Campagne de vaccination
Comment le gouvernement veut courtiser les migrants

La vaccination perd du terrain, ce qui peut mettre en danger certains groupes à risque, comme les migrants. Ces derniers sont exposés à davantage de contacts et ont difficilement accès à la vaccination. L'OFSP a décidé de les cibler dans leur nouvelle campagne.
Publié: 11.07.2021 à 14:38 heures
La lutte contre le coronavirus est au point mort dans tout le pays. Bien qu'il y ait beaucoup de vaccins disponibles.
Photo: Keystone
Sven Zaugg, Lauriane Pipoz (adaptation)

Le taux de vaccination stagne dans tout le pays. Pourtant, la Suisse dispose d’un grand nombre de doses: pas plus tard qu’hier, elle comptait plus d’un million de doses prêtes à être injectées. Au début de la campagne de vaccination, plus de 90’000 injections étaient administrées quotidiennement. La semaine dernière, cette moyenne était descendue à 60’000 environ. Le Conseil fédéral avait annoncé qu’il souhaitait que 75 à 80% de l’ensemble de la population soit vacciné. Cet objectif paraît de plus en plus lointain: actuellement, seuls 38 habitants sur 100 ont été complètement vaccinés.

Alors que la volonté de se faire vacciner dégringole, le variant Delta se propage toujours plus rapidement. La task force s’attend à ce qu’il devienne majoritaire d’ici quatre à six semaines. Une fois de plus, la Suisse se retrouve dans une course contre la montre.

Les classes pauvres sont en danger

En plus des enfants et des jeunes adultes, les groupes les plus pauvres sont dans le viseur de la Confédération. Par rapport au reste de la population, le pourcentage de personnes vaccinées dans ces groupes est moins important.

L’ancien président de la task force, Matthias Egger, avait déjà mis en garde contre les conséquences de cette évolution en mai dernier. Dans une étude, l’épidémiologiste bernois était arrivé à la conclusion que les personnes pauvres en Suisse courent un plus grand risque de contracter le coronavirus ou même d’en mourir.

Des chiffres provenant des hôpitaux du canton de Saint-Gall confirment que la population migrante est particulièrement touchée. Surtout lorsque la maladie déclenchée par le virus entraîne des complications. Ainsi, la proportion d’étrangers dans les unités des soins intensifs était de 38,6%. Or, dans l’ensemble du canton, elle était de 24%.

Les migrants sont plus exposés au virus

La population issue de l’immigration a un risque plus élevé de contracter le coronavirus. Plusieurs facteurs amènent à ce constat. Tout d’abord, les migrants ont le plus souvent des emplois les obligeant multiplier les contacts. Des professions telles qu’homme de ménage dans un hôtel, ouvrier dans une usine ou une ferme ne sont par définition pas des postes où le recours au télétravail est possible.

L’épidémiologiste a par ailleurs constaté que moins de tests étaient effectués dans les quartiers pauvres. Les informations importantes sur le virus lui-même et sur la manière de s’en protéger ne sont en effet souvent pas parvenues jusqu’aux migrants.

Un scénario similaire se profile aujourd’hui avec la vaccination. Thomas Steffen, médecin cantonal de Bâle, déclare: «Les migrants sont parfois très mal informés sur les endroits où ils peuvent se faire vacciner ou sur qui paie pour ces services.» C’est probablement la raison pour laquelle le taux de vaccination est plus faible dans ce groupe à haut risque. «Les différences culturelles ainsi que les facteurs socio-économiques jouent un rôle décisif dans la propagation d’une pandémie», ajoute le médecin cantonal.

«Monter d’un cran» pour les jeunes

Il s’agit donc d’un moment crucial pour la progression de la campagne de vaccination, estime Adrian Kammer, responsable de la campagne à l’OFSP: «Nous devons encore monter d’un cran pour rappeler aux jeunes adultes en particulier que c’est le bon moment pour se faire vacciner.» Cette population est la plus hésitante, mais c’est aussi celle qui a le plus grand potentiel de vaccination, estime-t-il.

Depuis le début de la pandémie, la Confédération a investi un total de 24 millions de francs dans 25 campagnes. Après les vacances d’été, l’OFSP lancera une nouvelle campagne. Cette dernière visera à «fournir des informations transparentes sur les conséquences positives et les effets secondaires de la vaccination», complète le responsable de campagne.

Recours aux réseaux sociaux pour la sensibilisation

Cependant, il est peu probable qu’il soit aussi facile d’atteindre la population migrante, en particulier parce qu’il n’est pas possible de passer par les médias traditionnels tels que les journaux, la télévision et les affiches. «Mais les réseaux sociaux sont un canal important pour atteindre les locuteurs de langues étrangères en Suisse. Les associations ou organisations de migrants intensifient actuellement les posts liés à la campagne de l’OFSP sur Facebook, tandis que les cantons diffusent des messages de vaccination via des groupes WhatsApp», explique Adrian Kammer. Les informations sur la vaccination et les règles d’hygiène sont ainsi traduites dans plus de 20 langues pour être partagées sur ces canaux.

Mais cela ne suffit pas. D’après leurs analyses, «le facteur décisif est l’expéditeur» des messages, déclare le responsable de campagne. «L’OFSP ne peut pas faire campagne seul. Les leaders d’opinion de ces milieux culturels doivent également communiquer les avantages de la vaccination à la population migrante. Ces interlocuteurs ont beaucoup plus de poids.»

Parmi les médias ciblés, Diaspora TV. Ce canal est devenu la source d’information la plus importante pour une grande partie de la population migrante pendant la pandémie. La chaîne de télévision pour les étrangers en Suisse diffuse régulièrement des informations sur la pandémie, les règles d’hygiène ou encore des témoignages de personnes vaccinées en tamoul, en farsi, en albanais et dans une dizaine d’autres langues.

L’accès devrait être simplifié

Un autre problème a été évoqué: l’accès aux vaccinations doit être simplifié. Pour Andrea Feller, responsable adjointe du département santé de la Croix-Rouge suisse, c’est bien clair: «Lors des tests, nous avons constaté que de nombreux migrants qui ont de faibles connaissances linguistiques ne parviennent pas à s’inscrire pour la vaccination. La procédure est trop compliquée.»

Elle a une solution: «Les vaccins doivent venir aux migrants.» À cette fin, il convient de mettre en place davantage de stations de vaccination mobiles devant les supermarchés et dans les quartiers. «En outre, l’offre de services sans rendez-vous doit être élargie», ajoute-t-elle.

Les cantons de Vaud, d’Argovie et de Schwytz ont déjà mis en place des systèmes répondant à ces recommandations: depuis plusieurs jours ils proposent des stations de vaccination mobiles dans les centres commerciaux. Va-t-on parvenir à renverser la vapeur? Le verdict tombera à la fin de l’été au plus tard, lorsque le variant Delta sera devenu majoritaire en Suisse… Ou peut-être pas.

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