Le «chef des supporters» de la Nati
Jérôme Lambert, au cœur de la marée rouge et blanc

Jérôme Lambert est le chef des supporters de la Nati. Son rôle: encadrer les plus de 10'000 fans qui seront présents ce jour-là. Et faire en sorte que chacun puisse entrer avec cloches, trompettes et… le drapeau de son canton, ce qui n’est de loin pas le plus simple.
Publié: 19.06.2024 à 08:58 heures
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Jérôme Lambert est l'un des rares supporters suisses à ne pas porter un maillot rouge.
Photo: TOTO MARTI
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Midi vient de sonner ce samedi à Cologne. Jérôme Lambert prend la tête d'un impressionnant cortège, qui s'apprête à parcourir les 2 kilomètres séparant son point de départ, en pleine forêt, et le stade où l'équipe de Suisse va affronter la Hongrie trois heures plus tard. «La police vient de me dire que nous sommes entre 10'000 et 12'000!» s'étonne et se réjouit en même temps le citoyen de Granges (Veveyse), dans le canton de Fribourg. Il faut dire que ce fan pas comme les autres est depuis cet été le très officiel «Supporter Liaison Officer» de la Nati, après en avoir été un supporter très assidu. Et c'est peu dire qu'il mesure la responsabilité qui pèse sur ses épaules.

Le recordman des sélections en équipe de Suisse s'appelle Granit Xhaka, lequel a porté 126 fois le maillot rouge à croix blanche sur le terrain. Mais Jérôme Lambert (47 ans) le surpasse en tribunes puisque, contre la Hongrie ce samedi, ce supporter pas comme les autres a vécu son… 211e match de l'équipe de Suisse depuis le stade! Encore mieux: cette fois, il l'a été en étant défrayé pour y assister, ce qui est nouveau pour lui. Et cela change beaucoup de choses, puisqu'il n'est plus un fan comme les 10'000 autres, mais bien un officiel en mission.

«Sincèrement, je ne peux pas dire que ça ne m'ait rien fait lorsque j'ai touché l'équipement pour la première fois. J'ai le polo officiel du staff, je peux aller partout avec mon accréditation… Bon, vu le temps qu'il fait cet été, je crois que je vais demander un k-way officiel aussi!» sourit-il. Un membre de l'encadrement, donc, avec une différence tout de même: si Yann Sommer et ses coéquipiers peuvent se consacrer entièrement à leur tâche à l'Euro, Jérôme Lambert va devoir, lui, retourner lundi prochain après le troisième match à son «vrai travail», au Bureau de prévention des accidents. En espérant très fort que la Nati se qualifiera pour les huitièmes et qu'il pourra donc revenir en Allemagne après une semaine au boulot. «L'ASF me défraie pour le tournoi et me paie l'hébergement, mais je dois prendre des jours de congé et de vacances à mon travail», explique celui qui en a très largement pris l'habitude depuis son premier grand tournoi en tant que supporter, l'Euro au Portugal en 2004.

Un rôle de médiation

«Je travaille à 90%, mais c'est toute une organisation pour me libérer, bien sûr. J'ai déjà inscrit dans mon agenda électronique toutes les dates des matchs jusqu'en 2026, mais parfois le job prend le dessus. En mars, par exemple, je n'ai pas pu aller à Dublin, j'avais un séminaire important au boulot. L'équipe de Suisse, c'est une passion, je n'ai pas raté beaucoup de matchs, mais je ne fais pas n'importe quoi non plus. Pour cet Euro, je me suis arrangé au cas où la Nati irait jusqu'en finale, je pourrais assister à toutes les parties. J'espère bien revenir pour les huitièmes et plus loin. J'y crois, je sens bien l'équipe. Ils ont tout pour créer une bonne surprise», affirme le «SLO», lequel, contrairement à de nombreux supporters de la Nati, était optimiste même bien avant la très belle victoire face à la Hongrie.

«Le douanier a mis mes lunettes et mon chapeau et a fait une photo!»

