Les préparatifs de la messe de couronnement valaisanne battent leur plein. Le 21 décembre, le gouvernement valaisan veut fêter sa présidente Viola Amherd. Le canton, financièrement à court d'argent, fait payer cette fête 350'000 francs. La Valaisanne jouit d'une excellente cote de popularité, elle est de loin la conseillère fédérale la plus appréciée. Les scandales glissent sur elle, les reproches sont balayés d'un sourire joyeux.
La politicienne du Centre a les pieds sur terre et n'a pas l'air de s'en soucier. Mais les apparences sont trompeuses: en coulisses, ça bouillonne. Viola Amherd s'est créé de nombreux adversaires.
Un militaire suisse de haut rang parle d'un manque d'estime: «La conseillère fédérale n'a voulu me voir que deux fois au cours des quatre dernières années», déclare ce membre du plus haut commandement de l'armée à Blick. Viola Amherd semble ne pas jouir d'un grand soutien dans certaines parties de l'armée. C'est une ministre de la Défense sans armada, qui doit se battre sur plusieurs fronts.
Le secrétariat d'Etat défaillant
Dès le début, le projet de Secrétariat d'Etat à la politique de sécurité (Sepos) n'était pas placé sous une bonne étoile. Beaucoup se demandent: pourquoi la Confédération a-t-elle besoin d'un sixième secrétariat d'Etat? Viola Amherd justifie son projet prestigieux par la situation géopolitique (Russie/Ukraine, Gaza, Chine, 110 conflits armés dans le monde) et les défis que posent les cyberguerres.
Un fait est particulièrement embarrassant pour la ministre de la Défense: le Sepos doit entrer en fonction le 1er janvier, mais la conseillère fédérale n'a toujours pas trouver de chef. Son premier choix, l'ambassadeur pour la Turquie Jean-Daniel Ruch, a dû se désister en raison de risques de chantage. Viola Amherd a réussi à garder la mauvaise nouvelle secrète jusqu'aux élections fédérales. Elle n'a informé le Conseil fédéral qu'après le 22 octobre.
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Le deuxième choix de Viola Amherd, le diplomate Thomas Greminger, a trébuché sur un «pantscherl» – c'est ainsi qu'on appelle une relation amoureuse en Autriche. Lorsque le diplomate a quitté l'OSCE (ndlr: Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à Vienne pour Genève, il aurait obtenu une bourse d'études pour sa maîtresse russe et l'aurait ensuite promue. Pälvi Pulli, cheffe de la politique de sécurité au DDPS, n'entre pas non plus en ligne de compte pour le poste «pour des raisons interpersonnelles», dit-on à l'interne.
Viola Amherd a fait savoir début décembre que le poste de chef serait pourvu «dans les prochaines semaines». Lors de la séance du Conseil fédéral de vendredi, la cheffe du département s'est toutefois présentée sans nouveau candidat. L'heure tourne.
Une chose est sûre, Viola Amherd n'a essuyé que des refus de la part des premiers concernés. Ni l'ambassadrice suisse à Bruxelles, Rita Adam, ni son collègue parisien Roberto Balzaretti ne veulent devenir secrétaire d'État. Le directeur du Center for Security Studies (CSS) à l'EPF de Zurich, Alexander Wenger, n'est pas non plus intéressé par ce poste pourtant rémunéré à hauteur de 310'000 francs. Les noms de l'ambassadeur suisse à Washington, Jacques Pitteloud, et de son collègue à l'OTAN à Bruxelles, Philippe Brandt, circulent également. «Il s'agit là de spéculations», précise le DDPS.
Le président de la Commission de la politique de sécurité (CPS) du Conseil national, Mauro Tuena, en a assez. Le plus haut responsable de la politique de sécurité demande à la conseillère fédérale d'arrêter les exercices. «Madame Amherd devrait faire preuve de grandeur et annuler le Secrétariat d'État à la politique de sécurité, déclare le embre de l'UDC à Blick. La sécurité de la Suisse est garantie même sans secrétariat d'Etat.»
