«C'est grave, Monsieur Cissé?»
Les vérités du directeur sportif dont le Lausanne-Sport est en danger

Souleymane Cissé est très critiqué ces derniers mois. Les résultats du LS sont décevants. Alors que le club doit lutter contre la relégation, le mercato hivernal a été marqué par quelques couacs. Pour Blick, le dirigeant répond à toutes les questions du moment.
Publié: 31.01.2022 à 21:15 heures
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Dernière mise à jour: 01.02.2022 à 12:44 heures
Souleymane Cissé ne compte pas quitter le Stade de la Tuilière. «Je ne suis pas venu ici pour être aimé, mais pour travailler, aider le club à avancer et avoir du succès.»
Photo: Keystone/Archive
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Ugo CurtyJournaliste Blick

Les retrouvailles avec le championnat ont été pénibles pour le Lausanne-Sport dimanche. Une lourde défaite contre Saint-Gall (1-5) et un kop qui a boycotté la fin de match. Les supporters vaudois ont sorti une première banderole: «Notre patience a des limites», avant de réclamer à nouveau la démission de Souleymane Cissé.

Le directeur sportif nous avait reçu quelques heures avant ce match, dans son bureau avec vue plongeante sur la pelouse de la Tuilière. Pendant près d’une heure, il n’a évité aucun sujet et répondu aux critiques parfois graves dont il est la cible.

Comment allez-vous? Comment avez-vous vécu ces dernières semaines difficiles?
Je vais très bien sincèrement. Avec cette nouvelle année, c’est un nouveau championnat qui commence. Je me sens bien et je me sens prêt.

Vous avez été la cible de beaucoup de critiques. Ça ne vous touche pas?
Non parce que je ne passe pas ma vie sur les réseaux sociaux. En faisant un métier public, qui concerne beaucoup de monde, il faut être capable d’encaisser les critiques. Je ne suis pas venu ici pour être aimé, mais pour travailler, aider le club à avancer et avoir du succès.

Lors du match contre Zurich, en décembre, certains ultras sont pourtant entrés dans la tribune pour chercher la confrontation avec vous. Vous avez été directement confronté à cette colère.
Ils ont le droit de manifester leur mécontentement, je le comprends. Il s’explique par une certaine disette sportive. Par contre, être supporter ne donne pas tous les droits. Personne au club, moi le premier, n’aborde un match pour le perdre. Qu’ils soient en colère contre mon poste, je veux bien. Mais ils ont touché à l’homme et je trouve que ce n’est pas bien.

Certains chants rappellent votre nationalité ivoirienne. Il y a une part de racisme?
Racisme, je n’irai pas jusque-là parce que les Vaudois ne sont pas racistes, même si certains ont dépassé les bornes. Ces propos, je les ai pris avec de la distance parce que j’ai déjà connu bien pire. Je tiens à rappeler que j’ai la nationalité française mais cela ne veut rien dire parce que les peuples se sont mélangés, heureusement, depuis bien longtemps. Certains propos… Du haut de mes 44 ans, tout cela me glisse sur la peau mais ça pourrait vraiment toucher des jeunes ou des personnes sensibles. Il faut faire attention à ne pas tomber dans des dérives regrettables. Nous défendons tous les mêmes couleurs.

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Quelle note vous donneriez à votre mercato?
Je n’ai pas de note à donner. Je constate juste qu’on a renforcé l’équipe dans certains domaines qui nous faisaient défaut, notamment en attaque. Malgré les bonnes performances de Zeki Amdouni, qui a fait ce qu’il a pu, et Brahima Ouattara qui a progressé, il nous manquait du poids devant, un point de fixation. Nous avons recruté Marvin Spielmann qui a brillé en Super League même s’il a été victime de la forte concurrence à YB ces derniers temps. Notre objectif était aussi de recruter dans le championnat suisse pour gagner du temps en termes d’intégration. Rodrigo Pollero, je le voulais déjà depuis un an.

Malgré les départs de Cameron Puertas et Gabriel Barès, l’équipe est meilleure à la reprise selon vous?
Je le pense sincèrement. Puertas est un bon joueur mais il n’a pas eu le rayonnement qu’on lui connaissait. Forcément, ça n’a pas aidé. Il n’est pas irremplaçable (ndlr: Lausanne a annoncé lundi la signature du Français Adrien Trebel). Il ne faut pas faire des fixations sur des noms. On a joué 16 matches avec Cameron Puertas et le LS est quand même avant-dernier.

