Médaillé de bronze sur 200 m dos lors des Mondiaux de 2023, Roman Mityukov va décrocher l'or dans la discipline cette année. Logique, puisque les deux nageurs qui ont terminé devant lui, Hubert Kós et Ryan Murphy, ont décidé de ne pas se rendre à l'édition 2024 des Championnats du monde. À cette prophétie, le Genevois préfère en rire: «C'est une question piège.»
À quelques jours de s'envoler pour Doha, Roman Mityukov est détendu. Oui, il a une breloque mondiale à défendre. Mais le spécialiste du dos ne le voit pas comme ça: «Il n'y aura pas les meilleurs et une médaille n'aura pas la même saveur que l'année dernière. Mais forcément, si je peux en prendre une au passage, je ne vais pas cracher dessus.»
«Ils sont assez loin des Jeux»
Mais il est vrai que ces Mondiaux seront particuliers. En effet, l'élite de la natation mondiale a décidé de faire l'impasse. Pas de Katie Ledecky, de David Popovici ou de Léon Marchand au Qatar. «D'habitude, les grandes compétitions de natation ont lieu en été, rappelle Roman Mityukov. Personnellement, je ne serai pas à la rue – mais je ne serai pas à 100%.»
Car le Genevois a, de son côté, décidé de quand même se rendre à l'Aspire Dome de Doha. «On a discuté avec Clément (ndlr: Bailly, son coach) du programme en début de saison, détaille Roman Mityukov. On est très vite arrivés à la conclusion que j'allais faire les Mondiaux, vu qu'ils sont assez loin des Jeux.»
Le Covid encore en cause
Car c'est là que se trouve le nerf de la guerre: les fameux Jeux olympiques – la plus grande compétition pour un nageur. Ceux-ci auront lieu dès le 26 juillet – soit moins de six mois après les Mondiaux. C'est cela qui explique que certains grands athlètes ont décidé de faire l'impasse sur Doha – déplacé en raison du Covid.
Si l'on ajoute à cela les Européens qui auront lieu à Belgrade en juin de cette année, le programme des compétitions internationales est chargé. Et donc, cela est un casse-tête pour les entraîneurs afin de gérer la forme des athlètes.
Le fameux pic de forme
Derrière ce puzzle, il y a le fameux pic de forme ou «le point culminant de la forme d’un athlète» selon Michaël Duc, coordinateur du service de médecine du sport. Le spécialiste de la Clinique romande de réadaptation SUVA nous donne une définition plus précise de ce concept: «Après une phase d’entraînement qui a généré de la fatigue, l’athlète, grâce à une planification optimale de son entraînement, devrait récupérer et bénéficier du travail accompli pour obtenir un niveau de forme supérieur. Il est alors en pleine possession de ses moyens pour être très performant.»
Sauf que la plupart des athlètes – à l'instar de Roman Mityukov – garde ce boost de performance pour les Jeux olympiques, la compétition la plus prestigieuse pour un nageur. «Je vais moins m'affûter que pour les JO, admet le Genevois. Mais là, on a un petit peu réduit la charge de travail. On fait moins de kilomètres et d'entraînements.»
Pour le fragment de Tour Eiffel
C'est donc à Paris que Roman Mityukov va être dans une forme optimale. Surtout que l'apport du pic de forme n'est pas négligeable. «Les études scientifiques montrent un gain de performance d’environ 3% à 6%», explique Michaël Duc. Toujours selon lui, il est possible de générer un à deux pics par saison.
Sauf que, comme Roman Mityukov, la plupart des athlètes ne vont pas tenter le coup d'arriver à fond aux Mondiaux et aux JO. Car, ce dont rêve tout un chacun, c'est de pouvoir porter un fragment de Tour Eiffel autour du cou début août.