Mardi en début de soirée, le «Tages-Anzeiger» publiait un article sur le président de la Confédération, Ignazio Cassis, qui proposait une interdiction temporaire des exportations d’armes. Par la suite, le quotidien zurichois a laissé paraître un erratum dans ses colonnes: l’article se basait sur des informations orales qui se sont révélées trop peu étayées et n’auraient pas dû être publiées telles quelles.
Ignazio Cassis ne voulait donc pas de moratoire sur les exportations d’armes. Cela aurait-il étonné qui que ce soit? Car depuis le début de la guerre en Ukraine, le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères a tendance à s’égarer.
Au début, il évite de froisser la Russie
Pour le conseiller fédéral PLR, tout avait très mal commencé. On se souvient de sa piètre apparition le 24 février, jour du début de l’invasion russe, où il annonçait que le Conseil fédéral n’avait pas l’intention de reprendre les sanctions de l’UE contre la Russie, avant de s’éclipser purement et simplement, laissant les explications à des fonctionnaires fédéraux débordés. Le Tessinois avait alors volontairement évité d’utiliser le terme de «guerre», pour ne pas froisser la Russie.
Lorsque le gouvernement suisse s’est à nouveau présenté devant les médias quelques jours plus tard et s’est soudainement rallié aux sanctions, après avoir subi une forte pression de la part de la population suisse comme de l’étranger, Ignazio Cassis a justifié son hésitation. «La neutralité oblige ce pays à adopter une position plus nuancée, a-t-il déclaré. Et ce n’est pas facile dans cette situation.»
Une entrée en scène controversée
D’abord plutôt réservé, le président de la Confédération a ensuite créé la surprise il y a trois semaines, lors de son apparition à la manifestation de soutien à l’Ukraine sur la Place fédérale, à Berne. Il a pu y célébrer sa proximité avec l’Ukraine et a appelé le président Volodymyr Zelensky, qui était en direct, «mon ami».
Les émotions ont également submergé le Tessinois peu de temps après, en Pologne. Il était alors en visite officielle pour se rendre compte par lui-même de la situation à la frontière avec l’Ukraine, et le sort des réfugiés l’a ému aux larmes.
Keller-Sutter brille, Cassis tergiverse
Si la guerre touche autant Ignazio Cassis, il est d’autant plus étonnant que ses actes et ses paroles en tant que ministre des Affaires étrangères n’en témoignent que très peu. Après l’annonce des atrocités commises dans la ville de Boutcha, où des centaines de civils ont été cruellement exécutés, le Département des affaires étrangères (DFAE) n’a pas voulu parler de crimes de guerre. En diplomatie, il faut savoir «garder la tête froide», a expliqué Cassis, ce qui lui a valu de sévères critiques.
Pendant ce temps-là, sa collègue de parti Karin Keller-Sutter s’est habilement engouffrée dans la brèche. Ce n’est pas la première fois qu’elle y parvient. Elle a été la première à se prononcer en faveur des sanctions, à parler publiquement de guerre et à nommer les crimes de guerre par leur nom. De fait, elle a d’autant plus fait passer Ignazio Cassis pour un indécis.
Les prochaines élections en ligne de mire
Ce n’est pas un hasard. À Berne, la rumeur court que les relations entre les deux conseillers fédéraux PLR sont froides depuis longtemps. D’autant plus que l’ombre de l’éviction d’un siège libéral-radical plane sur le Conseil fédéral en 2023, si les partis écologistes continuent de progresser. Plus la date de l’élection approche, plus les rumeurs et les rancœurs propagées par les entourages respectifs de Keller-Sutter et de Cassis se multiplient.
Ignazio Cassis va devoir défendre son bilan alors qu’il cherche encore sa voie, après plus de quatre au Conseil fédéral. Avec l’échec des discussions avec l’UE et son rôle en retrait dans la crise du Covid, il peine à s’imposer, alors même que son année comme président de la Confédération aurait pu permettre de redorer son image. D’autant qu’il passe après Guy Parmelin, qui a brillé à cet exercice.
(Adaptation par Alexandre Cudré)