Le chef de la commission n'a toutefois d'autre choix que d'en appeler à Viola Amherd puisque la création d'un secrétariat d'Etat est l'affaire du Conseil fédéral. Comme l'a appris Blick, l'idée de faire une demande par écrit à la magistrate afin d'interrompre l'exercice a déjà circulé au sein de la CPS. La gauche a toutefois objecté qu'il fallait lui donner une autre chance.
Qu'un autre membre du gouvernement renvoie le projet à son auteur pour clarification serait théoriquement possible, mais considéré comme tabou. La décision reste donc entre les mains de la conseillère fédérale, dont son département assure que le Sepos commencera son travail «comme prévu» le 1er janvier.
La cheffe du DDPS devra, sans doute, s'expliquer devant la Commission de la politique de sécurité. Mauro Tuena lance: «Nous voulons voir les structures de ce secrétariat d'Etat, elles ne sont pas connues jusqu'à présent.»
Scandale de corruption chez Ruag
Après l'entrée en fonction de Viola Amherd, le groupe d'armement public Ruag n'a pas connu de répit. 96 chars Léopard 1 continuent de rouiller dans une casse au nord de l'Italie. Les Pays-Bas voulaient racheter les chars à Ruag, les remettre en état et les mettre à disposition de l'Ukraine. Mais le Conseil fédéral s'y est opposé en invoquant la neutralité suisse.
La raison pour laquelle Ruag a d'abord fait croire à ses partenaires étrangers que le deal pouvait fonctionner fait désormais l'objet de deux enquêtes. A cela s'ajoute le fait que le parquet allemand chargé de la lutte contre la corruption enquête sur un ancien cadre valaisan de Ruag.
D'une manière ou d'une autre, le dossier Ruag devient un fardeau pour l'entourage proche de la conseillère fédérale en charge de la Défense. Car le président du conseil d'administration de Ruag, Nicolas Perrin, est le beau-frère de la plus proche confidente de Viola Amherd, Brigitte Hauser-Süess. En principe, les rapports du cabinet d'avocats externe Niederer Kraft Frey et du Contrôle fédéral des finances devaient être disponibles à la fin de l'année, mais les enquêtes ont pris du retard.
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La dérive de la Suisse au sein de l'OTAN
Viola Amherd ne cache pas sa volonté de rapprocher la Suisse de l'OTAN. Selon elle, c'est la conséquence logique de la guerre d'agression de Poutine contre l'Ukraine. Les partenaires de l'OTAN célèbrent la cheffe du département pour cela. «Il est dans l'intérêt de la Suisse de soutenir l'Ukraine et l'OTAN», a récemment déclaré l'ambassadrice danoise Susanne Hyldelund à Blick. Mardi, après une rencontre avec l'amiral de l'Otan Rob Bauer, Viola Amherd a écrit sur X: «Nous sommes déterminés à élargir notre politique de sécurité avec l'Otan et l'UE.»
Tandis que l'UDC considère le bécotage de Viola Amherd avec l'OTAN comme une attaque contre la neutralité, l'attaquée se réfère au conseiller fédéral UDC Adolf Ogi: Celui-ci avait poussé en 1996 à l'adhésion de la Suisse au «Partenariat pour la paix» de l'OTAN. Une démarche à propos de laquelle le «New York Times» avait écrit à l'époque: «Adolf Ogi fait avancer un plan qui aurait été un suicide politique il y a encore quelques années dans un pays où la neutralité est considérée comme une écriture sacrée.»
La cheffe du DDPS en est convaincue, sa politique irait tout à fait dans le sens d'Ogi. La Suisse participera à l'avenir à des manœuvres armées de l'OTAN. Selon son Département, aucun exercice de ce type n'est actuellement prévu. Mais la conseillère en politique de sécurité de Viola Amherd, Pälvi Pulli, a annoncé il y a plusieurs mois déjà que la Suisse participerait à l'ensemble des exercices de l'OTAN. Avec la possibilité d'un scénario d'une guerre d'agression contre l'OTAN, plus qu'inhabituel pour l'armée suisse.
