Jessica Jaccoud sur l'assurance
Stop aux tricheurs, protégeons les assurés!

Jessica Jaccoud inaugure une nouvelle série de chroniques sur le pouvoir d'achat. La présidente du Parti socialiste vaudois et députée s'attaque aujourd'hui aux tricheurs et aux médecins qui facturent avec largesse leurs talents à l'assurance complémentaire.
Publié: 02.06.2022 à 18:54 heures
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Dernière mise à jour: 02.06.2022 à 18:55 heures
Depuis de nombreuses années, des personnes expriment leur ras-le-bol des augmentations des primes d'assurance maladie.
Photo: Keystone
Jessica Jaccoud

Elles et ils sont nombreux en Suisse à avoir le sentiment que, parmi les grandes crises que traverse notre pays, dont les crises sanitaire et environnementale, la crise sociale est la plus importante d’entre elles. Ce constat fait écho au sentiment, largement partagé dans la population, et bien au-delà des classes défavorisées, de dégradation du pouvoir d’achat. Vous savez, ce sentiment qu’avec le même salaire, on ne remplit plus autant le caddie.

Dans ce contexte, les partis, les femmes et les hommes politiques, ont un rôle crucial à jouer. Cependant, les solutions pour renforcer le pouvoir d’achat ne sont pas les mêmes que l’on soit de droite ou de gauche.

Des patients otages

Dans notre monde vertueux, assureurs et médecins spécialisés tirent à la même corde pour vous offrir les meilleurs soins du monde. Jamais, ô jamais, ils ne pensent à s’en mettre plein les poches. Ils ont le cœur sur la main pour garantir un accès universel à la santé.

Vous n’y croyez pas? Ça tombe bien, moi non plus! J’ai la certitude que vous et moi ne sommes jamais les gagnants d’un système peu transparent dont nous sommes complètement captifs. Et pendant que vous tirez la langue, d’autres s’enrichissent de manière importante, sur votre dos, grâce à des pratiques douteuses, voire potentiellement frauduleuses. Quelqu’un s’en émeut? Heureusement oui, suivez mon regard.

En décembre 2020, le gendarme des marchés financiers en Suisse, la Finma, pas franchement de gauche, a tiré la sonnette d’alarme. Des prestataires de soins — des médecins majoritairement — facturaient des prestations à double: une fois à l’assurance de base, et une fois à l’assurance complémentaire. Bingo!

Des variations de coûts monstres

Pour des traitements identiques, les coûts supplémentaires à charge de l’assurance complémentaire peuvent varier, pour une opération de prothèse de la hanche de 1500 francs à 25’000 francs! Sans compter qu’en général, les assurés ne reçoivent aucune copie de la facture du prestataire. Pour la transparence, on repassera. En résumé, c’est la jungle! Personne ne surveille quelle prestation est facturée et pour quel prix.

Les grands gagnants sont indéniablement les tricheurs et les médecins qui facturent avec largesse leurs talents. Les grands perdants sont toujours les mêmes: vous et moi, les patients et assurés.

Quel est le rôle des assureurs dans cette histoire? Dans les faits, la plus grande passivité. Ils peuvent en effet, dans le domaine très libéral des assurances complémentaires, reporter sur les primes le montant des prestations prises en charge tout en se garantissant une marge confortable.

Vache à lait de la médecine privée

Je vous présente le système de la vache à lait de la médecine privée: des médecins qui facturent très généreusement — voire à double — et qui s’enrichissent sans se casser la tête, des assureurs qui paient les factures les yeux fermés et des assurés qui se retrouvent captifs de primes qui augmentent d’année en année, les contraignant parfois à renoncer à une couverture privée d’assurance.

Une large étude sur ce phénomène a été publiée le 2 mai sur le site de la Fédération romande des consommateurs, en collaboration avec la Fédération suisse des patients: absence de tarif d’usage privé unique — merci le mythe de la libre concurrence —, catalogues tenus secrets, factures illisibles, quasi-absence de contrôle des assureurs, absence de consensus dans la branche pour remédier au problème. Les patients et assurés restent les otages du système et paient leurs primes sans avoir de moyen de lutter contre leur constante augmentation.

Un État fort et investigateur

Parmi les pistes de réflexion possible, il y a celle d’un État fort qui, malgré le caractère privé de l’assurance, puisse contrôler les prestations facturées. Ce même État pourrait également investiguer de manière prioritaire sur les cas de double facturation, tout comme la violation du droit à l’information du patient sur sa facture. L’État, faute de base légale, n’est aujourd’hui pas en mesure de le faire. Mais cela peut changer.

C’est précisément ce que j’ai proposé au Grand conseil vaudois. Le résultat serait doublement positif: plus de transparence et plus d’économie pour les patients et assurés. Et un gain potentiel sur leur pouvoir d’achat. C.Q.F.D.


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