Nous sommes un collectif de citoyennes et citoyens, avocats, professeurs, médecins, neuroscientifiques et spécialistes du développement de l’enfant qui réagit à l’histoire de Bénédicte. Un bébé qui a été enlevé à sa mère et placé trois jours après sa naissance et qui a été retrouvé en état de mort apparente après le placement.
Les événements ont été révélés publiquement dans un article de «24 heures» et republié dans son intégralité par la «Tribune de Genève» du 12 janvier 2024 dans son édition en ligne. Cet article donne des détails sur le fait que la maman, suite à des symptômes de prééclampsie apparus brusquement et mettant en danger sa vie et celle de son bébé, avait accouché par césarienne d’urgence le 30 mai 2023.
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Alors que l’accouchement avait été très pénible, la maman se sent très vite jugée par des paroles dévalorisantes sur son choix de grossesse par PMA comme elle en témoigne dans l’article. Au lieu de l’aider et de montrer un minimum d’empathie pour cette maman qui vient d’accoucher en urgence de son premier bébé dans des conditions difficiles, le personnel et le CAN Team du CHUV lui reprochent un manque d’initiative le 2 juin alors qu’elle n’a retrouvé son bébé que depuis la veille.
Aucune raison de placer l’enfant
L’établissement envoie un signalement. «24 heures» rapporte: «Il a été notamment observé un manque d’initiative de la part de Madame pour s’occuper de son bébé, un portage peu secure, des difficultés à appliquer les conseils des soignants concernant l’apprentissage alimentaire de son bébé, préférant faire confiance au contenu trouvé sur internet.»
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Quelques heures après ce signalement, la maman fait un pic de tension et doit être hospitalisée aux soins intensifs. Son avocat, Me Bertrand Gygax indique qu’en 28 ans de carrière, il n’a jamais vu une femme se faire arracher son nourrisson dans de telles conditions.
Les critères ne sont pas réunis pour décider d’un placement de l’enfant: il n’y a ni négligence, ni abus, ni violence, ni mise en danger. Les violences obstétricales et les préjugés à l’égard des femmes sont pourtant officiellement une préoccupation importante pour les autorités de ce canton. Cette situation est assez alarmante pour que le médecin cantonal ait été mandaté pour enquêter par Mme Rebecca Ruiz, Conseillère d’État, cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS).
Mort apparente et dépression
La DGEJ (Direction générale de l’enfance et de la jeunesse) a donc retiré le 2 juin, sur la base de ce signalement très précoce, trois jours après sa naissance, un bébé à sa mère. Le 5 juin, la Justice de Paix reçoit le signalement et confie un mandat de garde à la DGEJ qui, le lendemain, décide (alors que sa mère hospitalisée aux soins continus/intensifs) de placer le bébé en foyer en ne laissant que 1h30 de visite pour sa mère par semaine et aucune pour sa famille! Une longue procédure administrativo-juridique commence, qui maintient la nouvelle-née loin de sa famille.
Bénédicte a été retrouvée en état de mort apparente dans le foyer de «l’Abri» à Lausanne, le 22 juin, après 10 jours de placement et de séparation. Le pédiatre du CHUV évoque une dépression, dont le principal facteur peut être attribué à la séparation précoce.
L’hospitalisme est un phénomène de dépression et de régression psychophysique des bébés séparés précocement de leur mère bien connu en psychologie et en médecine; la séparation maternelle risque de conduire un nouveau-né à se laisser mourir par manque de contact avec le premier objet d’attachement (la mère).
Les connaissances scientifiques démontrent depuis plus d’un siècle qu’un enfant exposé à une séparation précoce (pendant la période critique qui s’étend sur les trois premières années) est à risque de mort prématurée, d’une atrophie du cerveau et de l’émergence d’émotions violentes associées à des troubles psychiatriques. L’enfant montre en outre une vulnérabilité accrue aux maladies vasculaires, aux altérations du fonctionnement neuroendocrinien, au remodelage tissulaire, aux inflammations chroniques (liées au stress et à la cascade biochimique générée par l’hormone du stress, le cortisol), etc.