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Cameron Puertas et Gabriel Barès incarnaient aussi l’ancrage vaudois du club. Le LS partage sur les réseaux le hashtag «gamins d’ici» en parlant de l’équipe. Est-ce que ce n’est pas devenu «gamins de là-bas»?
Je pense que tout le monde devrait sortir de l’émotion pour se confronter aux faits. Le départ de Puertas, c’est une vraie perte, celui de Barès, c’est celui d’un jeune joueur prometteur qui n’a pas été dominant. Ce n’est pas le joueur majeur dont tout le monde parle aujourd’hui. Il a un vrai potentiel, mais n’a pas réussi à le démontrer.

Pourtant, il est titulaire avec la Suisse M21. Même début décembre, à Bâle, quand Puertas et Trazié sont suspendus, Gabriel Barès commence sur le banc avec le LS. A-t-il vraiment eu la possibilité de se montrer?
Il faut être à l’entraînement pour juger. L’entraîneur ne choisit pas ses joueurs en fonction de leur tête. S’il avait été l’homme de la situation ce jour-là, je pense qu’il aurait joué.

J’ai entendu qu’il y avait eu un clash le 19 décembre à Sion. C’est vrai?
L’entraîneur lui a dit qu’il ne comptait pas beaucoup sur lui au deuxième tour. Gabriel Barès n’était pas satisafait de son temps de jeu. Le coach lui a dit qu’il ne voulait plus de joueurs mécontents dans le vestiaire. Il voulait des footballeurs focalisés sur le destin commun, pas seulement sur leur carrière. J’aime beaucoup Barès, c’est moi qui l’ai promu en première équipe et n’oublions pas que c’est aussi Borenovic qui l’a formé. Une frustration commune s’est accumulée depuis le début de la saison. Quand les jeunes sont impatients, ils peuvent devenir leur propre adversaire.

Barès est parti libre, exception faite d’un pourcentage à la revente. Comment expliquer cela?
C’est courant dans le football. Attention, au-delà de l’effet d’annonce, il faut voir s’il jouera à Montpellier. Barès n’était pas un joueur dominant en Super League. Pour moi aujourd’hui, il n’a pas le niveau de la Ligue 1. S’il travaille dur, peut-être un jour. J’entends parfois que certains supporters ont l’impression qu’on abandonne les jeunes de Team Vaud. C’est faux.

J’ai retrouvé le communiqué de presse publié lors de la prolongation du joueur. Il est notamment écrit: «Team Vaud est un axe clé du développement du club, à l’image de Barès». Qu’est-ce qui a changé depuis?
Rien. C’est un joueur sur lequel on compte, on comptait vraiment. On l’a préféré à Christian Schneuwly. Il a un gros potentiel – encore aujourd’hui – mais sa progression n’a pas été satisfaisante. Quand on l’a prolongé, c’était pour qu’il travaille certains aspects et fasse preuve de patience. On avait un projet pour lui. S’il n’y croyait plus, alors il fallait le laisser s’épanouir ailleurs.

Dans le même communiqué de fin 2020, il est souligné que 13 joueurs issus de la formation Team Vaud font partie du contingent de la première équipe. Il n’y en a plus que 3 aujourd’hui (Husic, Sanches et Tsoungui). Ça fait une sacrée baisse…
Il y a un idéal qui se heurte à la réalité. C’est le niveau de jeu qui décide au final. Ceux qui ne sont plus là, pour la plupart, n’avaient pas la qualité ou la volonté nécessaires.

Mais est-ce que les jeunes Vaudois ont le même crédit que les autres jeunes joueurs? Je pense à Zohouri par exemple.
Quel joueur de Team Vaud est mieux préparé aujourd’hui pour assumer ce poste?

Est-ce qu’il y a une pression de la part de l’OGC Nice?
Absolument pas, ils nous laissent gérer leurs joueurs. Je prends l’exemple de Lucas Da Cunha. L’OGC Nice venait de l’acheter 1,5 million et ils l’ont prêté à Lausanne. Au LS, il n’a joué que les trois ou quatre derniers mois de la saison. Les Niçois n’ont rien dit quand il était sur le banc. Moi non plus. Ceux qui pensent que c’est moi qui fais l’équipe fantasment. Les entraîneurs sont libres de faire leurs choix.

