La solution d'urgence pourrait bien se transformer en solution de rêve. C'est avec un certain soulagement que la ministre de la Défense Viola Amherd a présenté vendredi Markus Mäder comme nouveau secrétaire d'État à la politique de sécurité.
Il faut dire que la ministre n'a pas toujours fait les bons choix. Le premier faux-pas de ministre était de se tourner vers Jean-Daniel Ruch, qui a failli à son poste à cause de ses tourmentes de chantage sur fond d'affaires sexuelles. Deuxième choix, deuxième faux pas. Thomas Greminger, qui aurait pu donner une ligne politique pro-russe, s'est retiré de la course à la dernière minute.
Markus Mäder, le candidat parfait?
Et si Markus Mäder était le bon? Viola Amherd s'est dégoté un homme qui jouit d'une certaine reconnaissance dans les milieux militaires et qui, jusqu'à présent, n'a pas fait parler de lui pour ses opinions controversées.
Le seul talon d'Achille de Markus Mäder? Son appartenance au conseil de fondation de l'institut de recherche Swisspeace, dont le directeur Laurent Goetschel fait l'objet de critiques pour ses déclarations controversées sur le Hamas, le conflit au Proche-Orient et la Russie. Le brigadier n'a toutefois rien à voir avec les déclarations de son collègue, comme le souligne le DDPS: «Markus Mäder assume la position du Conseil fédéral.»
On ne sait rien de la vie privée du nouveau secrétaire d'État – un avantage pour le DDPS. Mais tout semble montrer qu'il s'agit de quelqu'un de bien. Dans sa thèse de doctorat, Markus Mäder remercie chaleureusement ses parents. Que peut-on lui reprocher?
La mission de Markus Mäder est de mettre en service dès le 1er janvier le Secrétariat d'État à la politique de sécurité (Sepos). Nombreux sont ceux qui doutent de la nécessité et de l'utilité du Sepos. Le nouvel arrivant doit convaincre les sceptiques du contraire. Mais ce n'est pas tout. Quelles sont les autres missions qui attendent le nouveau secrétaire d'Etat?
Une doctrine de la neutralité
«Si tu veux la paix, prépare la guerre.» Ce principe du théoricien romain de la guerre Flavius Vegetius Renatus parle à Markus Mäder. Il en est convaincu: une doctrine n'est utile que si elle est sans cesse renouvelée. Une doctrine idéale combine «des expériences éprouvées avec une pensée imaginative».
Markus Mäder peut se réjouir. Avec Beat Jans un vent de fraîcheur souffle sur le Conseil fédéral, qui pourrait également se faire ressentir sur la question de la neutralité. Beat Jans n'aurait aucun problème à soutenir l'Ukraine avec des armes.
Soigner les relations avec l'OTAN
Depuis le passage du conseiller fédéral Adolf Ogi, la Suisse est liée à l'OTAN dans le cadre du «Partenariat pour la paix». Pour l'élu, l'OTAN était un «menu de coopération militaire sans obligations juridiques ou politiques». Mais cette époque est révolue.
Aujourd'hui, l'OTAN attend des dividendes de la paix et n'est plus prête à protéger la Suisse pour rien. La Suisse coopère certes déjà avec l'OTAN. Elle a notamment partagé son expertise en matière de transport ferroviaire de chars avec ses alliés. Il faut dire que dans ce domaine, la Suisse, pays ferroviaire, dispose d'une vision unique au monde.
D'autres coopérations avec l'OTAN devraient suivre. Markus Mäder, considéré comme un ami de l'OTAN avec de bons contacts à Bruxelles, pourrait bien être décisif dans les accords à venir.
Participer aux exercices armés
En 2019, l'expert en sécurité Henrik Larsen a dressé un constat accablant pour l'armée suisse. «Même si la Suisse le voulait, elle ne pourrait pas participer aux grands exercices de l'OTAN, car son armée n'a pas les capacités nécessaires à un déploiement plus important.»
La conseillère en sécurité de Viola Amherd, Pälvi Pulli a assuré aux partenaires de l'OTAN que la Suisse souhaitait désormais participer «à tout le spectre» des exercices de l'OTAN – y compris au scénario d'une attaque contre l'OTAN elle-même.
Intégrer du personnel suisse à l'OTAN
Même si la Suisse n'est pas membre de l'OTAN, elle soutient l'Alliance avec ses ressources humaines. Markus Mäder devrait pourvoir des postes vacants en Belgique, en Italie et en Allemagne. La Finlande et la Suède ayant récemment rejoint l'OTAN, d'autres places devraient se libérer dans les structures de commandement.
Gérer l'affaire Ruag
Une affaire restera en fond de toile de l'année présidentielle de Viola Amherd. L'entreprise d'armement Ruag, qui appartient à l'Etat, est dans la tourmente. Le Contrôle fédéral des finances et un cabinet d'avocats externe enquêtent actuellement sur le chaos qui règne au sein de la société.
Il est question de corruption, de népotisme et de manque de contrôle. L'enquête porte également sur la localisation de 96 chars Léopard 1 dans le nord de l'Italie. L'entreprise allemande GLS a remporté une victoire en Italie. D'après la décision d'un tribunal, Ruag doit désormais livrer 25 chars à la société allemande GLS. Comme la politique de Ruag touche aussi les intérêts de partenaires de l'OTAN, Markus Mäder devra y mettre de l'ordre.
Les femmes, la paix et la sécurité (WPS Focal Points Network)
Il est nécessaire de mieux inclure les femmes dans les processus de négociation et de paix. Des études montrent que lorsque les femmes sont impliquées, les négociations sont plus performantes. La cheffe du DDPS Viola Amherd préconise un agenda WPS clair à cet effet, que Markus Mäder devra concrétiser.
Renouveler l'équipement de l'armée
«La situation financière est difficile», a déclaré Viola Amherd vendredi à Berne. «Nous avons déjà des lacunes en matière de capacités. Au cours des dernières décennies, nous avons économisé sur le dos de l'armée.»
L'artillerie a une force de défense limitée. Lundi, le DDPS a annoncé l'une interdiction provisoire de circuler pour les chars de grenadiers. Dans les années à venir, l'armée risque d'être confrontée à un désastre.
Markus Mäder a tout à faire pour y remédier. Il pourra compter sur le soutien et la collaboration du chef de l'armée suisse. Une tâche loin d'être simple, en sachant que le Parlement a mis le pied sur le frein cette semaine. Le budget de l'armée ne sera finalement pas augmenté à 1% du produit intérieur brut d'ici 2030.