C’est le genre de pitch qu’on a tous l’impression d’avoir lu cent fois. Le soir du Nouvel An, Jessie, poussée par sa meilleure amie, accepte d’aller en boîte de nuit. Ivre, la jeune trentenaire y fait la rencontre d’un charmant jeune homme avec lequel elle vit une nuit torride. Avant de s’apercevoir au petit matin qu’il s’agit de Tom Kapoor, un acteur en pleine ascension, qu’elle connaîtrait peut-être si elle regardait plus de blockbusters. En dépit d’une alchimie véritable, il paraît inconcevable que cette relation entre une star et une jeune femme qui «n’est personne», comme le lui rappelle tendrement sa copine, se poursuive. À moins que…
Forcément, le résumé de «Starstruck», série britannique disponible sur Canal +, rappelle celui de «Coup de foudre à Notting Hill». Dans ce film sorti il y a 23 ans déjà – ne me remerciez pas pour ce coup de vieux – un simple libraire (Hugh Grant) tombait amoureux d’une actrice (Julia Roberts). Mais les similitudes s’arrêtent là. Au milieu de la multitude de comédies romantiques qui sortent sur petit et grand écran, «Starstruck» parvient rapidement à imposer un ton qui lui est propre. Jusqu’à offrir une nouvelle fraîcheur à un genre pourtant ultra-balisé.
Cela tient, d’abord, aux deux personnages principaux, finement écrits, à rebours des clichés. L’inconnue, Jessie, qui cumule deux jobs sans réellement parvenir à joindre les deux bouts, est une maladroite enthousiaste et débordante d’énergie. L’acteur célèbre, Tom, a lui bien du mal à faire cohabiter sa discrétion teintée de mélancolie avec son statut de star. Tous deux semblent aussi surpris l’un que l’autre par l’évidence de leur connexion.
Un ton très moderne
Les ingrédients nécessaires à la réussite de toute bonne rom-com sont aussi là: des quiproquos, du rythme, un art du dialogue qui permet de cerner des personnages en quelques mots. Mais c’est surtout dans ce qu’elle raconte d’une relation amoureuse que «Starstruck» se montre résolument moderne. Par exemple en montrant ou en disant ce qu’on ne montre ni ne dit jamais dans les séries: lors de leur deuxième rendez-vous, Jessie, gênée, prévient Tom qu’elle a ses règles.
Et puis il n’est pas seulement question ici, comme dans tant d’autres comédies romantiques, d’arriver à avouer ses sentiments. Encore faut-il vouloir et être capable, après, de les entretenir et de construire quelque chose. Plus encore dans sa deuxième saison que dans la première, «Starstruck» démarre là où les autres fictions, souvent, s’arrêtent: quand les deux protagonistes sont enfin ensemble. C’est alors l’occasion d’explorer toute la complexité du couple et de l’attachement qui, même authentique, n’a jamais empêché d’être attiré par quelqu’un d’autre… ou de tout saboter par manque de confiance en soi.
Il est d’ailleurs réjouissant d’observer une série qui, alors que son intrigue principale repose sur la question de savoir si deux êtres vont faire un bout de chemin ensemble, n’oublie pas de rappeler qu’il est essentiel de savoir marcher seul. «Starstruck» se préoccupe des insécurités de Jessie et Tom indépendamment l’un de l’autre. Dans une scène de la première saison, la première exprime par exemple toutes les angoisses de la trentaine, âge auquel le chaos de l’existence apparaît beaucoup moins rock’n’roll qu’à vingt ans, et où toute la société attend que vous ayez trouvé un sens à votre vie. Tom, de son côté, se révèle particulièrement dans la deuxième saison, qui le montre subir une carrière dont sa famille n’a absolument rien à faire. Pas étonnant, dès lors, qu’il trouve chez Jessie une source de simplicité et d’affection dont il manque cruellement.
L’authenticité rare qui se dégage de «Starstruck» est largement imputable à sa créatrice et actrice principale, Rose Matafeo. Cette humoriste néo-zélandaise exilée à Londres, qui s’est inspirée de sa propre vie pour cette histoire, y instille un enthousiasme communicatif. Les douze épisodes de 26 minutes qui composent les deux saisons se dévorent sans modération.
Et voici cinq autres formidables histoires d’amour en série:
Normal People (Starzplay)
C’est l’une des plus belles séries romantiques récentes, et sûrement l’une des plus belles séries tout court. L’histoire tient pourtant sur un post-it: Marianne et Connell, deux adolescents irlandais issus de milieux sociaux différents, tombent amoureux, avant de se séparer. Sur plusieurs années, «Normal People» dissèque les émois de ces deux êtres qui n’arrivent jamais à se détacher l’un de l’autre. Extraordinairement délicate, la série est aussi un modèle pour la mise en scène des scènes intimes. Jamais le sexe sur petit écran aura été aussi doux et excitant à la fois.
Watchmen (HBO et OCS)
Ceux qui connaissent déjà le pitch de «Watchmen» s’étonneront peut-être de voir la série inspirée du comics du même nom figurer ici. Et pourtant. Derrière cette histoire de super justiciers qui essaient de démasquer un complot de suprémacistes blancs se cache une formidable histoire d’amour, qui ne se révèle qu’à la fin des neuf épisodes. Impossible d’en dire plus sans spoiler l’intrigue mais soyez sûrs d’une chose: votre petit cœur n’y résistera pas.
Fleabag (Prime Video)
On ne présente plus «Fleabag», petit bijou écrit par Phoebe Waller-Bridge, qui joue également le rôle principal. Celui de Fleabag donc, jeune londonienne un brin obsédée par le sexe, qui doit gérer une famille dysfonctionnelle et la disparition de sa meilleure amie. Sa rencontre avec un prêtre sexy est une source inépuisable de blagues et de situations burlesques, qui ne sont là que pour mieux terrasser le spectateur lorsque vient l’émotion. S’il fallait résumer cette série, il faudrait citer le réalisateur Chris Marker: «L’humour est la politesse du désespoir.»
The Affair (Canal +)
Co-créée par le showrunneur israélien Hagai Levi et Sarah Treem, «The Affair» raconte l’histoire d’amour adultère entre Noah, écrivain, et Alison, serveuse. Toute l’originalité de la série repose sur la mise en scène des épisodes qui racontent plusieurs fois la même chose en épousant le point de vue de différents personnages. Le procédé permet de se glisser dans tous les interstices des relations amoureuses et affectives. Terriblement érotique, «The Affair» est aussi sublimée par l’interprétation de ses acteurs, tous excellents.
Mes premières fois (Netflix)
Devi, une adolescente américaine d’origine indienne, s’apprête à retourner en classe après une année mouvementée, durant laquelle elle a perdu son père. Et elle est bien décidée à trouver un petit ami! Va-t-elle réussir à attirer l’attention de Paxton, le beau gosse du lycée? Au croisement de la comédie romantique et de la série pour ados, «Mes premières fois» est une franche réussite, pleine d’humour et de finesse, notamment dans sa représentation des enfants d’immigrés aux États-Unis.