Un rapport effectué sous mandat du Conseil fédéral montre que de nombreux enfants adoptés sont entrés clandestinement en Suisse. Plusieurs œuvres de charité et associations privées ont fait office d'intermédiaire dans ces processus d'adoption et d'immigration aux conditions douteuses. Parmi elles, la plus grande organisation suisse d’aide à l’enfance Terre des Hommes, ainsi que Caritas ou encore la communauté de Mère Teresa.
Dans les années 70 et 80, la Suisse avait déjà été ébranlée par l'affaire des bébés volés du Sri Lanka. Un rapport avait mis en évidence des processus d'adoption illégaux. Alice Honegger, originaire de Saint-Gall, a travaillé pendant près de 50 ans comme intermédiaire en adoption. Dans les années 1950 et 1960, elle a surtout contribué au placement de bébés suisses dans le monde entier. Elle a été impliquée dans le trafic de près de 1000 enfants sri-lankais et accusée de pratiques d'adoption abusives.
Pratiques douteuses dans 10 autres pays
Mais Alice Honegger n'était pas la seule à pratiquer une intermédiation douteuse en matière d'adoption – et le Skri Lanka n'est pas le seul pays touché par ce fléau. Selon le rapport de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW) mandaté par le Conseil fédéral, des enfants du Bangladesh, du Brésil, du Chili, du Guatemala, de l'Inde, de la Colombie, de la Corée, du Liban, du Pérou et de la Roumanie seraient également arrivés illégalement en Suisse.
Les chercheurs ont aussi découvert des preuves d'adoptions illégales dans ces dix pays. Au Chili et au Brésil, par exemple, il existe plusieurs cas documentés dans lesquels une naissance a été truquée, l'enfant d'autrui a été fait passer pour l'enfant biologique, des inscriptions à l'état civil ont été falsifiées ou achetées. Le Conseil fédéral estime entre-temps qu'entre 1970 et 2000, «plusieurs milliers d'enfants adoptés pourraient être concernés par des irrégularités».
Terre des hommes impliquée au Bangladesh, au Brésil, en Inde...
C'est dans ce contexte que Terre des hommes a été impliqué dans ces pratiques douteuses. Selon le rapport de la ZHAW, l'ONG a surtout placé des bébés du Bangladesh, du Brésil, de l'Inde, de Colombie et du Pérou.
Tout au long de ses activités, de 1960 à 2016, l'association a «soigneusement sélectionné des institutions et des orphelinats locaux pour des partenariats qui répondaient à la fois aux normes locales et suisses», souligne la porte-parole Anna Bertschy. «Terre des Hommes se distancie de toutes les activités irrégulières et illégales de groupes criminels qui ont abusé de notre nom.»
Aujourd'hui, l'œuvre de bienfaisance considère qu'il est de son devoir «d'aider toutes les personnes placées par Terre des Hommes en vue d'une adoption à retrouver leurs origines.»
Caritas et la communauté de Mère Teresa, autres intermédiaires
De son côté, la branche tessinoise de Caritas confirme avoir été impliquée dans des adoptions en provenance de Colombie entre les années 1970 et 2010. Caritas a surtout examiné l'aptitude des parents adoptifs potentiels et «validé» les documents relatifs à l'origine des enfants. C'est l'autorité cantonale qui avait le dernier mot quant à l'issue des processus adoptions.
Pro Kind Adopt Inform, active au Brésil et au Chili, a également fait office d'intermédiation en matière d'adoption. Cette organisation a ensuite donné naissance à l'association Bras Kind, qui s'est par la suite concentrée sur le Brésil.
La communauté religieuse de Mère Teresa, les «Missionnaires de la charité», était impliquée en Inde, tout comme l'association Social Activities Association à Zurich, et l'organisation romande Divali Adoption Service. La Fondation bernoise pour les mères et les enfants placés (Fondation MPB) était active en Colombie. Le Bureau Genevois d'Adoption (BGA) plaçait des enfants de Colombie et du Pérou, alors que le Service d'Adoption du Mouvement enfance et foyer à Fribourg se chargeait des enfants du Liban.
Reconversion après le scandale
La plupart de ces organisations n'existent plus aujourd'hui, ou se sont reconverties. L'association Bras Kind a été radiée du registre du commerce en 2009 déjà. «Zämeläbe», l'organisation qui a succédé à la fondation MPB, a subi le même destin quelques années après, en 2011.
Interrogé à ce sujet, le «Bureau Genevois d'Adoption» souligne qu'il salue les efforts visant à mettre au jour les irrégularités dans les procédures d'adoption. Pour l'intermédiaire suisse, «l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours un point central». Une procédure d'adoption doit se dérouler «de manière correcte, conforme à la loi et transparente». La fondation Zämeläbe et la Social Activities Association n'ont pas répondu aux demandes du Beobachter.