Après avoir attendu des dizaines d'années, les couples homosexuels pourront enfin se marier. Les Suisses ont accepté dimanche à 64,1% de leur accorder les mêmes droits qu'aux hétérosexuels.
Le résultat est sans appel. Outre deux tiers des votants, tous les cantons ont approuvé le mariage pour tous. Le projet obtient ainsi une double légitimité. L'acceptation au sein de la population est même plus forte que lors de la votation sur le partenariat enregistré. En juin 2005, le peuple avait accordé ce droit aux couples homosexuels par 58%. Sept cantons avaient refusé.
Petit «oui» en Valais
Les tendances esquissées alors se sont confirmées dimanche. Les cantons alémaniques, souvent urbains et protestants, ont été les plus enthousiastes. Bâle-Ville a plébiscité le projet par presque 74%. Zurich (69,1%), qui a organisé la première marche des fiertés suisse en 1978, et Bâle-Campagne (67,2%) arrivent ensuite. Ils sont suivis du triplé Zoug, Lucerne et Soleure qui pointent à quelque 66%.
Sans surprise, l'opposition la plus forte est venue des bastions catholiques. Appenzell Rhodes-intérieures (50,8%) dit oui du bout des lèvres. Le Tessin (52,9%), le Valais (55,5%) et Schwytz (56,5%) n'affichent pas un score beaucoup plus élevé.
En Suisse romande, exception faite du Valais, la différence entre protestants et catholiques est moins nette, mais quand même visible. Genève et Vaud - tout comme Berne - approuvent le projet à un peu plus de 65% et Neuchâtel à environ 63%. L'acceptation est un peu moindre à Fribourg (62,3%) et dans le Jura (61,1%).
Le fossé ville-campagne est lui plus marqué à l'intérieur des cantons. Certaines communes reculées ou montagnardes, comme Evolène (VS), L'Abbaye (VD) ou Vaulruz (FR), ont même refusé d'ouvrir le mariage aux homosexuels. Au total, un peu plus d'un million d'électeurs ont rejeté le texte. Et 1,8 million d'entre eux ont glissé un bulletin favorable dans les urnes.
Question d'égalité
Les opposants, particulièrement virulents en fin de campagne avec leurs affiches-chocs représentants des bébés-produits étiquetés et des pères-zombies, n'ont ainsi pas réussi à convaincre la population. L'enjeu des votations n'était, à leurs yeux, pas l'ouverture du mariage à tous, mais bien l'instauration d'un «droit à l'enfant» contre-nature.
Avec l'accès à la procréation médicalement assistée pour les lesbiennes, le père serait relégué au rang de fournisseur de sperme, ont critiqué plusieurs comités conservateurs, comptant principalement des représentants de l'UDC, du PEV, de l'UDF et du Centre. Les enfants conçus ainsi en paieraient les frais.
Des arguments réfutés par le camp du «oui je le veux». Le bonheur des enfants ne dépend pas de l'orientation sexuelle de leurs parents, mais de l'amour qu'ils leur portent.
La question n'est pas d'être pour ou contre le mariage et le don de sperme, mais pour ou contre l'ouverture des mêmes droits à tous les couples, ont pointé le gouvernement et presque tous les partis. Les Suisses ont été plus sensibles à ces arguments.
Pacs pour tous envisagé
Les couples homosexuels pourront désormais soit conserver leur partenariat enregistré, soit le convertir en mariage. Les mariages entre une femme et un homme ne sont pas concernés. Pas plus que les unions religieuses. De nouveaux partenariats ne pourront en outre plus être conclus.
L'idée d'un pacte de solidarité à la française fait toutefois son chemin dans l'administration. Accessibles à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, il aurait des conséquences juridiques moins étendues que le régime matrimonial. Un rapport sur le sujet est attendu pour la fin de l'année.
Les lesbiennes pourront elles accéder aux banques de sperme suisses. Les dons de sperme anonymes et d'ovules, ainsi que la gestion pour autrui, resteront interdits. Et ce pour les couples homosexuels comme hétérosexuels. Outre ces deux points centraux, le projet prévoit aussi d'autres avancées, comme l'adoption conjointe ou encore la naturalisation facilitée.