Le chef du Kremlin coupe successivement les robinets: la Pologne et la Bulgarie doivent désormais se passer du gaz russe. L’Occident commence à trembler en vue de l’hiver prochain.
Et si Vladimir Poutine bloque, par exemple, le flux de gaz en direction de l’Allemagne, la Suisse serait effectivement impactée. «L’Allemagne couperait alors le gaz à la Suisse», explique Andreas Tresch de la société de conseil Enerprice à Blick.
Que se passerait-il si une pénurie de gaz survenait en Suisse? L’Office fédéral de l’approvisionnement économique (OFAE) n’a en réalité pas de plan d’urgence. Il existe néanmoins un rapport détaillant les mesures à prendre en pareil cas. Mais ce dernier date de… 2019. Les mesures sont en cours de révision, nous explique l’OFAE. Une question est sur toutes les lèvres: qui va faire les frais de l’économie d’énergie en premier?
Douche froide pour le peuple?
Une chose est certaine, nous devrons certainement économiser de l’énergie au niveau national. Mais rassurez-vous (un peu): le contingentement concernerait en priorité les gros consommateurs, pas les ménages privés. Toutefois, des appels à l’économie seraient lancés à la population. Et ce avant même un éventuel rationnement.
Via des affiches, la télévision ou la radio, la population pourrait ainsi être invitée à prendre une douche plutôt qu’un bain. Ou encore à baisser les radiateurs avant d’aller se coucher.
«De tels appels à l’économie font souvent sourire», admet Michael Schmid, de l’Association Suisse du Gaz. Mais ils seraient efficaces: «En hiver notamment, on peut économiser beaucoup de gaz en baissant la température ambiante d’un ou deux degrés seulement.»
Avec un degré de moins sur le thermomètre de la maison, l’on pourrait en effet épargner 6% de notre consommation de gaz actuelle, selon les calculs de l’OFAE.
Retour au pétrole…
6%, ce n'est pas mal. Mais probablement pas assez en cas d’arrêt total des exportations russes. C’est pourquoi, partout où cela est possible, le gaz serait – toujours selon le plan d’urgence – remplacé par du pétrole. Les installations dites bicombustibles peuvent fonctionner avec les deux matières premières. Mais elles sont loin d’être la norme. De nombreuses installations de chauffage de Suisse fonctionnent uniquement au gaz.
Si les mesures évoquées ci-dessus ne suffisent pas à compenser le blocus russe, il s’agirait alors de procéder à un véritable contingent. Les grandes industries, qui utilisent au total un tiers du gaz consommé en Suisse, pourraient alors être appelées à faire des économies. Coop et Migros étant dans le lot, de telles restrictions pourraient impacter directement le secteur alimentaire.
Parmi les entreprises, à qui va-t-on couper le robinet en premier? Interrogés par Blick, les responsables de l’OFAE et de l’Association Suisse du Gaz se sont montrés peu loquaces.
Les entreprises ne peuvent guère faire le pont
Contrairement au pétrole, le gaz n’est pas stocké dans de grands réservoirs, mais livré en continu. Seules les entreprises disposant d’un stockage de gaz naturel liquide pourraient surmonter un tel rationnement. La liquéfaction et le stockage du gaz naturel sont toutefois coûteux et techniquement complexes. Pour la majorité des entreprises suisses, ce n’est pas même envisageable.
La famine énergétique est-elle éminente? Ni l’OFAE, ni le secteur gazier ne veulent se prononcer à ce sujet. Mais la nervosité ambiante grandit. La Confédération a déjà pris quelques mesures: les entreprises suisses peuvent d’ores et déjà acheter du gaz et réserver des capacités de stockage en commun et à grande échelle pour l’hiver 2022/2023. Quant aux foyers: sans verser dans l’alarmisme, il faudra s’attendre à quelques douches froides dans les prochains mois.
(Adaptation par Daniella Gorbunova)