C’est une triste affaire qu’avait révélée, il y a deux ans, un rapport universitaire. On apprenait dans ce dernier que 881 enfants, originaires du Sri Lanka et adoptés par des Suisses jusque dans les années 1990, venaient de «fermes à bébés» où des femmes étaient exploitées par des trafiquants d’enfants. Ces derniers enlevaient les nouveaux-nés «conçus pour l’adoption» et falsifiaient systématiquement les actes de naissance. À l’époque, les autorités suisses savaient tout, mais elles ont fermé les yeux.
À la sortie de ce rapport, la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter, avait exprimé ses regrets et promis que la Confédération et les cantons soutiendraient les personnes concernées dans la recherche de leur famille biologique. Un projet pilote de trois ans dans ce but a été présenté lundi à Berne.
«Nous avons la responsabilité d’aider»
La Confédération, les cantons et l’association Back to the Roots (BttR) ont signé une convention commune pour ce projet, dont le budget maximum sera de 250’000 francs.
Au nom du gouvernement, Karin Keller-Sutter a évoqué les manquements des autorités qui ont provoqué chez les personnes concernées «beaucoup de souffrances qui ne peuvent plus être effacées», comme elle l’avait déjà dit il y a deux ans. Fredy Fässler, président de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police, a ajouté: «Nous avons la responsabilité d’aider.»
La présidente de BttR, Sarah Ineichen, est satisfaite: «Nous sommes heureux que les autorités soient prêtes à prendre leurs responsabilités et à soutenir les personnes adoptées du Sri Lanka dans ce dont elles ont besoin.» Elle a fondé l’association il y a quatre ans avec d’autres personnes concernées. Elle aide les personnes adoptées à retrouver leurs parents biologiques au Sri Lanka. Jusqu’à récemment, elle le faisait à ses propres frais.
Une recherche difficile
Le projet pilote s’articulera en plusieurs phases. Tout d’abord, des entretiens ont lieu entre BttR et les adoptés, afin de cerner leurs besoins. L’organisation les aidera ensuite à constituer leur dossier d’adoption. Des personnes sur place au Sri Lanka compareront les données avant de rechercher les parents. S’ils trouvent la mère, ils lui proposeront un test ADN. Ce dernier devrait rester à la charge de l’association BttR à l’avenir.
Ce projet de recherche n’est pas une mince affaire. La plupart des actes de naissance ayant été falsifiés, les noms des mères, par exemple, ne sont souvent pas les bons. Sur les 250 personnes adoptées qui se sont présentées à BttR, seules douze ont trouvé au moins un de leurs parents au Sri Lanka. Sarah Ineichen fait un amer constat: «La plupart des personnes adoptées ne retrouveront pas leurs parents.» L’objectif du projet est donc le suivant: les personnes adoptées doivent apprendre, grâce à cette démarche, à reprendre la responsabilité de leur histoire d’adoption et à apprendre à vivre avec cette histoire difficile.
(Adaptation par Louise Maksimovic)