Office fédéral de la cybersécurité
Pour la nouvelle année, le Centre national de cybersécurité (NCSC) deviendra le nouvel Office fédéral de la cybersécurité (Bacs). Jusqu'à présent, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter en était responsable. A l'avenir, le Bacs dépendra du département militaire. Mais de nombreux cyberspécialistes ne veulent rien avoir à faire avec l'armée et son concept de sécurité, et les démissions pleuvent.
Selon la SRF, il y en aurait désormais 10 sur 48. Le NCSC se veut rassurant pour Blick: «Une transformation apporte toujours des chances et des risques.» Le Centre national a déjà repourvu cinq postes, d'autres recrutements sont en préparation.
Service de renseignement de la Confédération (SRC)
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) est depuis longtemps considéré comme un ours à problèmes de l'administration fédérale: trop lourd, trop inefficace, pas assez proactif. En conséquence, le SRC a été une cible reconnaissante pour la série culte valaisanne «Tschugger», dans laquelle un hacker peut s'introduire sans problème dans le service secret. Alors que d'autres pays ont rapidement procédé à une évaluation publique de la situation après l'attaque terroriste du Hamas, au SRC, rien ne s'est passé. Les agents secrets suisses sont surtout préoccupés par eux-mêmes.
Actuellement, la direction se bat avec une réorganisation: à l'exception du directeur Christian Dussey, tous les membres de la direction doivent postuler pour un nouveau poste. Cela provoque de l'inquiétude et du mécontentement. La composition de la nouvelle direction devrait être connue fin mars 2024, annonce le SRC.
Les avions de combat F-35
Dans les milieux militaires, Viola Amherd a d'abord été bien accueillie: elle avait gagné la votation populaire sur l'achat de chasseurs F-35. Mais entre-temps, l'achat est devenu plus coûteux que prévu. La qualité des avions de combat laisse également à désirer: la Cour des comptes américaine a constaté près de 800 défauts sur les F-35.
Et cette semaine, nous avons appris que les machines ne seront pas seulement plus chères que prévu, mais aussi plus bruyantes. Au grand dam des communes concernées.
Promotion des femmes
Pour faire carrière sous Viola Amherd, il faut être une femme ou un Valaisan, ou du moins avoir l'odeur du PDC, se moquent les membres de l'armée. Mais la promotion des femmes se fait attendre. Elle voulait augmenter la part des femmes dans l'armée à 10% d'ici à 10 ans... actuellement, elle stagne à 1%. «Le plan d'Amherd est trop ambitieux», dit une initiée.
La cheffe du DDPS peut tout de même se vanter que la part des femmes est proportionnellement plus élevée dans les missions à l'étranger, par exemple au Kosovo. Et pourtant, certaines femmes parlementaires n'apprécient pas du tout la manière dont Viola Amherd a laissé tomber sa conseillère en politique de sécurité Pälvi Pulli, sa favorite, pour le poste de secrétaire d'Etat. Sur le plan professionnel, Pälvi Pulli a obtenu les meilleurs résultats lors d'un assessment, mais ses qualités de direction ont moins convaincu.
Au Palais fédéral, on dit que Viola Amherd se couche devant l'UDC, car Pälvi Pulli flirte avec l'OTAN et est donc un chiffon rouge pour l'UDC. «On attribue aux hommes une expérience de direction, mais on la refuse à Madame Pulli. Madame Amherd devrait prendre fait et cause pour Mme Pulli», critiquent les femmes parlementaires.
Au vu des nombreux grands chantiers au DDPS, on ne sait pas comment Viola Amherd s'en sortira lors de l'élection à la présidence de la Confédération. A l'UDC, on est mécontent du cours de l'OTAN, à gauche, on est dérangé par les dépenses élevées de l'armée. Seule consolation pour la Valaisanne: elle devrait tout de même faire mieux que son prédécesseur Alain Berset. Le Fribourgeois a récolté l'année dernière, avec 140 voix, le plus mauvais résultat depuis des années.