C'était une décision prévisible. Comme elle l'avait déjà annoncé au printemps, la Poste veut fermer 170 filiales. Pour ce faire, le géant jaune recherche des partenariats dans 155 communes afin de remplacer les services supprimés. C'est la seule façon de continuer à travailler sans l'argent des contribuables, a fait savoir mardi le directeur du groupe Roberto Cirillo. Le message est clair: l'entreprise publique met tout en oeuvre pour ne pas avoir à vivre sur les subventions.
Au moins une des 170 localités touchées a déjà été transformée. À Merenschwand (AG), la poste a migré en juin vers un Volg, alors que dans les autres communes, des discussions sont encore en cours. Ce qui étonne dans ces démarches, c'est qu'un village en particulier ne figure pas sur la liste. À Vuadens (FR), la Poste reste effectivement active dans le village. Pourtant, à première vue, la filiale de cette commune de 2500 habitants, qui s'avère être lieu de résidence du président de la Poste Christian Levrat, possède toutes les caractéristiques pour être également supprimée. Alors pourquoi peut-elle rester et pas les autres?
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Peu de critères définis publiquement
La Poste ne dévoile qu'avec réticence les critères selon lesquels les filiales sont éliminées. Mais une chose est claire: selon les directives internes de la Poste, seuls les chefs-lieux de canton ou de district ainsi que les communes de plus de 20'000 habitants ont un droit irrévocable à des bureaux de poste indépendants.
Pour toutes les plus petites communes, c'est surtout le mandat de service universel ancré dans la loi qui fixe les règles. Selon l'ordonnance sur la Poste, l'office de Poste le plus proche doit être accessible en 20 minutes à pied ou en transports publics pour 90% de la population. Pour les services de paiement, cette distance est de 30 minutes. De plus, chaque région d'aménagement du territoire en Suisse doit disposer d'un office de poste.
Pour le domicile de Christian Levrat à Vuadens, rien de tout cela ne serait un obstacle. La commune (de taille moyenne pour le canton) se trouve juste au-dessus de Bulle, la deuxième ville du canton de Fribourg. En transports publics, le trajet dure environ cinq minutes. Et à moins d'un quart d'heure de là, dans la commune caillouteuse de Broc, se trouve même un office de poste indépendant. En comparaison avec le reste du canton, il s'agit presque d'une offre excédentaire.
La rentabilité est déterminante
C'est pourquoi le syndicat Syndicom estimait déjà en 2017 que le site de Vuadens était menacé. Tout comme de nombreuses autres communes dans lesquelles la Poste continue malgré tout aujourd'hui d'exploiter ses propres bureaux. Car en réalité, le géant jaune pourrait en supprimer bien davantage. D'autant plus que les transformations ne touchent pas à la loi, puisque la desserte reste en quelque sorte inchangée. Même après les autres transformations, le taux de desserte reste de 96,4% selon les indications de la Poste, donc bien au-dessus des prescriptions légales.
Interrogée par Blick, la Poste fait savoir qu'elle a bien examiné la filiale de Vuadens, comme n'importe quelle autre en Suisse. «Nous avons décidé de maintenir la filiale sur la base de critères économiques», précise l'entreprise. Cette réponse démontre que les communes qui passent actuellement sous le couperet décident de la rentabilité de leur exploitation avant tout. La Poste ne dit toutefois pas comment elle mesure effectivement ce critère sur ses sites. Il est donc possible que la filiale du lieu de résidence du président de la Poste n'ait été épargnée que provisoirement.