé Israël à faire tout son possible pour empêcher tout acte de «génocide» dans la bande de Gaza et à laisser entrer l'aide humanitaire. Une décision qui avait suscité des réactions contrastées de part et d'autre du conflit au Proche-Orient.
Confrontée aux critiques de la CICAD sur la lettre interne qu'elle a coordonnée, la socialiste Garance La Fata, députée au Grand Conseil neuchâtelois, justifie l'utilisation du terme «guerre génocidaire» par «des bombardements continus, 30'000 morts (ndlr: selon les chiffres du Hamas), des centaines de milliers de disparus, de gens déplacés, affamés», ou encore «des femmes qui accouchent dans des conditions atroces en sachant que leurs enfants vont mourir faute de soin et de nourriture».
Le poids des mots
La politicienne, qui a réuni les paraphes de près d'une centaine de «camarades», continue, toujours par courriel: «Les mots me manquent pour commenter l’horreur. Mais puisque le plus important semble être un problème de définition, je dirais qu’à mes yeux, faute de mesures prises par l’État d’Israël, comme l’exige la CIJ, nous sommes entrés dans une phase que je qualifie, politiquement et moralement, de génocidaire.»
Johanne Gurfinkiel espère «que les socialistes signataires feront preuve de raison sur les mots employés», surtout s’ils sont élus cantonaux ou fédéraux. «Sur les termes utilisés, dont la résonance n’est pas anodine, je tiens à dire qu’il leur faut réfléchir à leur poids, ceci afin d’éviter de les banaliser», assène le secrétaire général de la CICAD
Agression à Zurich dans le même temps
Il estime cependant que le sujet de politique internationale posé par les délégués socialistes n'entre pas dans le champ d'application de son association. «Il appartient au Parti socialiste de juger ces positions opportunes ou non, se limite à dire le secrétaire général de la CICAD. Je remarque simplement un phénomène de surdité de ces mêmes politiciens qui se disent défenseurs des opprimés, quant aux cas d’antisémitisme qui ont lieu aujourd’hui en Suisse.»
Le porte-parole de l'association évoque ainsi l'agression d'un homme juif orthodoxe, le soir du samedi 2 mars à Zurich, par un jeune homme de 15 ans radicalisé. «Je ne peux pas laisser Monsieur Gurfinkiel sous-entendre que ces combats ne sont pas menés avec force et détermination dans nos rangs, répond Garance La Fata. Le Parti socialiste a toujours eu une ligne très ferme concernant les actes antisémites et les a condamnés bien avant le 7 octobre.»
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Mobilisation contre l'antisémitisme
Johanne Gurfinkiel «peu[t] entendre» que les élus socialistes s’engagent sur ces questions de géopolitique: «Loin de moi l’idée de contester leur engagement pour Gaza, tout à fait légitime sur le plan humanitaire, concède le dirigeant administratif de la CICAD. Pour autant, j’appelle de mes vœux les initiants à faire preuve d’une mobilisation aussi forte face aux manifestations de haine racistes et antisémites qui se produisent dans nos contrées aujourd’hui.»
Garance La Fata réfute l'idée d'un manque d'engagement contre l'antisémitisme dans les rangs socialistes: «Tout comme pour le racisme et les autres formes de discriminations, membres et élu-es se mobilisent depuis toujours, également au sein des associations et des parlements communaux et cantonaux, pour que les délits soient référencés et reconnus. Personnellement, je mettrai toujours le respect des droits humains au cœur de mes combats.»