«Important de lever le tabou»
Les entraînements du Servette Chênois s'adaptent aux cycles menstruels

Grand favori au titre de champion de Suisse, le Servette FC Chênois Féminin adapte ses entraînements aux modifications hormonales qui s’opèrent chaque mois chez les joueuses.
Publié: 02.05.2023 à 21:20 heures
Natalia Padilla et les Servettiennes ont remporté leur première Coupe de Suisse samedi.
Photo: Martin Meienberger/freshfocus
Mathilde Jaccard, Laura Manent, Thomas Christen

Au Servette FC Chênois Féminin, le phénomène physiologique des règles n'est plus tabou. «Je crois qu'avant, nous avions peur de nous exprimer sur ce sujet, mais la parole se libère», raconte la milieu de terrain, Paula Serrano. Le silence gêné a, peu à peu, pris fin depuis l’instauration d’un suivi assidu du cycle menstruel des joueuses servettiennes en 2019.

Arrivé cette année-là au sein du club genevois, le préparateur physique français et ancien latéral de Servette Jérémy Faug-Porret a intégré l'application FitrWoman et un système de questionnaires personnalisés au calibrage des entraînements.

«Ce suivi des douleurs, de la fatigue et de l’humeur des joueuses permet d'optimiser leur santé, tout en atteignant de meilleures performances», précise le Français de 36 ans, qui est également entraîneur adjoint de l’équipe première. Depuis quatre ans, Servette Chênois fait partie des meilleures équipes du pays, remportant le titre de champion national en 2021 et la Coupe de Suisse le week-end dernier.

Des risques de blessures accrus

À partir du programme de surveillance des menstruations, les joueuses bénéficient de conseils en nutrition et se font recommander des exercices concrets, principalement ciblés sur les pré-entraînements et la récupération, détaille Jérémy Faug-Porret. Et d’ajouter que les quatre phases du cycle, modifications des hormones stéroïdiennes que sont les œstrogènes et la progestérone, sont prises en compte dans le suivi.

Cycle menstruel et performance sportive: ce qu'il faut savoir
  • Le cycle menstruel affecte les performances d’une athlète sur trois. En cause: les symptômes tels que douleurs, rétention d’eau, problèmes gastro-intestinaux, fringales, fatigue ou changements d’humeur, selon les différentes phases.

  • L’entraînement peut s’adapter à chaque phase du cycle menstruel. Avant l’ovulation, une séance de force génère de meilleurs résultats. Pendant l’ovulation, l’augmentation de l’œstrogène accroît la laxité ligamentaire et donc le risque de blessures. Il faut donc privilégier des exercices plus doux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la fréquence des lésions du ligament croisé est jusqu’à huit fois plus élevée chez la femme que chez l’homme. Après l’ovulation, l’entraînement doit comporter davantage d’étirements.

  • Des symptômes menstruels trop importants? Il est possible de se tourner vers la contraception hormonale, qui influe sur le cycle menstruel, pour les réduire. Elle peut aussi permettre à l’athlète de décaler ses règles si une compétition est à venir.

Plus d’infos sur le site de Swiss Olympic

  • Le cycle menstruel affecte les performances d’une athlète sur trois. En cause: les symptômes tels que douleurs, rétention d’eau, problèmes gastro-intestinaux, fringales, fatigue ou changements d’humeur, selon les différentes phases.

  • L’entraînement peut s’adapter à chaque phase du cycle menstruel. Avant l’ovulation, une séance de force génère de meilleurs résultats. Pendant l’ovulation, l’augmentation de l’œstrogène accroît la laxité ligamentaire et donc le risque de blessures. Il faut donc privilégier des exercices plus doux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la fréquence des lésions du ligament croisé est jusqu’à huit fois plus élevée chez la femme que chez l’homme. Après l’ovulation, l’entraînement doit comporter davantage d’étirements.

  • Des symptômes menstruels trop importants? Il est possible de se tourner vers la contraception hormonale, qui influe sur le cycle menstruel, pour les réduire. Elle peut aussi permettre à l’athlète de décaler ses règles si une compétition est à venir.

Plus d’infos sur le site de Swiss Olympic

Ce processus d’observation vise une limitation des blessures et le maintien d’une performance maximale le plus longtemps possible. En remplissant un questionnaire le matin et le soir, les joueuses lui fournissent des «données précieuses sur la phase de leur cycle, ce qui permet d’adapter les entraînements pour qu’elles se trouvent à 100% de leurs capacités du jour», indique Jérémy Faug-Porret.

Avant de renchérir: «Lors des phases 2-3, les ligaments des joueuses sont plus fragiles. Nous devons donc adapter l’entraînement avec des exercices de stabilité physique. En revanche, en phase 4, nous travaillons davantage la mobilité».

Mieux connaître son corps

En marge de ces adaptations, des bains glacés sont proposés aux Servettiennes, par exemple en cas de rétention d’eau. Un apport supplémentaire en hydrates de carbone leur est également suggéré au moment des pics d’œstrogène, lorsque la fatigue est importante, mentionne le préparateur physique.

«C'est ce genre de petits détails qui font augmenter notre niveau de performance et progresser le foot féminin», estime Paula Serrano, grenat depuis 2018. À 32 ans, l’Espagnole se sent moins fatiguée et se blesse également moins que par le passé.

«L’important était de lever le tabou et de développer l'échange avec les filles afin de les suivre au mieux», révèle Jérémy Faug-Porret, qui présente régulièrement leurs données aux joueuses dans l’optique qu’elles apprennent à se connaître, notamment les plus jeunes. Un apprentissage que Paula Serrano confirme. «J’ai adapté mes habitudes, par exemple au niveau de l’alimentation et je suis davantage à l’écoute de mon corps.»

«J'avais honte d'en parler»

De son côté, la latérale gauche française, Daïna Bourma, formée à l’Olympique Lyonnais, ne connaît presque plus de fluctuations hormonales depuis qu’elle porte un implant contraceptif. Une décision qu’elle a prise en Écosse, aux Rangers. «J'avais honte de dire à mon entraineur que je ne pouvais pas venir à cause de règles douloureuses. Mais un jour, c'était trop. J’ai décidé d’opter pour l’implant.»

L’absence de règles aussi a une place dans le programme de Jérémy Faug-Porret, surtout si une joueuse ne prend pas de contraception: «C'est un signal d'alerte d'un surentraînement et d'un manque de masse grasse, parfois aussi de problèmes digestifs. On doit réagir très vite pour ne pas avoir de répercussions graves.» Et d’ajouter que les règles possèdent l’avantage d’améliorer les performances au moment du pic hormonal.

Plus de shorts blancs

À l’instar du Servette Chênois, l’équipe suisse de football accorde aujourd’hui une importance similaire à la santé de ses athlètes. À l’étranger, l’équipementier Nike a décidé début avril de ne plus confectionner de shorts blancs aux joueuses des équipes féminines de France et d’Angleterre. Une décision que le club genevois a également prise il y a de cela une année, indique Daïna Bourma. «C'est positif de savoir que nous sommes considérées.»

L'avenir du journalisme

Cet article a été réalisé par des étudiants de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de Neuchâtel. Ces derniers sont allés à la rencontre de l'équipe de Servette Chênois. Un atelier organisé par Ugo Curty, notre journaliste spécialiste football.

Retrouvez les autres productions des étudiants de l'AJM sur Blick:

Cet article a été réalisé par des étudiants de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de Neuchâtel. Ces derniers sont allés à la rencontre de l'équipe de Servette Chênois. Un atelier organisé par Ugo Curty, notre journaliste spécialiste football.

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