Léa a deux casquettes. À 20 ans, elle est mandatée par l’Union démocratique du centre (UDC) neuchâteloise, pour laquelle elle remplit les fonctions de secrétaire cantonale. Et elle est aussi porte-parole du collectif Némésis, un groupe féminin «identitaire et anticonformiste», déjà présenté par Blick comme d’extrême droite. Pour les membres du collectif, la migration est la cause du sexisme et des agressions faites aux femmes. Elles le font savoir entre autres via leurs autocollants «Rapefugees not welcome» (réfugiés-violeurs pas bienvenus).
Leurs actions ne plaisent pas aux «féministes de gauche» qui ne veulent pas d’elles à leurs manifestations. Certaines de leurs sympathisantes ont récemment été vues en compagnie de membres du groupuscule d’extrême droite Junge Tat, par exemple lors de cette soirée au restaurant à Berne, où des antifas les avaient attaqués.
En tant que porte-parole de Némésis Suisse, Léa ne se présente que par son prénom. Son nom entier vient pourtant d’apparaître dans un article du blog militant Renversé.co. Les activistes anonymes d’extrême gauche ont suivi sa trace jusque sur une page du site de l’UDC Neuchâtel. Léa et son patronyme apparaissent sur la liste des personnes de contact dans les différentes sections cantonales.
L’UDC serait «un parti d’extrême droite comme les autres»
Ces allégations ont poussé la Jeunesse socialiste neuchâteloise à écrire un communiqué de presse dénonçant «l’hypocrisie» de l’UDC. En prenant pour base les liens entre la section neuchâteloise de la formation conservatrice et Némésis, ils critiquent «les étroites relations que Némésis entretient avec la mouvance néonazie Junge Tat» et argumentent que «l’UDC est un parti d’extrême droite comme les autres». Il y a donc des propos à charge, mais aussi des informations à vérifier auprès des principaux concernés.
Le président de l’UDC Neuchâtel, Niels Rosselet-Christ, commence par démonter la source de cette affaire. «Le communiqué des Jeunes socialistes prend racine sur le site Renversé.co, une plateforme d’extrême gauche tenue anonymement par des lâches. Ce site est truffé de fake news», balance le candidat au Conseil national en accusant les auteurs «de diffamation, de calomnies et de mensonges», notamment à son encontre.
Mandat à l’UDC Neuchâtel, emploi chez le boss des UDC vaudois
Il confirme cependant que Léa travaille bien auprès de sa section, mais «comme secrétaire mandataire» uniquement. «C’est une prestataire extérieure, qui n’est ni membre, ni élue du parti. Nous passons par une agence de communication, dont elle est l’employée.» Selon les mots de Léa, son mandat auprès de l’UDC Neuchâtel dure «depuis quelques mois, tout au plus».
L’entreprise mandatée en question, Niels Rosselet-Christ ne s’en cache pas, c’est l’agence «Kevin Grangier», du nom du président de l’UDC Vaud. Ce dernier détaille la relation de travail qui le lie à Léa: «Elle est engagée dans mon agence sur une base horaire. Dans ce cadre, nous effectuons des mandats de communication pour l'UDC Neuchâtel. Je suis informé de son implication au sein de Némésis.»
Léa n’est donc pas membre de l’UDC. Par contre, elle est employée directement par le président du parti dans le plus grand canton romand. Par ailleurs, son rôle de secrétaire n’est pas une fonction politique, mais un emploi de bureau, au sens littéral du terme.
De son côté, le chef de l’UDC à Neuchâtel considère que les prises de position de Némésis sur les réseaux sociaux correspondent à leur campagne «Nouvelle normalité?», qui met l’accent sur les actes de criminalité commis par des étrangers. À ce sujet, une plainte vient d’être déposée contre l’UDC par un collectif antiraciste. Sur les réseaux, fin septembre, la porte-parole était apparue aux côtés des deux pontes de l’UDC Jean-Luc Addor et Marco Chiesa, sur une publication qui avait fait grand bruit, relayée par «24 heures».
L’affiliation avec Némésis ne dérange pas le président de l’UDC neuchâteloise. «Némésis n’est pas un groupe extrême, simplement un collectif féministe qui se distingue par une autre approche des problèmes et qui se tient à l’écart de la doxa de gauche des mouvements féministes actuels.»
Il assure que Léa «se distancie de tous rapprochements avec des groupuscules d’extrémistes comme la Junge Tat. Elle n’a aucun lien avec eux et n’a jamais participé à une action où un de leurs membres aurait été présent». Une affirmation que partagent Kevin Grangier et la principale intéressée.
Qu’en dit la principale concernée?
Léa considère que son travail relève de sa vie privée. Elle ne parlera pas de l’UDC, mais seulement du collectif dont elle est la porte-parole en Suisse: «On veut vraiment se distancier des partis, mais c’est parfois un peu mal compris. Certaines personnes s’imaginent que nous sommes une branche de l’UDC.» Némésis Suisse est né du collectif français du même nom, comptant plusieurs centaines de membres, contre quelques dizaines en Suisse.
Les allégations de Renversé lui passent au-dessus: «Ils disent que je suis membre de l’UDC Neuchâtel, ce n’est pas vrai. Ils ont parlé d’actions où je n’étais pas, de personnes que je ne connais pas, donc cela me fait un peu ni chaud ni froid.» Quant au communiqué de la Jeunesse socialiste neuchâteloise, elle dit ne pas l’avoir lu. Elle souligne par contre l’existence d’une publication «totalement diffamatoire» sur l’Instagram des JS, supprimée depuis.
Pas de changements d’organigramme prévus
A propos des attaques des Jeunes socialistes, Niels Rosselet-Christ avance un nouvel argument: «Léa est accusée de soutenir des néonazis. Mais on oublie qu’elle est d'origine juive ashkénaze. Cela me paraît donc très difficile pour elle de soutenir des thèses néonazies.»
L’UDC Neuchâtel ne changera rien à son fonctionnement. «Nous n’avons aucun problème à collaborer avec Léa, très estimée pour la qualité de son travail, assure le président de la division neuchâteloise. À partir du moment où elle est irréprochable sur le plan moral, sur le plan des convictions et sur celui de son travail, pourquoi aurait-on quelque chose à changer?»
Pour le responsable politique, cette actualité «est un non-sujet, qui arrive à cinq jours des élections fédérales. Les jeunes socialistes cherchent seulement à semer le trouble, faute d’arguments concrets.»