Campagne politique sur Tinder, propositions totalement loufoques et petites manigances: comme tous les quatre ans, la campagne pour les élections fédérales aura su tenir en haleine les adeptes du genre. Inutile de vous dire que toute la rédaction de Blick gambille à l’approche du 22 octobre.
Il faut dire que le suspense est partout et que les rebondissements ont été multiples. Contrairement aux dernières élections, il n’y a désormais pas que la planète qui brûle. Des pays sont aussi à feu et à sang et les urgences sont partout, jusque dans les porte-monnaies de plus en plus faméliques de la classe moyenne.
Dans un tel contexte, qui va l’emporter? Que faudra-t-il guetter dimanche? Nous vous résumons ici les dix questions-suspense auxquelles nous pourrons répondre dans quelques heures. C’est parti.
Les femmes vont-elles se prendre une déculottée?
En 2019, les femmes ont fait un carton. 42% des élus au Conseil national étaient des élues, 26% au Conseil des États, soit environ 10% de plus qu’en 2015 dans les deux Chambres. Du jamais vu auparavant… mais peut-être un feu de paille. Quatre ans plus tard, la question est malheureusement pertinente: les femmes vont-elles perdre ces élections?
Certes, le nombre de candidates qui partent à l’assaut des Chambres fédérales reste stable (41% des candidatures), mais les rouages de la politique sont complexes et reposent sur les cantons. Or de nombreuses femmes sont attaquées frontalement à Neuchâtel, dans le Jura, à Berne, à Fribourg et à Lucerne notamment.
La Verte Céline Vara sera-t-elle crucifiée par un collègue de gauche?
Élue au Conseil des États, l’avocate verte n’est pas en très bonne posture. La sénatrice est populaire, mais elle est attaquée à sa gauche par le socialiste Baptiste Hurni, largement aussi populaire qu’elle (et qui est accessoirement la personne la plus à gauche du Parlement).
Céline Vara est également prise dans un double courant contraire: les Vert-e-s sont à la peine dans les sondages et le PS semble avoir du vent dans ses voiles. À l’heure de la hausse des primes d’assurance-maladie, le porte-monnaie prime le climat.
L’alliance opportuniste de droite à Genève va-t-elle faire basculer la députation de leur côté?
Dans un canton qui aime davantage s’affronter que s’unir, l’alliance de la droite genevoise repose sur du vent. Il n’empêche que cette modeste brise a permis à la droite de faire une jolie percée au Grand conseil et d’obtenir la majorité au Conseil d’État. Pas mal.
Dans la lutte pour les États, cela sera-t-il suffisant pour faire vaciller ce vieux renard socialiste de Carlo Sommaruga? Pas si sûr. L’alliance pourrait-elle faire trébucher la Verte Lisa Mazzone? C’est plus probable…
L’union du PLR et de l’UDC dans le Jura va-t-elle faire tomber le PDC historique (et Charles Juillard)?
L'accession surprise de la socialiste Elisabeth Baume-Schneider au Conseil fédéral rebat les cartes de l'élection au Conseil des États dans le plus jeune canton de Suisse. Après le 7 décembre 2022, la très populaire sénatrice a laissé sa place à Mathilde Crevoisier Crelier, beaucoup moins connue. Celle-ci siège aux côtés de Charles Juillard (Le Centre), ancien ministre. Dans le Jura, le Parti à la rose a le vent en poupe, au contraire de l'ex-PDC.
La place de Charles Juillard sous la Coupole vacille. Son fauteuil est attaqué par le ministre libéral-radical Jacques Gerber, auteur du meilleur score lors des élections cantonales de 2020. Et attention: pour la première fois depuis des années, le PLR et l'Union démocratique du centre (UDC) unissent leurs forces. Dans une élection à la proportionnelle, ça pourrait faire la différence. Absent de la députation jurassienne à la Chambre haute depuis 1995, le PLR est donc gonflé à bloc. Le Parti socialiste a, lui, assuré ses arrières en présentant sa ministre Nathalie Barthoulot, véritable locomotive, aux côtés de la sortante Mathilde Crevoisier Crelier.
Philippe Nantermod peut-il faire autre chose que de se ramasser aux États?
