On a plus l’habitude de le voir un micro à la main sur scène qu’en train de dégainer un badge de policier. Pourtant, Sofiane Zermani, que les amateurs de rap français connaissent mieux sous le pseudonyme de Fianso, est plus que convaincant en enquêteur dans «Hors Saison», série diffusée par la RTS. Sur OCS, on peut trouver «Atlanta», magnifique série portée par Donald Glover, également habitué à rapper en tant que Childish Gambino. Autant d’exemples de rappeurs qui se sont révélés aussi doués devant une caméra que derrière un micro. Blick vous a sélectionné cinq de ces artistes très complets.
Sofiane Zermani dans «Hors Saison» et «Les Sauvages»
La première fois que Sofiane Zermani a lâché le freestyle pour apparaître dans une série, c’était en 2019. Avec quinze kilos de moins, il était méconnaissable dans «Les Sauvages», fresque politique virtuose réalisée par Rebecca Zlotowski -et toujours disponible sur Canal+. Le rappeur avait impressionné la critique dans le rôle d’un islamiste radical tout juste sorti de prison.
Dans «Hors Saison», co-production franco-suisse Akka Films et Gaumont Télévision, diffusée sur la RTS et Play Suisse, jouer un rôle aux antipodes du premier -et de l’image qu’on colle volontiers à un jeune homme d’origine algérienne et venu d’un quartier populaire- lui permet de faire montre de tout son talent. Le rappeur interprète Lyes Bouaouni, policier français un brin obsessionnel, appelé en renfort aux Cimes. Cette station de ski suisse est en effet le théâtre d’un meurtre qui ressemble curieusement à un autre, dont il a eu à s’occuper côté français. Derrière la dureté du professionnel transparaît peu à peu la sensibilité d’un homme dépassé par sa future paternité. Et Sofiane Zermani s’impose comme un acteur exigeant, capable de passer de la froideur à la malice en une fraction de seconde.
Childish Gambino dans «Community» et «Atlanta»
Avouons-le immédiatement: écrire que le rappeur Childish Gambino a percé dans la série est légèrement erroné. En réalité, Daniel Glover, humoriste au départ, a marqué le petit écran avant d’imposer son rap. Cet Américain, fils de témoins de Jéhovah, accède à la notoriété à partir de 2009 grâce à la sitcom «Community» -disponible sur Netflix- dans laquelle il incarne Troy, star du football américain déchue qui retourne sur les bancs de l’université. La série est résolument comique, l’acteur sympathique mais sur la réserve. Il lui faut encore trouver sa voie, et sa voix. Donald Glover quitte le casting de «Community» précisément pour se consacrer à la musique, sous le pseudonyme de Childish Gambino, en 2014.
Deux ans et un album supplémentaire plus tard, il est de retour à la télévision. Il réalise, produit et joue le rôle principal de la série «Atlanta», sur OCS, qui s’impose comme son œuvre majeure. Donald Glover y joue le rôle d’Earn, qui tente de devenir le manager de son cousin, star montante du hip-hop. Classée comme une série comique, «Atlanta» est pourtant pleine de drame, extrêmement touchante et toujours à la croisée des genres. À l’image de l’acteur-rappeur qui lui a donné forme.
Orelsan dans «Bloqués»
Lorsque le rappeur Orelsan se lance dans la série en 2015, ce n’est pas seul: il est accompagné de Gringe, l’autre moitié du duo Casseur Flowters, pour produire et jouer les rôles principaux de «Bloqués», shortcom diffusée par Canal+. Dans des épisodes minimalistes, qui ne durent pas plus de cinq minutes et se déroulent intégralement dans un salon, les deux compères interprètent leurs propres rôles. Orelsan est donc Orel, le plus naïf des deux, casquette perpétuellement vissée à l’envers sur le crâne. Son plus grand cauchemar: retrouver des légumes dans le bac à bière du frigo.
Plus qu’un excellent acteur, Orelsan s’est surtout imposé via la série comme un artiste complet capable de développer son personnage. Celui d’un trentenaire loser, miroir d’une génération qui peine à trouver sa place dans la société, et dont l’immaturité confine parfois à la poésie. Preuve qu’il s’agit bien d’un double de fiction, et non de la réalité, une série documentaire a également été tournée sur Orelsan par son frère, Clément Cotentin. Dans «Montre jamais ça à personne», disponible sur Prime Video, on découvre que le rappeur faussement détendu est un vrai bourreau de travail, qui n’a pu arriver au sommet qu’en suant sang et eau… et en soignant mieux son image.
Hatik dans «Validé»
Il fallait forcément dans ce top 5 un rappeur qui joue… un rappeur. Lorsque le réalisateur français Franck Gastambide a écrit «Validé», une série sur le monde du rap, il n’a pas hésité longtemps avant de chercher une étoile montante de la musique pour tenir le rôle principal, jugeant plus facile d’apprendre à un chanteur à jouer que de trouver un acteur avec suffisamment de flow pour être crédible. Son choix s’est finalement porté sur Hatik, déjà connu à l’époque pour sa mixtape «Chaise pliante».
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Franck Gastambide a eu le nez creux. Hatik irradie dans le rôle du jeune Apash, rappeur ambitieux et talentueux qui se retrouve du jour au lendemain sous les feux des projecteurs après un passage réussi à la radio, sans connaître tous les codes ni la violence du milieu. Outre son charisme, Hatik apporte sa voix à la série, dont il interprète le titre phare, «Prison pour mineur». Une bonne partie de la scène rap française a également accepté de participer, de Soprano à Kool Shen en passant par Lacrim ou Gringe. À sa sortie sur Canal+ au printemps 2020, «Validé» fait un carton, enregistrant plus de 15 millions de visionnages en moins d’un mois.
Joey Starr dans «Mafiosa»
Entre 2006 et 2014, Canal+ a diffusé cinq saisons de «Mafiosa», plongée noire dans un clan mafieux corse dirigé par une femme, Sandra Paoli. Et la deuxième et la troisième ont donné l’occasion à Joey Starr de s’essayer à la série. À l’époque, le leader du groupe de rap NTM a déjà fait ses premiers pas au cinéma, mais seulement des caméos sur petit écran. «Mafiosa» lui offre le rôle de Moktar Bouamen, parrain marseillais de la drogue.
L’occasion pour Joey Starr de confirmer qu’il est fait pour tourner devant une caméra. Il ne s’agit pas seulement de son physique, de sa présence, ni même seulement de cette voix incroyable. L’artiste est surtout capable de faire oublier qui il est, de se jouer des clichés même dans un rôle prêtant à la caricature. Ni lui ni l’industrie ne s’y sont trompés : depuis cette époque, justement, Joey Starr se consacre au cinéma et aux séries.