De retour de Saint-Pétersbourg
La Russie a un gros problème avec le Covid

Alors que le variant Delta fait grimper en flèche les infections au Covid, il règne en Russie une douce insouciance. En tribunes à l'occasion du match Suisse-Espagne, je rentre avec de grosses craintes: comme cela, on ne s'en sortira pas.
Publié: 04.07.2021 à 11:42 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2021 à 16:38 heures
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Jeudi 1er juillet à la rédaction de Blick à Lausanne. Convaincus de l'intérêt de raconter comment un banquier jurassien inconnu au bataillon va être au centre d'un immense intérêt médiatique en Russie, nous décidons d'accompagner Luca Loutenbach à Saint-Pétersbourg.

Seulement voilà: sur notre site, à côté de notre article au sujet du phénomène du «Superfan», une information inquiétante. Son titre: «Record de décès et cas qui montent en flèche à Saint-Pétersbourg». À la veille de l'arrivée de plusieurs avions spéciaux amenant des supporters suisses, et alors que le match Finlande-Belgique dans la Gazprom Arena avait fait plus de 300 infections parmi les supporters nordiques.

Alain Berset déconseille

Doit-on renoncer? Alain Berset déconseille le voyage à ceux qui ne sont pas vaccinés. Ce n'est pas mon cas: je suis guéri du Covid et passé par la piqûre, donc je devrais avoir suffisamment d'anticorps pour me permettre l'expérience, tout en restant extrêmement conscient de la responsabilité sanitaire de s'y rendre.

Pour fouler le territoire russe, il faut montrer patte blanche: même les vaccinés doivent fournir un test PCR négatif datant de 72 heures au maximum. A l'arrivée à Saint-Pétersbourg, la Russie «tire au sort» certains passagers pour une deuxième salve de tests PCR. Luca Loutenbach, son compère Jarkko Signer et moi-même avons tous trois la chance de passer par cette case bonus.

L'employée russe, qui ne parle pas anglais, ne s'embarrasse pas trop de délicatesse. Elle nous fait signe de pencher la tête en arrière avant d'enfiler un long coton tige dans nos deux narines. Une opération désagréable que l'on espérait appartenir au passé une fois le vaccin effectué. Qu'importe: assister au premier quart de finale de la Suisse depuis 1954 se mérite.

Ce contrôle supplémentaire et ce «poste médical avancé» installé à même les couloirs de l'aéroport impressionnent mais nous rassurent quelque peu. La Russie est-elle en mode guerre face au variant Delta? Un pas à l'extérieur suffit pour balayer cette perspective. Le décor change du tout au tout: aucun masque à l'horizon et une douce insouciance qui va nous accompagner tout au long du séjour.

«Russia No Covid!»

Dans le taxi qui nous amène au centre-ville, le chauffeur ne porte pas de masque. Il ne parle pas anglais mais fait de son mieux pour nous convaincre d'enlever le nôtre. «Covid Швейцария (Suisse)? Russia No Covid, No Covid!», rigole-t-il. Avant d'enchaîner «Me not Sputnik, not Sputnik», pour signifier qu'il ne se vaccinera pas. Depuis décembre, seuls 19 millions de Russes sur 146 millions d’habitants ont reçu au moins une dose, selon le recensement du site Gogov, qui agrège les données des régions et médias faute de statistiques nationales officielles.

Au stade, la situation tourne à l'ironie. «Merci de respecter les distances sociales!», clame le haut-parleur de la Gazprom Arena. Devant nous, des dizaines de supporters suisses sont bras-dessus bras-dessous pour accueillir Yann Sommer et leurs autres héros malheureux sur le terrain avant le coup d'envoi. Durant le match, le message «masque obligatoire» passe en boucle avec tout autant de succès.

Plus inquiétant, il n'y a pas qu'à l'air libre que le masque est plus que facultatif. Pas un masque au restaurant, sur certains visages seulement au centre commercial. A l’entrée de celui-ci, les visiteurs passent en toute impunité devant l'employé de la sécurité, posté à côté d’un panneau «masque obligatoire». Lui-même n'en porte pas non plus... Plus problématique encore: une petite épicerie sans fenêtre et en sous-sol dans laquelle les gens se bousculent sans masque. Il n'y a guère que dans le métro que la protection faciale est généralisée. Et encore: une bonne partie du temps, il est porté en-dessous du nez voire au cou. «À Bakou, c'était encore pire!», témoignent Luca Loutenbach et Jarkko Signer, les deux fans acharnés de la Nati que nous accompagnons.

Nous quittons la Russie avec un sentiment de malaise. Certes, ces mesures très light permettent au visiteur une expérience touristique «presque comme avant» dans la fantastique ville qu'est Saint-Pétersbourg, encore plus en été. Mais un coup d'oeil sur les statistiques du Covid font craindre le pire pour les Russes, qui ne semblent pas du tout s'en préoccuper. Comme cela, on ne s'en sortira pas... Reste à espérer que les fans suisses auront fait preuve de discipline en arrivant et se seront fait méticuleusement tester.

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