Si Netflix a su très tôt embarquer la critique et le public dans ses créations sérielles originales, avec la production, entre autres, de «House of cards» et «Orange is the new black», les choses sont un peu plus compliquées pour Amazon. Le service Prime Video du géant américain est souvent critiqué pour ne proposer que peu de bonnes séries (sans même parler des films). Pourtant, derrière une interface objectivement perfectible se cachent de nombreuses fictions passionnantes. Après vous avoir conseillé la toute récente «Bang Bang Baby», Blick vous a préparé une sélection de sept séries immanquables, à dégainer la prochaine fois que vous aurez l’impression de ne plus rien avoir à regarder.
«The Boys»
C’est la série que personne n’attendait et qui a tout emporté sur son passage lors de la diffusion de la première saison, au creux de l’été 2019. Depuis, les super-héros pas si super présentés dans la série n’ont jamais perdu leur popularité. Dans «The Boys», sept personnes dotées de pouvoirs exceptionnels sauvent le monde. Ou du moins, font semblant. Car en réalité, les «Super» travaillent pour une multinationale, «The Vought» qui couvrent leurs méfaits. Agresseurs sexuels, escrocs, bandits, voire carrément psychopathes, les Sept sont traqués par les «Boys», une organisation clandestine qui essaie de dévoiler la vérité sur leurs agissements.
«The Boys» est une fiction grinçante et efficace, qui égratigne l’intégralité d’une société capitaliste et d’une nation américaine divisée sur les questions de société (un personnage est un suprémaciste blanc). C’est aussi l’une de ces «séries juke-box» qui fait le bonheur des amateurs de musique, avec une bande-originale très travaillée.
«Homecoming»
Cet étrange objet sériel n’avait pour argument, lors de sa sortie fin 2018, que la présence de Julia Roberts à la production et dans le rôle principal. Il s’agit en réalité de l’une des plus grandes réussites d’Amazon Prime Video. Adaptée d’un podcast du même nom, la série raconte l’enquête d’un agent du ministère de la défense américain sur «Homecoming», un programme développé pour faciliter la transition de militaires réformés des terrains d’opération vers la vie civile. Il interroge alors Heidi, serveuse dans un petit restaurant, qui y a travaillé voilà des années. Problème: Heidi ne se souvient absolument pas ce qu’elle y faisait exactement, ni même pourquoi elle en est partie.
Suivant une narration inversée mais limpide, «Homecoming» vaut pour l’atmosphère singulière qu’elle instaure très rapidement (les épisodes, de durée variable, dépassent rarement les 30 minutes), à la fois troublante et apaisante. Merveilleusement bien mise en scène, avec des plans qui rappellent notamment les films d’Alfred Hitchcock, la série tient en haleine jusqu’au bout de sa deuxième saison, au même niveau que sa première. Le tout grâce, aussi, à un casting impeccable. La toujours excellente Janelle Monáe, également chanteuse, succède en effet à Julia Roberts, impressionnante pour son premier rôle sur le petit écran.
«Tales from the Loop»
Dans les années 1980, Mercer, une petite ville fictive de l’Ohio, est en proie à des phénomènes étranges. L’essentiel de son activité repose sur une station de recherche qui étudie les pouvoirs d’un objet mystérieux, la fameuse «Loop» du titre. Mais des hommes, des femmes et des enfants se retrouvent confrontés à des événements surnaturels comme des voyages dans le temps ou des échanges de corps.
En huit épisodes d’une heure, «Tales from the loop» atteint la quintessence de la science-fiction: raconter des aventures imaginaires pour mieux nous parler du réel des sentiments. Il est ici question de solitude, de peur, de temps qui passe et de rapport à l’enfance ou au désir. La série est certes exigeante mais jamais poseuse, grâce aussi à ses qualités formelles indéniables. L’esthétique est ici inspirée des tableaux numériques d’un artiste suédois, la musique signée Philip Glass. Et reste, après le visionnage, l’impression tenace d’avoir vu quelque chose de profondément original, qui ne ressemble à rien d’autre.
«The Underground Railroad»
Le réalisateur afro-américain Barry Jenkins est un pro des montagnes russes. Après le formidable «Moonlight», il a réalisé un très décevant «If Beale Street could talk». C’est finalement sur le petit écran qu’il a su de nouveau conquérir la critique et le public, grâce à «The Underground Railroad», adaptation du roman du même nom de Colson Whitehead. On y suit le destin de Cora, esclave dans un champ de coton dans les années 1850, qui tente d’échapper à sa condition. Et la voie ferrée souterraine du titre est en réalité la matérialisation physique d’un réseau clandestin d’aide aux esclaves en fuite ayant réellement existé au XIXe siècle.
