Impôt sur la succession
Ce que l'initiative 99% coûterait vraiment à une PME

Les opposants à l'«initiative 99%» affirment que celle-ci aurait des conséquences dramatiques, car l'imposition prévue sur les successions d'entreprises rendrait celles-ci quasiment impossibles. Quelle est la part de vérité dans ce scénario catastrophe?
Publié: 20.09.2021 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 05.10.2021 à 13:17 heures
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L'initiative est-elle aussi dramatique pour les PME que certains opposants le laissent croire?
Photo: keystone-sda.ch
Lea Hartmann, Daniella Gorbunova et Alexandre Cudré (adaptation)

La place des PME en Suisse représente un argument massue que tout le monde se dispute lors des votations. Les opposants aux récentes initiatives sur les pesticides, tout comme «Initiatives responsables», avaient déjà annoncé le pire en cas de vote positif, avec des conséquences annoncées comme désastreuses pour les petites et moyennes entreprises. L’actuelle l'«initiative 99%» des Jeunes socialistes leur donne à nouveau du grain à moudre.

Cette dernière demande que les revenus du capital soient taxés une fois et demie plus que les revenus liés au travail, visant ainsi les 1% les plus riches du pays. Cela affecterait également la succession des PME familiales, les capitaux investis dans celles-ci l’étant souvent à titre individuel. Les opposants martèlent que si l’initiative passe, un entrepreneur familial qui transmet son entreprise à sa fille ou à son fils sera taxé beaucoup plus.

«Un entrepreneur devra augmenter le prix d’achat de son entreprise jusqu’à 165% s’il veut maintenir le produit net de la succession au même niveau que sous la loi actuelle», affirment Economiesuisse et l’association Swiss Family Business.

Blick fait le calcul

Les conséquences financières de l’initiative sont-elles aussi dramatiques que les opposants le laissent entendre? Blick s’est penché sur la question et a demandé à Henrique Schneider, économiste et directeur adjoint de l’Union suisse des arts et métiers (Usam), de faire les calculs à partir d’un exemple réel. L’économiste combat également l’initiative. Toutefois, son constat est moins critique que celui de l’étude d’Economiesuisse.

R.R*. est patron d’une PME familiale et a donné un aperçu de sa comptabilité sous couvert d’anonymat. Il est propriétaire d’une entreprise saint-galloise d’une douzaine d’employés qu’il a racheté à son prédécesseur, il y a dix ans, pour 1,5 million de francs. Il prévoit de transmettre l’entreprise à son fils pour 2,2 millions dans les années qui viennent.

Dans le meilleur des cas, il ne paie aucun impôt

Les 700’000 francs de revenus que tire R. ne sont actuellement pas ou peu imposables. Dans un premier scénario, optimal, Henrique Schneider a calculé une imposition de 0%. Dans un second scénario, moins optimiste, il s’agit de 8%. Selon l’économiste, cela correspond à peu près à la moyenne appliquée lors de la vente d’entreprises. En moyenne, R. devrait donc payer 56’000 francs d’impôts.

Si l’initiative passe, ce montant serait en passe de quasiment doubler. En effet, pour les 100’000 premier francs de bénéfices, l’imposition reste soumise à un facteur 1, pour les 600’000 francs restants, celle-ci monterait à 1,5. Au total, R. ne payerait donc plus 56’000 francs, mais 100’000.

Il est à noter que ce seuil des revenus sur le capital de 100’000 francs n’est pas précisé dans le texte de l’initiative. C’est cependant cette somme qui est régulièrement avancée par les initiants lors de la campagne.

«Cette situation serait dramatique pour nous»

Selon le scénario le plus conservateur, R. gagnerait donc 7% de moins sur le produit de la vente en comparaison à aujourd'hui. Mais le chiffre probable (scénario réaliste) est plutôt autour de 14% de plus pour les impôts.

Selon toutes probabilités et s’il est taxé sur les mêmes proportions qu’actuellement, en cas d’acceptation de l’initiative et s’il décide de vendre l’entreprise familiale à son fils, il devra payer de 3% ou 16% d’impôts en plus.

Pour R., c’est déjà un scénario catastrophe. «Selon les calculs de Henrique Schneider, en cas d’acceptation de l’initiative, même avec le scénario le plus optimal, la situation serait déjà dramatique pour nous et compliquerait fortement le processus de transmission.»

Il précise que le prix de vente ne correspond pas à la valeur du marché, mais qu’il s’agit d’un prix spécial au regard de la succession familiale, à l’interne. Il note aussi: «Je peux me permettre de vendre ma PME à bas prix car j’ai toujours veillé à ne pas négliger ma prévoyance vieillesse. Mais ce n’est pas le cas pour de nombreuses PME qui dépendent de la vente de celle-ci pour financer leur retraite.»

Qui sont vraiment les 1%?

«L’initiative ne va pas toucher que les 1% les plus riches, mais aussi une grande partie de la classe moyenne. Je pense que les initiants le savent très bien», remarque R.

La présidente des Jeunes socialistes, Ronja Jansen, dément. Elle tient à souligner que la marche de manœuvre devrait être suffisante pour que seuls les plus riches soient réellement touchés. «On pourrait augmenter le montant de l’exemption si les bénéfices de plusieurs années sont distribués en une seule fois», déclare-t-elle. Le temps depuis lequel un patron possède une entreprise devrait d’ailleurs aussi jouer un rôle, comme pour les gains immobiliers.

Cependant, elle nuance: «Les patrons de PME ne doivent pas forcément être exemptés de cet impôt sur les revenus du capital. Si quelqu’un fait un bénéfice de cinq millions en cinq ans, il fait aussi partie des 1%.»

*Nom connu de la rédaction


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