Le successeur du pape François pourrait connaître l’un des pontificats les plus tourmentés de l’histoire catholique contemporaine. Il suffit, pour s’en rendre compte, de lister les conflits en cours dans le monde et d’énumérer les motifs d’affrontements futurs entre grandes puissances. L’heure, on l’écrit souvent, est au retour des Empires. Or le chef de l’Eglise catholique, avec son milliard et demi de fidèles, incarne un pouvoir spirituel et temporel redouté des autocrates et de tous ceux qui profitent du chaos.
Qui, pour succéder à Jorge Bergoglio, décédé lundi 21 avril après avoir, la veille, brièvement accordé une audience au vice-président des Etats-Unis J.D. Vance? Quelle que soit sa nationalité, le futur pape se retrouvera pris dans un étau géopolitique inédit.
Premier risque: les fractures au sein de l’Eglise catholique
Celles-ci se sont aggravées sous le pontificat du pape François, entre 2013 et 2025. Des cardinaux comme le Guinéen Robert Sarah, l’ancien archevêque de Conakry (Guinée) considéré comme le porte-parole de l’aile droite du futur conclave, voient d’un très mauvais œil la montée en puissance de l’Asie, un continent bien moins catholique que l’Afrique ou l’Amérique latine.
Ils ont le soutien, dans cette résistance au grand basculement vers l’est, des cardinaux européens pour qui le successeur de Saint-Pierre devrait être issu du Vieux Continent. On peut faire confiance à la Chine communiste, mais aussi à la Russie orthodoxe, pour exploiter ces fractures.
Second risque: la faillite financière
On le sait peu, mais l’Eglise catholique est très loin d’être la richissime puissance économique d’antan. La presse italienne, qui suit le Vatican de très près, estime même que le Saint-Siège est au bord de la faillite. A preuve: le fonds de pension du Vatican, un des piliers financiers de l’institution, est dans une situation de crise profonde.
On sait l’attention que le pape François portait à ces questions. En 2014, un quasi-ministère a été créé pour superviser les finances du plus petit État du monde. Il a «autorité sur toutes les activités économiques et administratives à l’intérieur du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican».
Sept laïcs, experts dans le domaine financier, assistent la curie. Premier résultat: la publication d’information sur les désastreux placements passés du Vatican. Depuis 2010, la cité-État aurait perdu entre 800 millions et 1 milliard d’euros.
Troisième risque: la guerre technologique et numérique
L’Eglise catholique, avec son milliard et demi de fidèles répartis sur tous les continents et son «administration» millénaire, est une cible idéale pour les hackers et trolls en tout genre. Les cyberattaques sur les diocèses, ou sur des hôpitaux catholiques, sont monnaie courante.
Les campagnes de calomnies contre des prêtres, pour obtenir des rançons, sont de plus en plus fréquentes. La remontée d’informations sur les abus sexuels commis par le clergé, au fil des commissions d’enquêtes constituées dans de nombreux pays (dont la Suisse), devient une arme potentiellement redoutable pour des forces désireuses de semer le discrédit. Le futur Pape devra impérativement avoir conscience de ces enjeux.
Quatrième risque: l’affrontement entre géants
Le cas de la Chine communiste, qui compte environ 12 millions de catholiques, est emblématique. Le pape ne peut pas y nommer des évêques sans l’accord du parti communiste. Or que feront ces derniers en cas d’invasion de Taïwan? On pense aussi à l’enjeu immédiat que représentent les Etats-Unis de Donald Trump, qui a confirmé sa venue aux obsèques du pape François à Rome.
Autre exemple géopolitique: l’Ukraine, sur laquelle le défunt pape portait le regard d’un religieux argentin, bien moins concerné que ses homologues européens. Le futur chef du Vatican devra faire preuve, dans les années à venir, d’un réel talent de négociateur.