La Suisse a choisi un remplaçant à Alain Berset, mercredi 13 décembre. Le Socialiste (PS) fribourgeois a laissé sa place au Socialiste bâlois Beat Jans, qui devient le 122e conseiller fédéral. La journée s'est déroulée sans grande surprise. Mais une infidélité du parti à la rose à ses alliés des Vert-e-s est venue jeter une ombre au tableau.
La tentative des écologistes d'attaquer le siège du libéral-radical (PLR) Ignazio Cassis s'est soldée par un échec. Gerhard Andrey, vert et fribourgeois lui aussi, n'a obtenu que 59 voix. Les Socialistes lui ont préféré le candidat sortant. Les Vert-e-s ont vu rouge. «C'est tragique que les Socialistes ne portent pas leurs couilles!», a lâché un membre du parti.
«Les partis gouvernementaux ont peur»
Blick est allé sonder les deux camps après cette trahison sous haute tension. Là encore, sans grand étonnement, le PS se défend, et les Vert-e-s taclent. Mais personne, chez les Romands, n'ose le mot trahison.
Pour le député écologiste Raphaël Mahaim, «les partis gouvernementaux ont tous peur. Tous ont intérêt à ce que rien ne change, déplore le Vaudois. Tout le monde se tient par la barbichette, celui qui bouge perd son siège.» Il porte l'idée de son parti que «la formule magique a fait son temps. Elle ne colle plus à la réalité démocratique du pays. C'est son chant du cygne.»
Concernant l'infidélité du PS, le conseiller national «a du mal à comprendre pourquoi ils ont si peu soutenu notre candidature. Nous avions dit qu'on n'attaquerait pas leur siège, puisqu'ils ont gagné les élections».
Bagarre sur le terrain politique
Le Genevois Christian Dandrès, élu socialiste au national, estime que le diktat de la droite majoritaire a mis son parti en fâcheuse posture. Mais juge que la stratégie des Vert-e-s a été mauvaise. «Le centre et la droite n'ont laissé aucune marge de manœuvre à Gerhard Andrey, et leurs mesures de représailles étaient claires», dénonce l'avocat. Autrement dit, si le PS s'était exprimé en faveur de son allié, son siège au Conseil fédéral aurait pu être menacé.
Une minorité des membres du parti à la rose aurait tout de même voté pour l'écologiste fribourgeois. Mais la stratégie autour de la candidature de ce dernier n'aurait pas été la bonne. «Gerhard Andrey était suffisamment consensuel pour plaire à la droite. Ça n'est pas un argument de campagne. Ils n'ont pas fait la bagarre sur le terrain politique, avec une candidature de combat pour dénoncer une concordance qui n'existe plus.»
«On espérait se serrer les coudes»
Delphine Klopfenstein Broggini rit au téléphone. La collègue Verte de Christian Dandrès trouve que «les socialistes ont bon dos. Ce sont de bonnes excuses.» La Genevoise revient sur la candidature surprise du Socialiste Daniel Jositsch, à droite du PS, qui s'est invité dans la course pour remplacer Berset. Hors ticket, il était surtout soutenu par l'Union démocratique du centre. Mais plusieurs commentateurs ont accusé les Vert-e-s d'avoir voté pour lui au premier tour, par vengeance.
«Nous n'avons pas voté pour lui, la droite dure l'a fait. On a fait une offre pour une meilleure représentation de notre gouvernement. Pour qu'il soit plus proche des votants. Nous espérions nous serrer les coudes avec le PS, qui est d'accord avec ça.» Raphaël Mahaim affirme également «qu'aucune voix des Vert-e-s n'a été à Jositsch.»
Le PS influencé par l'UDC
Ce qui déçoit Delphine Klopfenstein Broggini, c'est que le débat a dévié du politique. «On protège son propre pouvoir. Le PS a droit à deux sièges, c'est normal. Mais ça ne veut pas dire qu'on doit lâcher le sujet de fond, la représentation, et ses alliés directs, nous.»
Elle admet que la candidature-débat d'Andrey, qui avait peu de chances d'aboutir, a pu mettre le PS dans l'embarras. Mais le parti aurait été influencé par l'UDC, qui n'est «pas un partenaire fiable. Le PS a beaucoup plus donné que reçu de l’UDC.»
Même avec soutien, le Vert aurait perdu
Même le soutien du parti à la rose n'aurait pas permis à l'écologiste du canton bilingue d'accéder à l'Olympe politique. Jessica Jaccoud, députée vaudoise et socialiste, l'affirme. «Une partie d'entre nous a soutenu Andrey. Une majorité a choisi de privilégier le choix de la concorde et du respect des institutions.»
À titre personnel, la politicienne est «très satisfaite de l'élection de Beat Jans». Les deux candidats du ticket PS étaient considérés à la gauche du parti, mais le profil du perdant, Jon Pult, n'a particulièrement pas convaincu de fait de sa proximité avec la Jeunesse socialiste. L'UDC Jean-Luc Addor l'a notamment taxé d'idéologue.