Le résultat est décevant. Viola Amherd n'a obtenu que 158 voix mercredi lors de son élection à la présidence de la Confédération. Au Palais fédéral, ce score est considéré comme un rappel à l'ordre. Entre les retards embarrassants du nouveau secrétariat d'Etat, l'affaire Ruag ou encore sa prise de position sur la question de la neutralité, Viola Amherd et son département de la défense (DDPS) font face à des vents contraires de plus en plus violents.
En coulisses, la nouvelle présidente de la Confédération ne parvient pas non plus à marquer des points. Au contraire, le mécontentement ne fait que grandir. Pour cause, le Parlement se sent souvent ignoré. Certes, le DDPS a présenté début juillet une vaste commission d'étude composée de représentants de tous les partis, d'historiens et de philosophes. Mais les membres de cette dernière craignent d'être uniquement utilisés comme levier pour soutenir la ligne d'action de Viola Amherd.
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Amherd transforme le DDPS selon son bon vouloir
La mission de la commission est la suivante: suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, elle doit repenser la future politique de sécurité de la Suisse et participer à son élaboration. Un rapport accompagné de recommandations doit être présenté d'ici l'été 2024. Mais sans attendre le résultat, Viola Amherd remanie dès à présent la politique de sécurité, à sa guise.
Ainsi, la leader du DDPS a annoncé que le Conseil fédéral prévoyait d'adhérer au système européen de défense aérienne Sky Shield, un pas de plus vers l'OTAN. En août, le chef de l'armée Thomas Süssli lui a emboîté le pas en annonçant une information fracassante: il veut transformer l'armée. Celle-ci doit à nouveau être capable de repousser des attaques militaires.
Le Parlement et la commission d'étude sont restés en retrait des plans du nouveau Secrétariat d'Etat à la politique de sécurité (Sepos), qui sont d'ailleurs très contestés. Mais Amherd s'accroche avec entêtement à son projet.
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«Elle semble se moquer de sa commission d'étude»
«Alors que nous discutons de l'orientation future de la politique de sécurité, Viola Amherd prend continuellement de nouvelles décisions, critique un membre de la commission. Elle semble se moquer de sa commission d'étude.»
Nombreux sont ceux qui ne savent même pas ce que la commission est censée faire. Plusieurs membres expliquent à Blick qu'ils envisagent de démissionner: «J'ai atteint le point de non-retour», expliquent-ils. Même si tous veulent conserver leur anonymat.
A contrario, le DDPS explique que la commission n'a rien à voir avec la politique de sécurité actuelle. Si le rapport sur la politique de sécurité 2021 en constitue toujours la base, la commission doit fournir des impulsions pour l'élaboration du prochain rapport sur la politique de sécurité 2025. D'ici là, Viola Amherd se charge de ce qu'elle veut, comme se plaignent les membres de la commission.
L'expert en sécurité a déjà jeté l'éponge
A 67 ans, Christian Catrina a déjà jeté l'éponge. L'ancien chef de la politique de sécurité au DDPS n'a pas pu être joint pour une prise de position. Le travail au sein de la commission d'étude lui aurait paru trop confus. «Cela devrait donner à réfléchir, explique-t-on à la commission. Après tout, il était un membre important dans son rôle de rapporteur.»
Sur 22 membres, les partis en ont désigné six. C'est Viola Amherd qui a choisi les autres, dont le président en la personne de Valentin Vogt, ex-président du patronat. Quant aux experts en sécurité, ils sont en minorité contre une majorité de sceptiques de la neutralité, de sympathisants de l'OTAN et de partisans de l'UE. Le «Tages-Anzeiger» avait déjà critiqué cette composition, en prédisant qu'elle ne viserait pas un retour à une armée de défense aussi autonome que possible.
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La commission ne devrait que soutenir le cours actuel
Ce qui veut dire que Viola Amherd a composé la commission de manière à obtenir le résultat souhaité. C'est précisément ce que soupçonnent les membres de la commission d'étude, dont la composition est tellement hétérogène que tout est resté très flou jusqu'à présent.
«On soupçonne qu'elle ne doit pas fournir de résultats concrets», révèle un membre. Il semble plutôt qu'il s'agisse uniquement de confirmer la voie que Viola Amherd a empruntée depuis longtemps, et sur laquelle elle pose régulièrement de nouveaux jalons. Elle peut alors se référer à la commission.
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Valentin Vogt dans le collimateur
Le président Valentin Vogt est, lui aussi, dans le collimateur. Il a peu de connaissances en matière de politique de sécurité. Il semble plus important qu'il suive le cours de Viola Amherd. Ce faisant, il décide, seul, des propositions qui seront discutées, et de celles qui ne le seront pas. Cela nourrit le soupçon que la commission «n'est là que pour la galerie». «Jusqu'à présent, il y a en tout cas peu de chair sur l'os», dit-on à la commission. Interrogé, Valentin Vogt ne veut pas s'exprimer.
Viola Amherd est consciente qu'elle a quelques chantiers en cours. Et l'année prochaine, elle ne devra pas seulement s'occuper du DDPS, mais aussi représenter la Suisse à l'extérieur. Et cela ne facilite pas les choses. «Devant nous, le travail est comme une montagne. Nous devons veiller à ce qu'il ne se transforme pas en un sommet de 4000 mètres ou en un Cervin», a-t-elle déclaré mercredi au Parlement. Mais pour l'heure, elle se laisse d'abord fêter en Valais en tant que nouvelle présidente de la Confédération.