Didier Trono répond aux peurs d'un migrant
«Pourquoi devrais-je me faire vacciner?»

Le virologue Didier Trono répond aux craintes de Fonde Fofana, un jeune migrant lausannois d'origine gambienne, concernant la vaccination contre le Covid-19.
Publié: 30.06.2021 à 15:42 heures
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Dernière mise à jour: 02.07.2021 à 11:34 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Nous l’écrivions ce lundi: le conseiller fédéral Alain Berset veut encourager les jeunes à se faire vacciner contre le Covid-19. En effet, la campagne de vaccination connaît un léger ralentissement. La population jeune a notamment du retard à rattraper. Pour y parvenir, le ministre de la Santé fait campagne sur Instagram avec quatre célébrités. Les ex-Miss Suisse Christa Rigozzi et Whitney Toyloy, le chanteur Gjon’s Tears ainsi que le musicien et présentateur de télévision Marash Pulaj ont pour mission de sensibiliser en particulier les jeunes femmes mais aussi les personnes issues de l’immigration.

À Lausanne, Fonde Fofana fait partie du cœur de cible. Âgé de 24 ans, ce jeune gambien achève une formation de carreleur et espère prochainement obtenir une attestation fédérale de formation professionnelle. Il est ce qu’on appelle dans le jargon un ancien MNA, soit un ex-mineur non accompagné. Arrivé seul en Suisse il y a neuf ans quasiment jour pour jour, il est depuis suivi par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants.

Il a reçu de la documentation officielle concernant le Covid et la vaccination, mais dit manquer d'informations et de détails pour comprendre ce qu’il devrait faire et pour se rassurer. Face à son envie de sauter le pas, plusieurs craintes profondes. Des peurs largement partagées dans son entourage, assure-t-il. Didier Trono, responsable du laboratoire de virologie et de génétique à l’EPFL, a accepté d'y répondre en dialoguant avec lui.

Bonjour Monsieur Trono. Pouvez-vous me dire ce qu’il y a dans les vaccins?

Bonjour Monsieur Fofana. Les vaccins autorisés en Suisse, le Pfizer et le Moderna, contiennent le même genre de substances ARN que celles utilisées naturellement tous les jours par nos cellules pour fabriquer des protéines. En l’occurrence, cet ARN messager est injecté sous forme de petites bulles de gras qui fusionnent avec nos cellules. L’ARN est alors lu par notre corps et envoie une instruction génétique chez la personne inoculée afin qu’elle produise la protéine Spike, la même qui se trouve normalement à la surface du coronavirus. Notre système immunitaire sait alors la reconnaître et va donc s’activer pour créer des anticorps capables de bloquer le virus. Ce qui nous empêchera d’être infectés.

Ces substances ARN sont-elles dangereuses?

Nos propres cellules en sont naturellement pleines! Seule la protéine produite par notre corps après le vaccin est nouvelle. On ne pense pas que ce procédé soit dangereux. Jusqu’à maintenant, après avoir vacciné des centaines de millions de personnes, nous n’avons pas constaté de danger particulier.

Si on se fait vacciner, est-ce qu’on subira des conséquences négatives plus tard?

A priori pas. Pour l’instant, nous n’avons pas constaté d’effets secondaires autres qu’une petite douleur sur le bras et un peu de fièvre dans les un ou deux jours qui suivent la vaccination. Ces effets passent en général en 24 heures et sont facilement contrôlables, en prenant par exemple du paracétamol. Nous n’attendons pas d’effets secondaires à plus long terme.

Je m’interroge parce que les vaccins sont arrivés très rapidement après le début de la pandémie. Comment est-ce possible?

Cela a été possible parce que nous avons immédiatement pu identifier le virus – SARS-CoV-2 – qui a provoqué cette pandémie. Nous avons par ailleurs immédiatement caractérisé son génome et donc sa composition en protéines. Nous avons, enfin, immédiatement vu quelle protéine pouvait servir pour produire un vaccin: la fameuse protéine Spike dont nous parlions avant. Tout ce processus a coïncidé avec les vaccins ARN déjà étudiés, cette technologie développée depuis une vingtaine d’années pour des vaccins anticancéreux. Toute la technique était à disposition. On savait donc comment fabriquer ces vaccins. Il ne s’agit pas d’une technologie qu’il aurait fallu inventer à partir de rien, elle était mûre. En outre, nous avons eu une très bonne surprise quand nous avons essayé ce vaccin en laboratoire. À l’époque, nous nous sommes aperçus qu’il fonctionnait extrêmement bien.

Pourquoi devrais-je me faire vacciner?

Pour plusieurs raisons. D’abord, même des gens jeunes et en bonne santé peuvent développer une forme grave de la maladie. Si c’est rarement le cas au moment de l’infection, une personne sur quatre développe ce qu’on appelle un Covid long. C’est une maladie qui est observée très fréquemment maintenant et que nous connaissons mal. Il faut à tout prix l’éviter car elle peut être très handicapante. Et puis, se vacciner permet aussi de ne pas contaminer les personnes à risque, dans son entourage proche ou plus lointain. En se vaccinant, on participe donc à un effort collectif pour protéger ces personnes.

Si je me fais vacciner, qu’est-ce que je pourrai faire de plus que si je ne le fais pas?

Se vacciner, c’est en quelque sorte acheter sa liberté. Les personnes non vaccinées pourraient se faire bloquer l’accès à certains pays ou à certaines manifestations. Mais nous devons aussi anticiper l’automne qui approche. Nous savons maintenant que le virus a une saisonnalité. Il disparaît presque en été et revient en force en automne. À cette période, le risque d’être infecté augmentera. Avec, le risque de voir nos hôpitaux surchargés grimpera aussi en flèche. Nous avons une fenêtre d’opportunité de quelques semaines pour vacciner le plus de gens possible afin d’éviter de nous retrouver dans la même situation qu’en automne 2020. Et il faut rappeler qu’un variant, le variant Delta, circule actuellement. Celui-ci paraît être plus infectieux et est donc susceptible de contaminer plus de gens.

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