C’est intéressant l’exemple Da Cunha. Il vient d’être prêté une nouvelle fois par Nice justement, mais à Clermont en Ligue 1. Cet hiver, Nice a placé trois joueurs, aucun à Lausanne. Il y a aussi les cas Pelmard et Ndoye qui ont préféré aller à Bâle. Est-ce que l’OGCN aide vraiment Lausanne?
Oui et ils l’ont déjà démontré par le passé. Notre collaboration n’est pas toujours palpable de l’extérieur. L’OGC Nice nous aide aussi en coulisses, par exemple avec la cellule de recrutement. Concernant les joueurs que vous avez cités, ils ont aussi leur mot à dire. Ce ne sont pas des pions qu’on peut bouger sans leur accord.

Souleymane Cissé, en février 2021, devant son bureau au stade de la Tuilière.
Photo: Keystone

Il y a aussi le cas Franklin Wadja. Joueur critiqué par son propre président, hors de forme et déclaré inapte à la visite médicale. C’est quand même un raté, non?
Les visites médicales ratées, ça existe partout. Quand je lis votre média, j’ai l’impression que seul Lausanne est confronté à ces cas. Nos recrues sont passées au peigne fin. Nos tests sont approfondis. C’est pour cela qu’il a été recalé.

Mais le LS, qui lutte contre la relégation, avait-t-il vraiment besoin d’un joueur qui était au placard en Ligue 2 et qui a des problèmes au genou?
C’est à cause de son genou que nous ne l’avons pas pris. Pour le reste, c’était un joueur dont nous avions besoin. Nous sommes le Lausanne-Sport d’aujourd’hui, qui n’est remonté qu’en 2020 en Super League. Ce n’est pas le club le plus attrayant du monde. Même si on proposait des millions à certains joueurs, ils ne viendraient pas à Lausanne parce qu’ils sont dans de meilleures situations. Le niveau d’attractivité du LS ne facilite pas le recrutement.

Vous avez dit que vous ne lisez pas les critiques sur les réseaux sociaux. Je l’ai fait pour vous. Un des points qui revient régulièrement, c’est le grand temps de jeu des joueurs issus du Racing Club Abidjan (Zohouri, N’Guessan, Trazié et Ouattara). Une académie, devenue un club, que vous avez fondée en Côte d'Ivoire. Est-ce qu’il n’y a pas un conflit d’intérêts vous concernant dans ce dossier?
Le partenariat entre le RCA et l’OGC Nice existe depuis 2018. Ils ne sont pas les premiers joueurs arrivés à Nice. Ceux-là sont arrivés gratuitement à Lausanne dans le cadre des échanges avec Lausanne. On devrait voir cela comme une opportunité. On devrait les soutenir, plutôt que de les critiquer. Enfin, je tiens à préciser une chose, à calmer les esprits: je ne touche pas un centime sur ces joueurs.

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Une des autres remarques qui vous concerne, c’est le fait que deux des recrues hivernales, Zoukit et Pollero, partagent le même agent. Un représentant qui travaille aussi avec Jonathan Sabbatini dont le nom a résonné à la Tuilière. Est-ce que vous privilégiez des transferts avec des joueurs qui vous arrangent?
Cet agent, je ne le connaissais pas il y a un mois. Pollero, je voulais le recruter depuis longtemps, sans savoir qui était son agent. Je n’avais eu des contacts qu’avec son club. Sabbatini, je n’ai pas dit que j’étais intéressé. Le LS n’a jamais été en contact avec lui. Il faut que les gens arrêtent de chercher des polémiques qui n’existent pas. Je n’ai jamais, au grand jamais, touché de l’argent sur un transfert. Quiconque a les preuves du contraire, je l’invite à se manifester publiquement. J’attends.

Vous trouvez que les supporters sont trop critiques?
Non. Nous avons de vrais supporters qui nous suivent partout et nous encouragent. Je les en remercie. Mais, j’ai l’impression que d’autres sont dans un esprit va-t’en-guerre contre le club. Ma responsabilité, c’est de mettre le groupe et le staff dans les meilleures conditions. Alors ceux qui pourraient scléroser l’esprit des joueurs, nous n’en n’avons pas besoin. Nous devons soutenir cette équipe, parce que c’est celle du Lausanne-Sport. C’est plus que jamais l’heure de l’union sacrée.

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