Il est facile d’appliquer aux Etats-Unis les images des westerns qui nous sont si familières. Rien de plus simple que de comparer telle ou telle situation politique, dans ce pays où la violence est institutionnelle, à des images de films que nous connaissons tous ou presque. Et d’assigner aux uns et aux autres les rôles qui ont fait les meilleurs longs métrages hollywoodiens sur la conquête de l’Ouest: du Marshall chargé d’imposer la loi à la force de ses pistolets au chef Indien à la fois féroce guerrier et victime désignée du nouvel ordre américain.
Guerre commerciale et boursière
De tels clichés, avec Donald Trump et sa guerre commerciale et boursière, fonctionnent à merveille. Alors, ne nous en privons pas, car ils permettent peut-être de mieux décoder ce qui risque de se passer, tant cet épisode politique est fondamentalement américain.
Au président des Etats-Unis, le rôle du «nouveau shérif dans la ville», comme l’a dit d’emblée à ses alliés européens le nouveau secrétaire à la Défense Pete Hegseth, dès leur première rencontre. A ses émissaires, tel l’ancien promoteur immobilier Steve Witkoff, le rôle du «pistolero» ou du mercenaire toujours prêt à dégainer. Au milliardaire Elon Musk, le rôle de l’impitoyable propriétaire de ranch désireux d’éliminer tous ceux qui traversent sa prairie. Et au reste du monde, le rôle des Indiens qu’il convient de traquer, de faire plier, puis d’installer dans des réserves…
Western et héros
Le problème est que ces westerns de cinéma n’ont jamais correspondu à la réalité. Et qu’à la fin, la plupart des héros mal intentionnés finissent toujours par mordre la poussière. Soit parce qu’ils ont été trahis. Soit parce que la justice (et l’honneur) finit par l’emporter. Soit, et c’est souvent le cas, parce qu’ils manquent de munitions pour imposer longtemps leur loi.
A bientôt cent jours de sa présidence, le shériff Trump est dans ce cas. Il peut se targuer d’avoir, avec ses tarifs douaniers annoncés puis suspendus, mis tout le monde au pas. L’étoile qu’il porte sur la poitrine, comme dans les westerns, brille de tous ses feux. Et le fait, comme il l’affirme haut et fort, que plus de 50 pays proposent de négocier démontre qu’il va pouvoir fixer ses conditions. Le voici donc à déambuler, avec son artillerie, dans la ville où chacun se planque pour éviter sa foudre.
La Chine et ses recrues
Sauf que deux adversaires sont déjà en train de démontrer que la bataille sera beaucoup plus rude. Le premier est la Chine, qui ne manque ni de recrues, ni de moyens, et dispose en Asie du Sud-Est d’un contingent de pays émergents qu’elle peut liguer contre le Shériff Trump. Le second est Trump lui-même, parce qu’il ne sera jamais complètement un shérif comme les autres. La loi de Trump, celle qu’il a toujours appliquée, est celle de l’argent. Donc, aux Etats Unis, celle de Wall Street. Impossible pour lui de s’en détacher. Elle est à la fois sa force et son boulet.
Manque de munitions
Donald Trump est un shériff qui manque déjà de munitions parce qu’il ne pourra jamais s’affranchir de son passé d’homme d’affaires. Il voudra toujours, à un moment, stopper les pertes de ses proches milliardaires, ou leur offrir de bons «deals» au passage. Il ne peut pas comprendre que les Chinois, à force d’échanges commerciaux, ont, eux aussi, appris à manier le pistolet et à dégainer vite.
Trump est un parfait héros de western contemporain, mais il n’est pas dans le bon film. Le monde de 2025 n’est pas une ville américaine de la conquête de l’Ouest. Celui qui tire le premier, même avec le plus gros calibre, doit être prêt à une fusillade de longue durée. La fin du film est donc loin d’être écrite.