Bébé en danger: Vaud doit agir!
Bénédicte se trouve toujours dans ce Foyer de «l’Abri» sous la responsabilité de la DGEJ en attendant la réponse du Tribunal fédéral au recours interjeté par la mère. Autrement dit, la série traumatique se poursuit. Nous sommes ainsi face à une véritable mise en danger de la vie et du développement de ce bébé.
À quoi cela sert-il d’avoir des formations universitaires et des investissements dans la recherche scientifique insistant sur le lien fondamental mère-bébé et sur les risques de la séparation précoce, pour qu’en pratique une telle situation puisse se produire?
Après le scandale des placements abusifs pour lesquels la Confédération et le canton de Vaud se sont récemment excusés, on ne peut imaginer que de telles pratiques perdurent.
Les signataires:
- Dr Eric Rochat, médecin de famille retraité, ancien conseiller aux États vaudois
- Delphine Preissmann, psychologue et docteure en neurosciences, thèse de doctorat sur le neurodéveloppement, spécialiste de la mémoire traumatique. UNIL-EPFL, Lausanne
- Dr Jacqueline Caillat, psychiatrie-psychothérapie FMH, thérapeute de famille, Genève
- Yves De Roten, Responsable du Centre de recherche en psychothérapie (CRP), PD MER-1, Faculté de Biologie et de Médecine, UNIL. PD, Faculté de Psychologie, UNIL
- Nathalie Dongois, professeure titulaire de droit pénal, UNIL
- Emilie Bovet, socio-anthropologue, docteure en Sciences de la Vie, HESAV, Lausanne
- Laurence Kaufmann, docteure en sciences sociales, spécialiste du développement de l’enfant. Professeure en sociologie de la communication, UNIL
- Krzysztof Skuza, PhD, psychosociologue, professeur HES associé, HESAV
- Françoise Schenk, docteure en biologie, neuroéthologiste, professeur Honoraire UNIL (FBM & SSP)
- Eric Tardif, docteur en neuropsychologie, professeur HEP, Lausanne
- Dr Odette Masson Ruffy, pédopsychiatre FMH, Thérapeute de famille, Ex Privat docent UNIL, Lutry
- Isabelle Voneche Cardia, docteure en histoire, EPFL, Lausanne
- Eric Raddatz, physiologiste et docteur en biologie. Professeur titulaire retraité, UNIL
- Benoît Sansonnens, avocat, Fribourg. Avocat des droits des parents confrontés à des placements involontaires
- Jacqueline Mottard, ordre des avocats, Genève
- Marianne Rossion Montan, Thérapie Psychocorporelle, Nyon
- Marie-Victoire Chopin, docteure en psychopathologie et psychanalyse, Hôpital Saint-Antoine, Paris
- Nicolas Evzonas, docteur en psychologie, psychologue clinicien, psychanalyste et enseignant-chercheur en psychopathologie clinique à l’Université de Paris-Cité
- Liviu Poenaru, docteur en psychopathologie et psychologie clinique, psychothérapeute fédéral ASP, Genève, et codirecteur, revue In Analysis (Elsevier Masson, Paris). «Psychopathologie du processus de protection des mineurs.» In Analysis, revue transdisciplinaire de psychanalyse et sciences, 4 (2), 256-268. Il est défenseur de la reconnaissance de la torture psychologique vécue par les parents confrontés à des placements involontaires.
- Marianne Robert, psychiatre, psychanalyste, Paris
- Ella Schlesinger, chargée d’enseignement, psychologue, docteur en psychologie clinique, Université catholique de Lyon
- Greg Simons, associate professor, Turiba University à Riga, Lettonie
- Christine Cerrada, avocate au Barreau de Paris, avocate référent de l’association L’Enfance au cœur. Auteur du livre «Placements abusifs d’enfants. Une justice sous influence» (Ed. Michalon)