Des Ghanéens valaisans agacent
La polémique «blackface» est arrivée à Monthey

Peut-on imiter les célèbres porteurs de cercueils ghanéens en se grimant le visage en noir? De nombreux internautes crient au «blackface» après une vidéo tournée au carnaval de Monthey (VS). La dernière preuve en date que se déguiser est devenu politique.
Publié: 22.02.2023 à 16:33 heures
|
Dernière mise à jour: 22.02.2023 à 19:48 heures
Les carnavaliers ont «ressuscité» les fameux porteurs de cercueils ghanéens, devenus célèbres en 2020.
Photo: DR / TikTok
8 - Adrien Schnarrenberger - Journaliste Blick.jpeg
Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Aïe! C'était presque un sans-faute. Fribourg, Sion, Delémont, Bulle, Évolène... La saison des carnavals en Suisse romande bat son plein, et il n'y avait jusqu'ici pas de dérapage à signaler. Jusqu'à cette vidéo, tournée ce week-end à Monthey et publiée sur TikTok (et supprimée depuis).

On y voit quatre hommes grimés pour mimiquer les «Dancing Pallbearers», ce groupe de porteurs de cercueils au Ghana apparus dans un reportage de la BBC en 2017 puis devenus mondialement célèbres trois ans plus tard à la faveur de la pandémie de Covid-19.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Là où les Africains ont accumulé les millions de vues sur les réseaux sociaux et ont été récupérés dans la culture populaire pour exprimer une situation de danger, leur version valaisanne a drainé de nombreux commentaires outrés. Parce qu'il s'agit de Blancs maquillés. Or, en 2023, pas plus que les années précédentes, le fameux «blackface» — le fait pour une personne non-Noire de se grimer en noir — ne passe plus.

Faire carnaval est devenu politique

Une histoire anecdotique dont les réseaux sociaux ont le secret? Pas seulement. Parce qu'en 2023, faire carnaval est devenu politique. Il y a d'un côté le camp de ceux qui crient, comme ici, au racisme ou à l'appropriation culturelle.

Or, nouveauté, l'autre camp est très véhément, lui aussi. En Suisse, l'UDC n'a pas attendu les premiers cortèges de cette année électorale pour défendre mordicus le droit de se déguiser.

Le premier parti du pays compte même financer des avocats pour défendre quiconque ferait l'objet d'une plainte pour infraction à la norme pénale antiraciste, révélait récemment le «Tages-Anzeiger». Pour sa part, «20 minutes» a répertorié tous les incidents de la sorte survenus récemment — et la liste est longue.

Faire carnaval est devenu politique, donc. Pas étonnant, puisque le premier parti du pays a fait de la «lutte contre la dérive woke» son combat. C'est même le point le plus important du programme de sa relève, les Jeunes UDC, ont-ils décidé récemment en assemblée.

Le «blackface», est-ce raciste? «Le Monde» en débattait déjà en 2019, rebondissant sur la photo du footballeur français Antoine Griezmann, grimé en basketteur noir deux ans plus tôt.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

La commission fédérale condamne

En Suisse, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) a pris position à l'occasion d'une polémique sur la commercialisation d'accoutrements d'Indiens, notamment, par Migros et Coop. «La vente et l'utilisation de ce type de costumes contribuent à véhiculer des stéréotypes racistes et à les renforcer», estime la CFR.

Une déclaration d'autant plus marquante que la commission estime qu'il n'y a pas besoin d'une volonté de racisme de la part des personnes déguisées, un argument souvent avancé pour contrer les accusations de «blackface». L'offense par ces costumes a lieu «indépendamment d’une éventuelle intention de nuire des personnes qui les portent», juge la CFR.

La polémique dépasse largement le cadre de notre pays, puisque le président canadien, Justin Trudeau, avait vu resurgir une photo de lui tartiné de noir en 2001 et avait dû s'excuser dans la foulée, dix-huit ans plus tard.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Face à deux camps qui semblent immuables et incapables de se comprendre, la solution vient peut-être de Colombie. Ce pays d'Amérique du Sud a décidé de ne pas voir dans le «blackface» une pratique infamante héritée de l'esclavagisme, mais plutôt une façon de célébrer la fraternité. «Bienvenue à la seule fête où la peinture sur le visage est un patrimoine de l’Humanité!», clament les organisateurs sur leur site.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Le «carnaval des Noirs et des Blancs» rassemble chaque année, du 28 décembre au 6 janvier, des milliers de personnes en liesse. L'événement se déroule depuis plus d'un siècle dans une région fortement marquée par les inégalités raciales et économiques et où vivent de nombreux Afro-Colombiens et diverses communautés indigènes.

Pour les Noirs et les Blancs

«Le jour des Noirs est une pratique ludique qui consiste à se peindre le visage à la peinture noire comme un rituel de liberté dans le but de raviver la fraternité humaine», expliquaient les organisateurs dans un récent reportage de l'AFP consacré à l'événement version 2023.

À l'inverse, lors du «jour des Blancs», qui correspond à l'épiphanie, habitants et touristes se lancent des nuages de talc ou des jets de mousse blanche lors d'un défilé sur 7 kilomètres avec chars, carrosses, figurines et marionnettes multicolores.

Et si pour savoir si pour faire avancer le Schmilblick et dépasser cette polémique survenue à Monthey après tant d'autres endroits auparavant, il fallait prendre de la hauteur et se rendre sur les contreforts de la cordillère des Andes?

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la