Adolf Ogi s'inquiète pour l'UDC
«On a quand même sacrément l'air de perdants»

L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi estime que son parti fait fausse route. Sa position anti-Conseil fédéral et parfois pro-russe pousse une partie de ses électeurs à s'en éloigner. Pour lui, le parti doit revoir ses positions, y compris sur l'UE.
Publié: 30.03.2022 à 11:29 heures
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L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi s'inquiète pour l'UDC.
Photo: freshfocus
Pascal Tischhauser

Les deux partis poids lourds de la politique suisse n’en finissent pas de perdre des plumes. À gauche, le PS est en mauvaise posture: aucun parti n’a perdu autant de sièges lors des élections cantonales depuis l’automne 2019. Mais en face, à droite, l’UDC est également en perte de vitesse. Même si dans une moindre mesure.

Les dirigeants des deux premiers partis du pays tentent de justifier et de minimiser leurs pertes, à l’image de la coprésidente du PS Mattea Meyer. Mais en coulisses, l’inquiétude est grande. Adolf Ogi, ancien président de l’UDC et ex-conseiller fédéral, a décidé de sortir de l’ombre.

La figure de proue du premier parti du pays s’est exprimée pour Blick: «Je suis un optimiste irréductible, précise-t-il d’emblée. Mais je suis inquiet pour le parti: bien que nous ayons fait un bon résultat au Grand Conseil bernois dimanche, nos résultats électoraux à Zurich sont alarmants.»

L’UDC sur une mauvaise voie

Pour Adolf Ogi, le parti devrait se ressaisir après les élections cantonales bernoises. Depuis 2019, l’UDC a perdu des sièges à Fribourg, Vaud, Neuchâtel, Berne, Saint-Gall, Schaffhouse et Nidwald. «On a quand même sacrément l’air de perdants», regrette Adolf Ogi.

Pour le Bernois, l’UDC se trouve sur une mauvaise voie et cela pourrait expliquer les résultats. Il pointe du doigt le comportement du parti d’abord durant la pandémie de Covid, et maintenant vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Il fait référence au conseiller national UDC Andreas Glarner, qui a déclaré récemment que le président ukrainien Volodymyr Zelensky prolongeait la guerre par son comportement et que l’Occident était coresponsable du conflit aux côtés de la Russie.

Une stratégie anti-Conseil fédéral perdante

Pour l’ancien conseiller fédéral UDC, il est clair que «les Suisses soutiennent les sanctions contre la Russie», un fait d’ailleurs confirmé par notre sondage, qui montre que 84% des personnes interrogées soutiennent les sanctions ou désirent les renforcer. Adolf Ogi évoque les images de maisons bombardées, de femmes et d’enfants en fuite. «Qui peut comprendre qu’une partie des cadres du parti s’affichent publiquement comme compréhensifs de la Russie et prennent même la défense de Poutine?», se demande le Bernois.

A cela s’ajoutent les invectives néfastes contre le Conseil fédéral. «Le gouvernement doit rester l’instance la plus respecté et c'est le cas: leurs membres inspirent la sympathie. La stratégie de l’UDC, qui consiste à s’agiter contre le Conseil fédéral, se retourne contre lui et le rend d’autant plus sympathique.» Selon lui, l’UDC devrait soutenir le Conseil fédéral s’il juge son action juste et ne pas systématiquement s’opposer à lui.

La base ne comprend plus les dirigeants

L’ancien ministre de l’environnement et de l’énergie raconte qu’il s’est rendu samedi dans l’Oberland bernois à une fête d’anniversaire. Des anciens électeurs de l’UDC étaient présents. «Ils étaient membre du parti jusqu’à récemment, confie Adolf Ogi. L’un après l’autre, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient plus nous donner leur voix.» Cela a confirmé son impression: «La base de l’UDC ne comprend plus les dirigeants du parti.»

Le cas des élections cantonales bernoises n’est pas isolé, selon Adolf Ogi, qui connaît chaque résultat à la virgule près. «On ne tombe pas comme ça d’un conseil municipal», note-t-il, en évoquant les pertes du parti dans les communes d’Uster, d’Adliswil et de Wädenswil.

«Il faut faire notre autocritique»

L’ancien conseiller fédéral demande à son parti d’agir. «Si une telle tendance s’installe, c’est que quelque chose ne va pas. Il faut faire notre autocritique, analyser les résultats des élections cantonales et se demander où on pourrait obtenir des majorités. Actuellement, personne ne veut collaborer avec nous au Parlement.»

«Pourtant, les élections à l’exécutif bernois montrent que nous pourrions avoir plus de succès si l’UDC tirait à la même corde que le PLR et le Centre.» Une stratégie efficace dans le canton de Vaud, que le parti peine à implanter en Suisse alémanique. De l’avis d’Adolf Ogi, même une collaboration ponctuelle avec les Vert’libéraux pourrait être possible. «Je pense qu’une alliance bourgeoise cohérente est la bonne recette pour les élections de 2023», relève-t-il.

Un rapprochement avec l’UE?

Adolf Ogi se montre aussi préoccupé par l’approvisionnement énergétique de la Suisse. Pour lui, il est clair que si l’Europe décidait de ne plus s’approvisionner en gaz auprès de la Russie, la Suisse devrait suivre le mouvement. Et à plus long terme, il s’agit de penser différemment.

Notre sondage a également montré que les Suisses désiraient se passer tant que possible du gaz et du pétrole. «La question n’est pas de savoir si nous pourrons recevoir du gaz provenant du Qatar à la place de la Russie, mais à quelle vitesse nous pourrons nous passer des combustibles et des carburants fossiles.»

Le politicien UDC est certain que la guerre en Ukraine va modifier durablement la politique énergétique tout comme étrangère suisse. Selon lui, la coopération au sein de l’Europe est devenue plus importante. «Nos relations avec l’UE vont devenir plus étroites, prédit-il. Je ne parle pas d’une adhésion à l’UE, mais d’un rapprochement.»

Des coopérations plus importantes

Il en va de même pour l’OTAN. «Là aussi, je ne parle pas d’adhésion. Mais j’ai le souvenir d’un ancien conseiller fédéral — je crois qu’il s’appelait Adolf Ogi, ironise l’ancien président de l’UDC. Il avait jadis mis en place une participation de la Suisse avec le 'Partenariat pour la paix'.»

Adolf Ogi est convaincu que de telles alliances, comme une coopération entre des Etats membres de l’OTAN et des pays non-membres, deviendront plus importantes à l’avenir.

«Nous ne pouvons plus nous cacher derrière la neutralité», assène-t-il. La Suisse doit la tenir en haute estime tout en précisant «que nous sommes du côté des droits de l’homme, que nous nous rangeons parmi les États qui condamnent l’agression de la Russie et qui veillent systématiquement à ne pas devoir cofinancer la guerre de Poutine».

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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