Après avoir beaucoup misé sur la science-fiction, de préférence catastrophiste («Silo», mais aussi «Extrapolations»), la plateforme AppleTV+ a décidé d’alléger le programme avec sa dernière série. Sur le ton de la franche comédie, «Platonic» raconte les retrouvailles d’anciens amis perdus de vue qui (re)forment, au moment du divorce de l’un des deux, un couple improbable. Et des couples (généralement moins platoniques que celui-ci), il y en a énormément sur le petit écran. Blick vous a préparé une sélection de cinq séries incontournables qui s’attaquent à ce vaste sujet. À regarder seul(e) ou à deux, si on n’a pas peur de l’introspection que provoquent inévitablement ces histoires…
«Platonic» (AppleTV+)
Sylvia et Will ne se sont pas vus depuis des années. La première détestait la femme du second, ce qui les a durablement éloignés. Jusqu’à ce que le divorce de Will sonne l’heure des retrouvailles. Poussives au début, car le temps a passé, les cheveux ont blanchi, les aspirations ont changé. Mais très vite, Sylvia et Will retrouvent la complicité des débuts. La grande intelligence de «Platonic» est d’évacuer très vite la question d’une potentielle attirance entre ces deux-là. Ils sont amis, mais c’est justement au contact l’un de l’autre qu’ils vont réexaminer tout le reste de leur existence, y compris leurs relations conjugales respectives.
L’alchimie entre Rose Byrne et Seth Rogen, déjà en couple (vraiment, cette fois) dans la saga «Nos pires voisins» joue beaucoup dans la réussite de «Platonic», qui pose aussi de vraies questions sur l’évolution des relations au moment de la fameuse crise de la quarantaine. Au contact de son ami, Sylvia s’interroge sur sa sexualité, sa frustration de femme au foyer, tandis que Will tente péniblement de se reconstruire et découvre que, contrairement à ce que la vie sentimentale de Leonardo DiCaprio peut laisser entendre, il est difficile de se trouver des points communs avec une fille de 26 ans. Toutes ces réflexions sont enrobées dans une bonne dose de dialogues ciselés et de comique de situation, qui font des dix épisodes de «Platonic» une délicieuse sucrerie à savourer.
«State of the union» (Arte)
Rien que le titre de cette série en dévoile tout l’humour britannique. Aux États-Unis, le discours sur «l’état de l’union» est prononcé tous les ans par le président en personne pour exposer sa vision du pays. Dans cette série, diffusée pour la première fois en 2019, il est surtout question de l’état de la relation de Louise et Tom. Ils ont quinze ans de vie commune, des infidélités et une baisse de libido dans les pattes, un Brexit aussi qui les a éloignés. Et chaque épisode les retrouve autour d’un verre, dans un pub, quelques minutes avant leur session de thérapie conjugale. En saison 2, le principe reste le même, le pub et le couple changent, les interrogations existentielles et les reproches aussi.
On doit ce petit (les épisodes durent une dizaine de minutes) bijou au scénariste Nick Hornby et au cinéaste Stephen Frears, qui avaient déjà travaillé ensemble sur le film «High Fidelity». Le résultat est souvent très drôle, parfois déchirant, quand les deux qui se connaissent si bien s’aperçoivent qu’ils n’ont rien d’autre à partager qu’une nouvelle saison de «Games of Thrones» -et, par définition, il n’y en a pas tous les mois. Entre les lignes se pose la question du point de rupture, mais aussi celle de la résilience du couple. Magistral.
«Scènes de la vie conjugale» (en VOD et Canal+)
Au départ, «Scènes de la vie conjugale» est une série de 1973, signée Ingmar Bergman, sortie hors de Suède sous le format d’un film. Le réalisateur y raconte l’histoire de Johan et Marianne, couple au sein duquel on parle de tout, adultère comme ennui, amour comme famille. Cette harmonie, cette communication fluide, n’empêchera pas le duo de se fracasser et Johan de partir avec une autre, occasion rêvée pour Bergman de disséquer patiemment le poids des rôles genrés dans les couples hétérosexuels et la difficulté à vivre à deux.
Près de cinquante ans plus tard, l’annonce d’un remake par le showrunner Hagai Levi laissait présager le pire -on ne touche qu’à ses risques et périls aux classiques de nos écrans. Il fallait faire confiance à l’Israélien, ses «Scènes de la vie conjugale» à lui, avec Oscar Isaac et Jessica Chastain dans les rôles principaux, ont de nouveau fait l’effet d’une déflagration. Principal changement par rapport à l’histoire d’origine: cette fois, c’est la femme qui fait ses valises pour partir avec son amant.
Dans les deux cas, la précision clinique des dialogues n’a d’égal que la qualité du casting. Et les atermoiements de ces couples qui connaissent des turbulences après des années de bonheur quasi-parfait révèlent toute la complexité des relations. Ce n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur l’audience. En 1973, 50% de la population suédoise avait regardé «Scènes de la vie conjugale»… et le taux de divorce dans le pays a bondi de plus de 62%.
«Anatomie d’un divorce» (Disney+)
Le pitch d’«Anatomie d’un divorce» est aussi banal que son titre peut le laisser deviner. Après une quinzaine d’années de vie commune, Toby Fleishman (Jesse Eisenberg) et Rachel (Claire Danes) se séparent. Le premier s’imagine pouvoir faire contre mauvaise fortune bon cœur, et troquer cette vie maritale parfois étouffante pour de nouvelles découvertes. C’est sans compter la disparition subite de Rachel qui lui laisse ses deux enfants sur les bras.
À partir de là, il ne sera pas question d’enquête, mais bien de survie. Comment ce quadra aisé et bien inséré va-t-il surmonter la charge mentale qui lui tombe soudain sur la tête? D’abord grâce à sa vieille amie Libby (Lizzy Caplan, déjà vue dans «True Blood», absolument parfaite), qui l’oblige à réexaminer sa propre histoire pour comprendre comment tout a pu s’écrouler. Ensuite en arrivant à s’extraire de sa situation personnelle pour comprendre (enfin) celle de son ex-femme. C’est là la grande réussite d’«Anatomie d’un divorce»: faire semblant de se focaliser sur un personnage masculin pour peu à peu déplacer le point de vue et l’enrichir.
«Wanderlust» (Netflix)
Sortie en 2018, «Wanderlust» met en scène Joy Richards, psychanalyste de profession, vivant une vie parfaitement normale avec Alan, son époux. Ils s’entendent bien et ne connaissent aucun désagrément, sinon celui de s’ennuyer sexuellement. Forts de leur complicité, ils décident alors d’aller voir ailleurs. Tout est transparent et consenti des deux côtés, ce qui n’empêchera pas l’expérience de tourner au désastre.
Réalisée par Nick Payne, dramaturge britannique qui adapte sa propre pièce de théâtre, «Wanderlust» est une série à la fois drôle et sensible, qui combine habilement sensualité et mélancolie. Celle-ci finit par prendre beaucoup de place, avec notamment un épisode impressionnant qui se déroule quasi-intégralement dans un cabinet de psy. Dans ce qu’elle interroge de la différence entre le sexe et l’intimité, du temps qui passe et qu’on ne rattrape pas, de l’envie naturelle d’ailleurs et du confort de chez soi, «Wanderlust» est une expérience délicate et passionnante.