Qui ne connaît pas Philippe Nantermod? Le conseiller national valaisan sortant est très médiatique. Une exposition qui n’est pas forcément synonyme de succès pour ce libéral-radical, qui dit toujours ce qu’il pense, quitte à être impopulaire.
Souvenez-vous. Lors des dernières élections fédérales en 2019, l’élu s’était retiré de la course à la Chambre haute après avoir été largement distancé au premier tour. À l’instar d’il y a quatre ans, il lui sera très difficile d’aller chatouiller le Centre et ses champions qui règnent en maîtres sur le Valais. Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué…
Pascal Broulis va-t-il réussir l’exploit de (re)faire 100’000 voix chez les Vaudois?
À chaque élection, Pascal Broulis caracole. Emblématique conseiller d’État libéral-radical à la fibre sociale, le Vaudois avait même été le premier à dépasser les 100’000 suffrages dans son canton, en 2017. Alors qu’il vise pour la première fois le Conseil des États, fera-t-il à nouveau un score canon? Rien n’est moins sûr.
D’abord, après avoir été durant vingt ans (!) ministre des Finances, certains des siens avaient commencé à le pousser vers la sortie avant qu’il ne consente finalement à se retirer en juin 2022. Ensuite, les accusations de violences conjugales portées contre l'UDC Michaël Buffat, aux côtés de qui l'habitant de Sainte-Croix pose tout sourire sur ses affiches électorales, pourrait lui nuire. Dans tous les cas, sauf immense surprise, ce favori ne devrait pas être élu au premier tour.
Les Vert-e-s vont-ils vraiment se prendre un vent comme prévu?
Ça sent l’automne et les feuilles brunes pour les Vert-e-s. Le dernier baromètre électoral est brutal: le parti passerait de 13,2% à 9,7%, soit 3,5 points de moins qu’en 2019. À l’heure du vote, les Suissesses et les Suisses sont préoccupés par leurs primes d’assurance-maladie et leurs finances en général.
Mais attention, les sondages restent des estimations (même si elles sont moins loufoques que chez nos voisins français) et la cheffe de campagne Lisa Mazzone reste confiante et dit qu’on sous-estime les Vert-e-s. Mais pourrait-elle dire autre chose?
Le Parlement va-t-il être encore plus à droite qu’aujourd’hui?
Le Parlement fédéral a toujours été dominé par le centre-droit et la droite conservatrice, ce n'est un secret pour personne. Mais en 2019, les Chambres fédérales avaient connu leur plus gros bouleversement depuis 1919: le législatif a glissé à gauche, s'est rajeuni et s'est féminisé.
2023 pourrait bien être l'année du retour de balancier. Les sondages prédisent une cuisante défaite des Vert-e-s (qui avaient gagné 17 sièges en 2019) et une nouvelle victoire de l'UDC (qui avait perdu 12 fauteuils).
Le Parlement deviendra-t-il le plus grand EMS du pays?
Soyons francs et direct: si vous avez surfé sur les sites des partis et maté les affiches (parfois martyrisées) dans la rue, vous aurez constaté que ça ne transpire pas de fougue juvénile. C’est un fait: les prétendantes et prétendants à un siège bernois ne sont pas tous de première fraîcheur.
Certes, dix candidates et candidats n'ont que 18 ans, mais la moyenne d'âge sur les listes électorales est la plus élevée depuis 1991, soit 43,6 ans, contre 41,75 en 2019 et 40,59 en 2015. On se consolera en se disant que si la politique ne rajeunit pas, elle semble maintenir jeune, au vu du nombre de mandats effectués par certains.
Le Conseil fédéral va-t-il être remanié?
Si le PLR devait se ramasser le 22 octobre, un scénario qui semble se profiler, le Centre pourrait passer devant son rival de centre-droite, ce qui poserait beaucoup de questions autour des deux sièges que le PLR occupe au Conseil fédéral. Ce d’autant plus qu’Ignazio Cassis peine à convaincre. Et le peuple veut du changement!
Quoi qu'il en soit, la répartition des sièges au gouvernement sera rapidement le thème de discussion numéro un. Que de passes d’armes passionnantes à venir!