L'affaire a fait les gros titres. A la suite d'informations venant de l'étranger, la police bernoise avait pris d'assaut l'auberge Rössli à Meiringen en été 2023 et emmené les tenanciers chinois. Le motif? Soupçon d'espionnage. Les personnes concernées auraient repris l'établissement situé juste à côté de l'aérodrome militaire, dans le seul but de pouvoir espionner le nouveau jet de combat américain F-35 qui devait y être stationné.
Les autorités suisses sont encore plus préoccupées par les espions de Vladimir Poutine. Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, les pays européens ont expulsé plus de 600 diplomates russes.
Beaucoup d'entre eux se sont réfugiés en Suisse, qui est devenue un hot spot de l'espionnage. Le service de renseignement de la Confédération a reconnu une menace pour la sécurité du pays. Alors que le Conseil fédéral s'est montré réticent jusqu'à présent, le Parlement a exigé une approche plus dure: la Suisse doit désormais expulser systématiquement les espions étrangers.
Cinq fois plus d'espions refoulés
Et effectivement, la Suisse a serré la vis. Alors que les années précédentes, en moyenne 45 personnes par an étaient interdites d'entrée sur le territoire pour service de renseignement et espionnage interdits, elles étaient près de 240 en 2022, précise le rapport annuel de la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) du Parlement. Selon le Département fédéral des affaires étrangères, aucune personne expulsée ailleurs pour ce motif n'a pu entrer en Suisse par la suite.
Mais le Conseil fédéral ne veut toujours pas entendre parler d'un automatisme, quelle que soit la décision du Parlement. Chaque cas continuera d'être examiné et les avantages et inconvénients seront pesés. Le département des Affaires étrangères s'est justifié auprès de la haute surveillance du Parlement: une expulsion ou une interdiction d'entrée en Suisse entraînent généralement des contre-mesures de la part de l'Etat concerné.
Le Conseil fédéral craint les retours de bâton
«Concrètement, cela peut signifier que des diplomates suisses sont alors expulsés de cet Etat ou, plus souvent, que du personnel suisse se voit également refuser l'entrée en fonction», écrit la DélCdG dans son rapport. «Comme la Suisse dispose de représentations extérieures plutôt petites en comparaison internationale, cela peut avoir pour conséquence que celles-ci ne peuvent pas assumer leurs tâches ou les assument plus difficilement en raison du manque de personnel.»
C'est pourquoi on examine dans chaque cas si les indices d'espionnage sont suffisamment étayés et quelles pourraient être les conséquences d'une expulsion ou d'une non-accréditation. Il est clair que le Service de renseignement et le Département des affaires étrangères, en raison de leurs rôles distincts, pondèrent parfois différemment les intérêts, commente la DélCdG.
Les parlementaires attendent une approche stricte
Pour la haute surveillance du Parlement, cette décision est compréhensible. Elle attend néanmoins une approche stricte afin d'éviter que la Suisse ne devienne un hot spot pour les agents étrangers. «Cela implique aussi de veiller à ce que les personnes qui ont été expulsées par d'autres Etats européens en raison d'activités d'espionnage soient empêchées d'entrer en Suisse», précise la DélCdG, «même si cela entraîne des contre-mesures».