Les partisans de Donald Trump qui vont lire ce commentaire peuvent préparer leur assaut de critiques, voire d'insultes. Car il faut bien l'écrire alors que se tient à Washington l'assemblée annuelle du FMI et que les dirigeants mondiaux vont se retrouver samedi à Rome pour les obsèques du pape Francois: l'homme qui promet de rendre à l'Amérique sa grandeur ne donne pas au monde l'impression d'être un président sérieux, à la tête d'un gouvernement sérieux.
Sérieux. Ce mot est simple. Il est celui que l'on est en droit d'exiger, au minimum, d'un dirigeant politique. Surtout lorsqu'il est à la tête de la première puissance mondiale.
Les promesses MAGA
La réponse de tous ceux qui croient encore en Trump et dans ses promesses MAGA (Make America Great Again) est connue d'avance. Impossible, affirment-ils, de juger ce Chef de l'Etat élu confortablement le 5 novembre 2024, sur la base chaotique des seuls 100 jours de pouvoir qu'il s'apprête à boucler. Impossible, aussi, de prédire l'issue de la guerre commerciale sans précédent qu'il a déclenchée, avec sa salve de tarifs douaniers et l'escalade engagée avec la Chine (sur laquelle il semble reculer).
Impossible enfin d'affirmer que Trump n'obtiendra pas la paix promise en Ukraine, au sujet de laquelle le plan des paix des Etat-Unis est désormais sur la table. Avec des concessions territoriales au menu et une quasi-réhabilitation de la Russie de Vladimir Poutine.
Bref: pour ses partisans, ceux qui critiquent Trump n'ont décidément rien compris. Ils ne sont que les défenseurs d'un ordre bien trop établi, incapables de comprendre qu'un grand coup de balai était indispensable pour purger l'administration fédérale, les marchés financiers, la mondialisation, les alliés traditionnels de l'Amérique, mais aussi les universités, la diplomatie, l'aide humanitaire et l'armée des Etats-Unis.
Attendons les résultats
D'accord. Patientons encore. Mais franchement, qui peut croire aujourd'hui que l'administration Trump II va pouvoir continuer ainsi ? Elon Musk est parti en vrille, obligé désormais de se ruer au secours de Tesla, ce constructeur automobile que ses excès ont naufragé. Pete Hegseth, le Secrétaire à la Défense sorti tout droit des plateaux de Fox News après les opérations des forces spéciales auxquelles il appartenait, renvoie des généraux à la pelle, affaiblissant son pays dans ces moments de tension cruciaux. Et Scott Bessent, le milliardaire en charge du Trésor, se retrouve pris dans l'affrontement qui oppose Donald Trump au patron de la Réserve Fédérale, Jerome Powell, après avoir avalé des kilomètres de couleuvre en matière de tarifs douaniers...
Assumons le débat. Trump a-t-il de bonnes raisons de vouloir protéger les Etats-Unis de leurs concurrents commerciaux ? Oui. Trump écoute-t-il la voix majoritaire de ses compatriotes lorsqu'il expulse les migrants clandestins ayant commis des crimes ? Oui. Trump voit-il juste en engageant le bras de fer avec la Chine ? Du point de vue américain, sans doute oui.
Les incantations ne suffisent pas
Et après ? Une politique ne se résume jamais à des incantations. Et un pays comme les Etats-Unis ne pourra jamais complètement s'affranchir de ses devoirs, hérités de décennies de décisions et d'alliances. Trahir l'Ukraine pour obtenir quoi ? Trahir les Européens pour obtenir quoi ? L'isolement et le repli agressifs des Etats-Unis peuvent être un objectif. Encore faut-il pouvoir et savoir les mettre en œuvre.
Le souvenir du premier mandat de Donald Trump est celui d'une présidence erratique, ruinée par l'incompétence, l'arrogance et l'inconséquence. Nous y sommes après cent jours passés à la Maison Blanche. Trump II peut-il - ou va-t-il - corriger le tir ? Quelles que soient nos opinions sur l'homme et ses politiques, il faut le souhaiter.
Les Etats-Unis de 2025 ont besoin d'un gouvernement sérieux. Si cela n'est pas le cas, l'agenda MAGA accouchera de ce qu'il devait éviter: un champ de ruines impérial.