L’actualité ne déçoit jamais en termes de polémiques saugrenues. Mais celle qui nous intéresse aujourd’hui pourrait bien se faire décerner la palme du genre. Tout part d’un communiqué de l’énigmatique Société universelle d’hindouisme, basée dans le Nevada, aux États-Unis. Par la voix de son président, Rajan Zed, cette organisation appelle les dirigeants de la chaîne helvétique de restauration rapide Holy Cow à revoir le nom de leur entreprise.
La raison? Ses membres s’indignent que des hamburgers au bœuf soient vendus dans un restaurant portant le nom de «vache sacrée», un animal qui représente pour eux la sacralité de toutes les créatures et qu’ils refusent de manger, résume le «Quotidien jurassien».
À lire aussi
L’histoire ne dit pas comment cette société, sise au pays de l’élevage intensif et du bœuf aux hormones, est tombée sur les 17 restaurants — entre Lausanne, Genève, Bâle ou encore Zurich — qui font de l’approvisionnement local de qualité un argument marketing. Mais une chose est sûre: depuis qu’elle connaît le nom de Holy Cow, elle voit rouge.
«La foi est quelque chose de sacré»
«Les chaînes de restaurants ne devraient pas faire d’appropriation religieuse, commettre de sacrilège et ridiculiser des communautés entières», s’étrangle Rajan Zed. Plus loin dans sa prise de position écrite, il précise sa pensée: «Les hindous étaient pour la liberté d’expression artistique et de parole autant que n’importe qui d’autre, sinon plus. Mais la foi est quelque chose de sacré et les tentatives de la banaliser blessent les dévots.»
À lire aussi
En réalité, le message du religieux n’est pas tout à fait une surprise, puisqu’il est coutumier de ce genre d’intervention. Nos confrères français de Numerama en ont compilé plusieurs. Par exemple? Début 2016, l’homme était intervenu pour dénoncer la Une du magazine «Fortune» montrant un dessin de Jeff Bezos, le patron d’Amazon, sous les traits de Vishnou pour illustrer un reportage sur la conquête de l’Inde par le site d’e-commerce, relevait «Le Monde». Jugée «inconvenante», la couverture lui avait fait dire que «l’usage inapproprié de concepts et de symboles hindous à des fins mercantiles n’était pas acceptable».
Le défenseur zélé de sa foi s’était déjà illustré une année plus tôt en s’attaquant à une chocolaterie basée aux États-Unis. Son tort? La vente de statuettes de Ganesh… en chocolat, notait le «New York Times». Là encore, le retrait du produit avait été demandé. Selon Rajan Zed, ce symbole ne pouvait être que mal perçu par la communauté hindoue puisqu’il est tout à fait inacceptable de «manger» Ganesh.
Les hindous de Suisse restent muets
Et ici? Quid des hindous de Suisse? Partagent-ils l’indignation de l’organisation étasunienne? Hurlent-ils, eux aussi, au blasphème? Difficile de le savoir. Contacté jeudi dernier déjà, le président de l’association du temple hindouiste de Prilly (VD) botte en touche et nous redirige vers la Fédération hindoue de Suisse. On n’y est guère plus loquace. Une personne de contact nous renvoie, le lendemain, vers son fils.
Après discussion, ce dernier ne souhaite pas que son avis personnel soit publié dans les médias. Et nous réoriente à nouveau vers son père, qui n’a toujours pas répondu à nos sollicitations ce lundi, à l’heure où ces lignes sont écrites. En clair: cette controverse met mal à l'aise, même au bord du Léman.
L'entreprise se défend
Holy Cow, de son côté, ne garde pas sa langue dans sa poche. Contactée par Blick, l’entreprise «de caractère laïque» veut tuer les débats dans l’œuf: «La marque trouve son origine dans le langage parlé anglo-saxon et peut être traduite par l’exclamation 'Wow!', notamment tirée de la série TV 'Batman' des années 70 et appréciée du fondateur de Holy Cow», écrit-elle dans un courriel.
Elle développe: «Il s’agit dans le présent d’une expression servant à marquer la surprise et l’étonnement, lorsque l’on se voit servir un burger gourmet. La société Holy Cow respecte scrupuleusement les us et coutumes des lieux où elle est implantée en Suisse.» Conséquence: elle n'entrera pas en matière face à la demande de Rajan Zed. Et tant pis pour son énième communiqué de presse.