Parmi les souvenirs de voyage marquants, un passage de douane compliqué entre le Monténégro et la Croatie figure également en bonne place. «On jouait en Albanie et tout le monde m’avait déconseillé d’y aller, m’expliquant que ce serait dangereux. Évidemment, c’étaient des bêtises. L’accueil a été royal, super ambiance au match, le top. Moi, comme je le fais souvent, j’avais décidé de visiter les alentours et d’atterrir à Dubrovnik pour descendre la côte adriatique. Un voyage magnifique, que j’ai prolongé jusqu’en Grèce avant de remonter à Tirana. Bref, le séjour de rêve. Le dimanche matin, j’ai l’avion à 10 h à Dubrovnik. Je pars donc très tôt d’Albanie et me voilà à la frontière avec la Croatie. Il est 6 h du matin un dimanche, il n’y a personne, tout va bien. Mais l’agence de location m’avait donné une belle voiture, flambant neuve, un peu tape-à-l’œil… Elle a attiré l’attention d’un douanier, qui m’a contrôlé. J’essayais de lui dire que j’avais un avion à prendre, mais rien à faire. J’étais en train de penser que j’étais cuit, que j’allais devoir trouver une solution… la galère. Et puis, il a vu mon chapeau pointu de la Suisse et mes lunettes rouges, ça l’a fait tellement rire qu’il est devenu sympa! Il s’est pris en photo avec et m’a immédiatement laissé passer. Je suis arrivé pile à l’heure à l’aéroport et j’ai pris mon avion de justesse!»

Parmi les souvenirs de voyage marquants, un passage de douane compliqué entre le Monténégro et la Croatie figure également en bonne place. «On jouait en Albanie et tout le monde m’avait déconseillé d’y aller, m’expliquant que ce serait dangereux. Évidemment, c’étaient des bêtises. L’accueil a été royal, super ambiance au match, le top. Moi, comme je le fais souvent, j’avais décidé de visiter les alentours et d’atterrir à Dubrovnik pour descendre la côte adriatique. Un voyage magnifique, que j’ai prolongé jusqu’en Grèce avant de remonter à Tirana. Bref, le séjour de rêve. Le dimanche matin, j’ai l’avion à 10 h à Dubrovnik. Je pars donc très tôt d’Albanie et me voilà à la frontière avec la Croatie. Il est 6 h du matin un dimanche, il n’y a personne, tout va bien. Mais l’agence de location m’avait donné une belle voiture, flambant neuve, un peu tape-à-l’œil… Elle a attiré l’attention d’un douanier, qui m’a contrôlé. J’essayais de lui dire que j’avais un avion à prendre, mais rien à faire. J’étais en train de penser que j’étais cuit, que j’allais devoir trouver une solution… la galère. Et puis, il a vu mon chapeau pointu de la Suisse et mes lunettes rouges, ça l’a fait tellement rire qu’il est devenu sympa! Il s’est pris en photo avec et m’a immédiatement laissé passer. Je suis arrivé pile à l’heure à l’aéroport et j’ai pris mon avion de justesse!»

Si Jérôme Lambert fait partie de l'encadrement de la Nati pour cet Euro, il n'est pas pour autant basé à Stuttgart à l'hôtel des joueurs, en tout cas dans un premier temps. «Ce sera peut-être le cas dès les huitièmes, on verra. Ma mission de SLO est assez large et consiste principalement en un rôle de médiation entre les supporters, la sécurité, l'équipe, la police… Je me trouve un peu là au milieu, à faire en sorte que tout se passe bien de tous les côtés, à arrondir les angles parfois. Ma tâche est assez large, mais globalement, c'est de faire en sorte que tout aille parfaitement bien pour les supporters», explique celui qui a troqué son mythique chapeau pointu, qui le faisait reconnaître de loin dans les différents stades, pour une tenue plus sobre et plus adaptée à la fonction.

Le soutien populaire est grand cet été autour de l'équipe de Suisse, avec au minimum 10'000 supporters attendus à chacun des trois premiers matchs. Jérôme Lambert a pour mission de les encadrer et de régler tout problème éventuel. «Les supporters suisses aiment bien effectuer des marches à travers la ville pour aller au stade, comme cela a été le cas ce samedi. Une partie de ma mission est d'organiser les points de ralliement. En général, tout se passe bien, nous n'avons pas de supporters violents», explique celui qui a une mémoire exceptionnelle des déplacements et des lieux qu'il a visités avec l'équipe de Suisse. Face à la Hongrie, malgré quelques petites craintes nées d'un déplacement un peu tendu à Budapest, il n'y a pas si longtemps, tout s'est déroulé à la perfection.

Il lui manque dix pays dans la zone Europe

Evidemment, en ayant vu plus de 200 matchs de l’équipe de Suisse, les souvenirs de voyage sont nombreux. Mais ceux qu’il reste à créer sont tout aussi importants. «Il me manque dix pays dans la zone Europe. J’espère que le tirage au sort des qualifications pour la prochaine Coupe du monde nous en proposera un ou deux qui me manquent», explique Jérôme Lambert, qui se verrait donc bien effectuer un petit tour en Azerbaïdjan ou à Malte, voire au Kazakhstan. Et si la Suisse se qualifie, ce sera la grande aventure au Mexique, aux Etats-Unis et au Canada.