Chaque épisode de la série correspond à un arrêt du train de l’«underground railroad» dans une nouvelle ville. Mais aussi à un pan de l’histoire dramatique des États-Unis et de sa communauté afro-américaine, confrontée bien sûr au racisme mais aussi à tout ce que la société a su inventer pour perpétuer l’esclavage sans l’assumer, des politiques eugénistes au paternalisme généralisé. Très dure, «The Underground Railroad» ménage pourtant des moments de grâce lumineuse qui la sauvent du dolorisme, notamment grâce à sa mise en scène et la présence de l’actrice sud-africaine Thuso Mbedu, qui emporte tout sur son passage.
«The Marvelous Mrs Maisel»
Toutes les bonnes séries Amazon sont-elles forcément nimbées de drame? Non. «The Marvelous Mrs Maisel» fait le pari de la comédie, en suivant l’histoire de Midge, mère de famille new-yorkaise juive issue de la grande bourgeoisie, dont la vie bascule le jour où son mari l’abandonne pour sa secrétaire. Un bouleversement en entraînant un autre, Midge se découvre alors une passion pour le stand-up. Mais aux États-Unis à la fin des années 1950, on en fait difficilement son activité professionnelle, surtout lorsqu’on est une femme…
«The Marvelous Mrs Maisel» conjugue tout ce qui fait un excellent divertissement: à l’écriture soignée des personnages et des rebondissements s’ajoute une esthétique léchée et des costumes extraordinaires, qui ressuscitent avec brio le New York de la moitié du XXe siècle. Il ne fallait, pour parfaire le tout, qu’une actrice à la hauteur. C’est chose faite avec Rachel Brosnahan (aperçue auparavant dans «House of cards»), qui a d’ailleurs obtenu deux Golden Globes pour ce rôle.
«The Man in the High Castle»
Et si l’Allemagne nazie et son allié japonais avaient finalement gagné la Seconde Guerre mondiale? Voilà le point de départ de «The Man in the High Castle», roman du maître de la science-fiction, Philip K. Dick, adapté en série. Cette uchronie imagine donc des États-Unis divisés en trois zones, l’une contrôlée par le Troisième Reich, l’autre par le Japon, et la dernière, neutre, faisant tampon entre les deux. Alors qu’en 1962, les relations entre Berlin et Tokyo se détériorent, un groupe de résistants tente de faire passer des films en zone neutre. Des films qui montrent que, dans une autre réalité, les nazis auraient perdu la guerre…
Totalement addictive, très enlevée, «The Man in the High Castle» vaut évidemment pour sa géniale intrigue. Mais la série a su, aussi, se concentrer sur le développement de personnages attachants, devenus le principal argument pour en dévorer les quatre saisons.
«Transparent»
Pour raconter l’histoire de Maura Pfefferman, qui décide au début de la série de s’assumer en tant que femme après avoir été inconfortablement coincée dans le corps masculin de Mort toute sa vie, Joey Soloway, créateur.ice de «Transparent», s’est inspiré.e du parcours de son propre père, devenu femme sur le tard. Mais la série prend le contrepied de ce qu’on attend à première vue. Ce n’est pas tant la transition de genre du personnage principal qui tient lieu ici d’arc narratif mais les bouleversements induits sur la famille Pfefferman dans son ensemble, notamment les trois enfants, mis face à leurs névroses.
Drôle et touchante, «Transparent» jongle avec brio avec tous les thèmes liés à la famille et à la sexualité, de la parentalité jusqu’au désir, pour finalement explorer finement tout ce qui fait l’identité profonde des individus. Après quatre saisons, la série a dû composer avec la disparition de son personnage principal, en raison des accusations de violences sexistes et sexuelles portées à l’encontre de l’acteur Jeffrey Tambor. Elle s’est finalement conclue avec un film musical aussi improbable que réussi. Au-delà même de son propos, «Transparent» a permis de faire nettement évoluer les représentations devant et derrière la caméra, notamment en convoquant des dizaines de personnes trans en tant que scénaristes, consultants ou pour tenir des seconds rôles.