Jon Pult a été selectionné avec beat Jans pour la candidature à la succession d'Alain Berset au Conseil fédéral. La décision sera prise d'ici une dizaine de jour.
Le Grison est né en 1984 à Scuol (GR). Il a la double nationalité suisse et italienne et est trilingue. Il est marié à la journaliste Sara Ibrahim. Et surtout, il s'apprête à devenir le nouveau conseiller fédéral du PS, mais qui est-il? Interview.
Jon Pult, autrefois, on ne le demandait qu'aux femmes. Mais je vous pose toutefois la question, voulez-vous des enfants? Et qui s'occupera d'eux?
Mon éventuel planning familial reste privé. Mais j'aimerais vivre dans un pays où un membre du Conseil fédéral peut être à la fois à la tête du pays et être un parent actif. Dans d'autres pays ça fonctionne.
Êtes-vous féministe?
Oui.
Qu'est-ce que cela signifie?
Le féminisme s'engage pour l'égalité de tous les êtres humains. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, et c'est pour cela que je m'engage.
Votre femme habite à Berne. Officiellement, vous n'êtes inscrit qu'à Coire. Voulez-vous économiser des impôts?
Mon domicile est à Coire, celui de ma femme à Berne. Nous payons des impôts ensemble, dans les deux cantons.
Vous vivez toujours à Coire avec votre collègue de parti?
Oui, avec Andri Perl. C'est un ami proche, un auteur intelligent et le président du PS des Grisons.
Depuis quand portez-vous des cravates?
Je porte régulièrement des cravates depuis des années, mais systématiquement depuis que je suis candidat au Conseil fédéral. Cela correspond à la dignité de la fonction à laquelle j'aspire.
La cravate est-elle destinée à détourner l'attention de votre image de justicier?
Les icônes de gauche, Salvador Allende ou Olof Palme, en portaient aussi. Une cravate n'est pas une question de gauche ou de droite.
Ignazio Cassis a rendu son passeport italien lorsqu'il est devenu conseiller fédéral. Allez-vous faire de même?
Non. Je suis né avec la double nationalité, je ne vais pas changer cela pour devenir conseiller fédéral.
Avez-vous trouvé la démarche du Tessinois racoleuse?
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a fait sa propre histoire et sa propre évaluation et je respecte cela. Ce qui est clair, c'est que d'une manière ou d'une autre, en tant que conseiller fédéral, on doit s'engager pour la Suisse et uniquement pour la Suisse.
Allez-vous désavouer Ignazio Cassis et voter pour Gerhard Andrey, le candidat des Vert-e-s au Conseil fédéral?
Le groupe PS a décidé d'auditionner Gerhard Andrey, puis le parti discutera du comportement électoral à adopter.
L'italien est votre langue maternelle. Avez-vous la bénédiction du chef de l'UDC, Marco Chiesa, qui vient du Tessin?
La politique est une affaire laïque, je n'ai pas besoin de la bénédiction de Marco (rires). Je me considère comme un bâtisseur de ponts, qui représente la diversité de la Suisse.
Quelle est la part de la Jeunesse socialiste (Juso) qui est encore en vous?
Il n'y a rien de choquant à avoir joué dans l'équipe junior et à passer ensuite dans l'équipe A. Je suis un social-démocrate passionné et pragmatique, qui a été membre de la Juso dans ses jeunes années.
Qu'est-ce qui vous agace le plus chez les Jeunes socialistes?
Je ne comprends pas pourquoi les Jeunes socialistes veulent que le PS quitte le Conseil fédéral s'il n'y a pas trois sièges à gauche. Il est tout de même préférable d'avoir deux conseillers fédéraux PS et de s'engager pour une politique sociale plutôt que de faire de l'opposition fondamentale.
Que répondez-vous au reproche qui vous est fait de manquer d'expérience à 39 ans?
Je fais de la politique depuis 20 ans. J'ai forgé des compromis avec la majorité bourgeoise au conseil municipal de Coire. J'ai siégé au parlement cantonal des Grisons et je suis depuis quatre ans au Conseil national. Pendant deux ans, j'ai présidé la commission des transports et des télécommunications. Je me sens prêt à devenir conseiller fédéral.
En Italie, 96 chars Ruag sont en train de rouiller. L'Ukraine doit-elle les recevoir?