Evidemment, en ayant vu plus de 200 matchs de l’équipe de Suisse, les souvenirs de voyage sont nombreux. Mais ceux qu’il reste à créer sont tout aussi importants. «Il me manque dix pays dans la zone Europe. J’espère que le tirage au sort des qualifications pour la prochaine Coupe du monde nous en proposera un ou deux qui me manquent», explique Jérôme Lambert, qui se verrait donc bien effectuer un petit tour en Azerbaïdjan ou à Malte, voire au Kazakhstan. Et si la Suisse se qualifie, ce sera la grande aventure au Mexique, aux Etats-Unis et au Canada.

Pour cet Euro, les défis sont nombreux et la proximité avec la Suisse les rend encore plus grands. Plusieurs supporters viendront très probablement à Cologne et à Francfort sans avoir de billet, ce qui pourrait créer une certaine frustration et, même si les incidents sont très rares avec l'équipe de Suisse, contrairement à ce qui se passe dans le football suisse de club, il faut être vigilant. Pas de quoi effrayer Jérôme Lambert, qui est au bénéfice d'une solide formation et d'une belle expérience, deux atouts qui ont sans doute convaincu l'ASF de lui proposer le poste. «Voilà un peu plus de dix ans, quand les SLO sont devenus obligatoires dans le football suisse de club, j'ai suivi une formation d'une dizaine de jours. Je suis par la suite devenu SLO du Lausanne-Sport, puis, après une pause de cinq ans, du FC Stade Lausanne Ouchy», explique celui qui était donc cette saison le… SLO du SLO ! Et, en parallèle, de 2016 à 2021, il faisait partie de la Swiss Fans' Embassy, un programme qui encadrait déjà les fans de l'équipe de Suisse lors des déplacements principalement. Il ne part donc pas de zéro dans sa nouvelle fonction.

«C'est vrai, je connais passablement de supporters, on a un très bon rapport et on a toujours du plaisir à partager. Le foot, c'est du plaisir et des rencontres avant tout. Les rivalités, on les laisse de côté, c'est la trêve internationale! On a des supporters de plusieurs clubs, mais quand ils sont avec l'équipe de Suisse, il n'y a aucun problème.» Grâce à son travail, Jérôme Lambert comprend bien l'allemand et s'est familiarisé avec le jargon de la sécurité et de la police, deux organismes avec lesquels il est en contact étroit les jours de match. «On essaie toujours de régler des problèmes, grands ou petits. L'UEFA, par exemple, est très attentive aux drapeaux brandis dans les stades, il ne faut pas qu'ils délivrent un quelconque message politique.»

L’Afrique du Sud et l’Islande, ses meilleurs souvenirs

Jérôme Lambert, lorsqu’il était «simple supporter», ne se contentait pas de voyager et d’assister aux matchs, mais tenait à véritablement s’imprégner de la culture locale des pays visités. «Le match, c’est une heure et demie, plus quinze minutes de pause. Mais avant et après, on peut voyager, visiter. Pour moi, c’est indispensable et cela fait pleinement partie de l’expérience.» Ses meilleurs souvenirs? L’Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 2010, une découverte et un choc culturel, mais aussi l’Islande et ses paysages si particuliers.

Jérôme Lambert, lorsqu’il était «simple supporter», ne se contentait pas de voyager et d’assister aux matchs, mais tenait à véritablement s’imprégner de la culture locale des pays visités. «Le match, c’est une heure et demie, plus quinze minutes de pause. Mais avant et après, on peut voyager, visiter. Pour moi, c’est indispensable et cela fait pleinement partie de l’expérience.» Ses meilleurs souvenirs? L’Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 2010, une découverte et un choc culturel, mais aussi l’Islande et ses paysages si particuliers.

Présents jusqu'à la fin

Alors, en amont de la compétition, il a eu du travail afin d'être sûr que chacun puisse entrer avec le drapeau de son canton s'il le souhaite. Lors du dernier Euro, à Rome, rien à faire: ils avaient dû rester dehors. Heureusement, les drapeaux valaisans et jurassiens, entre autres, ont été admis dans le stade de Cologne ce samedi. Les cloches et les grands drapeaux aussi, de même que l'instrument du fameux «Trompeten-Sigi», le célèbre supporter à la moustache. Jérôme Lambert avait fait son boulot en coulisses. Il restait aux joueurs de la Nati de faire aussi bien sur le terrain. Et là aussi, ils ont répondu présent.

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