Le droit de la neutralité doit être respecté. Mais si une majorité des deux tiers de l'Assemblée générale de l'ONU le soutient, un pays devrait recevoir des armes pour se défendre contre une guerre d'agression. Je suis favorable à ce que la législation suisse soit adaptée en conséquence.
Des juifs orthodoxes font régulièrement état d'antisémitisme à Davos ou à Saint-Moritz. Le Conseil fédéral peut-il faire quelque chose à ce sujet?
L'antisémitisme et le racisme n'ont pas leur place en Suisse. La politique doit le dire clairement, surtout après l'attaque épouvantable du Hamas contre Israël. Elle doit également s'opposer à l'islamophobie et à toute autre forme de racisme.
Quelle est la puissance du lobby paysan?
Assez puissante, mais la paysannerie au Parlement est tout à fait diversifiée.
Vous rencontrerez les représentants des agriculteurs lundi au Parlement. Qu'allez-vous leur promettre?
Je suis partisan d'un dialogue honnête. Beaucoup d'agriculteurs et d'agricultrices le savent: il est dans leur intérêt que l'agriculture devienne plus écologique car la nature est leur base de production.
Quelle est votre opinion sur le sujet clivant du loup?
Le loup est important pour notre écosystème. Il contribue à réduire la population de cerfs et donc à protéger nos forêts. En même temps, nous devons réguler les populations de loups afin de préserver les intérêts de l'agriculture de montagne. Il faut faire preuve de discernement pour trouver un équilibre entre ces deux intérêts.
En d'autres termes, faut-il abattre les loups?
S'il y a trop de loups qui posent problème, l'État doit alors les réguler.
Les militants climatiques sont-ils contre-productifs?
Les militants climatiques veulent secouer la société. Mais par leur activisme, ils mobilisent des forces qui veulent nuire au climat. Ce n'est pas en menant un combat culturel que nous parviendrons à la neutralité climatique.
Quelle est votre position sur les questions d'immigration?
Notre marché du travail a besoin de la migration. Nous manquons de main-d'œuvre. Moins de migration signifie moins de prospérité. Celui qui veut moins d'immigration ne doit pas mener une politique économique et d'implantation agressive.
Avez-vous peur d'une Suisse de 12 millions d'habitants?
J'aurais plutôt peur d'une Suisse de 5 millions d'habitants, car une société qui diminue a des défis bien plus importants qu'une société qui croît.
Après le «mariage pour tous», la communauté arc-en-ciel souhaite l'accès à la gestation pour autrui. Cela vous poserait-il un problème?
Si la maternité de substitution se déroule dans un contexte éthiquement correct, je n'ai rien contre. Mais elle ne doit pas conduire à des situations d'exploitation.
En tant que publicitaire, vous avez fait du lobbying pour le stade de Zurich contre la volonté de votre parti. Êtes-vous vénal?
C'était une mission professionnelle que je soutenais aussi personnellement. Le PS n'a pas toujours raison (rires), le projet de stade était équilibré.
Le Conseil fédéral doit-il prendre les banques par la main?
Le séisme du Credit Suisse l'a montré: La réglementation actuelle ne suffit pas. Les banques ont besoin de plus de fonds propres et de plus de réglementation. Il faut notamment rompre avec l'indicible culture des bonus.
La ministre des Finances Karin Keller-Sutter veut plafonner la franchise pour les touristes d'achat de 300 à 150 euros. Que pensez-vous de cela?
Sur ce point, je suis plutôt libéral. Je suis contre le fait de restreindre inutilement les gens. Nombreux sont ceux qui doivent faire face au renchérissement.
La semaine prochaine, Saint-Nicolas rendra visite à de nombreuses familles suisses. Quels sont vos péchés inscrits dans son livre d'or?
Je ne fais pas assez de sport, quelques kilos en moins me feraient du bien.
Votre femme est végétalienne. À quelle fréquence mangez-vous de la viande?
J'essaie de réduire ma consommation de viande. Peut-être deux à trois fois par semaine.
Avec votre profil international, êtes-vous né pour être ministre des Affaires étrangères?
Je pose ma candidature au Conseil fédéral, pas pour un département en particulier. Tous les départements sont importants. En tant que socialiste, le Département fédéral de l'intérieur (DFI) m'attire tout particulièrement. Une prévoyance vieillesse forte et un bon système de santé pour tous sont des tâches fondamentales pour la cohésion.