«Heureux est peut-être un mot trop fort. Mais satisfait, oui. Je suis satisfait de ma vie», résume Ernst Rütimann, 75 ans, expatrié en Thaïlande depuis 20 ans. Il fait partie des nombreux retraités suisses qui bénéficient d'avantages fiscaux depuis l'étranger.
Les contrées lointaines ont toujours attiré ce Schaffhousois, confie-t-il dans un entretien avec Blick. Il assure en revanche que les avantages fiscaux n'ont pas joué un rôle décisif dans le choix de l'endroit où il allait habiter. Et a-t-il envisagé de profiter du système avantageux des rentes pour enfants? «Surtout pas. Je n'ai jamais voulu d'enfants!», s'exclame-t-il lorsque Blick l'interroge.
La retraite suffit
Dans les années 1990, Ernst Rütimann, qui habitait alors à Stein am Rhein (SH), s'est lié d'amitié avec un restaurateur. Ce dernier passait chaque hiver sur l'île thaïlandaise de Phuket. Tous deux étant des plongeurs passionnés, ils se lient d'amitié. Ernst Rütimann lui rend visite à plusieurs reprises en Thaïlande. Il s'y plaît, et décide de s'y installer.
En janvier 2003, le Schaffhousois se désinscrit des registres de sa commune et de l'armée. Il retire sa caisse de pension. Au moment du départ, il a économisé 700'000 francs. «Cela m'a permis de joindre les deux bouts en Thaïlande», raconte-t-il. Il vit dans un bungalow sur la côte est de Phuket et fait de la plongée presque tous les jours. Mais au-delà de cela, ses dépenses sont très limitées. «La vie nocturne de la tristement célèbre Patong ne m'a jamais attiré, ce n'est pas mon truc», explique-t-il.
Comme il n'a pas de visa de travail, il entre d'abord dans le pays grâce à un visa touristique valable trois mois. Il n'obtient l'autorisation de séjour qu'après avoir déposé 800'000 bahts – soit environ 25'000 francs – dans une banque thaïlandaise. «C'est ainsi qu'ils obtenaient des devises, en échange de quoi nous, les immigrants, n'étions pas soumis à l'impôt.»
Dix ans plus tard, l'électricien de formation reçoit son AVS. Malgré 44 années de cotisations au total, il n'obtient par une rente complète en raison de diverses interruptions de versements. «Je touche 1850 francs par mois, ce qui me permet de vivre plutôt bien ici», témoigne le Suisse.
Presque plus de contact avec la Suisse
La Suisse ne lui manque pas. Il n'a plus de contact qu'avec sa sœur de huit ans sa cadette, avec quelques anciens collègues du Club suisse des marins et avec les autorités via l'AVS. Il a renoncé à devenir membre d'un des nombreux clubs d'expatriés en Thaïlande. Il lit de temps en temps Blick pour suivre ce qui se passe sur notre territoire.
Il ne possède plus rien dans son pays d'origine, «contrairement à de nombreuses personnes qui déménagent en Thaïlande pour des raisons fiscales, mais qui ont toujours un pied en Suisse». Pour de nombreux émigrants, les bénéfices financiers sont décisifs. Mais pour lui, c'est la mer et la plongée qui l'ont attiré en Thaïlande.
Le tsunami de 2004 ne change pas la donne. Comme il vit à l'est de Phuket, il est relativement épargné, même s'il assiste à la souffrance des Thaïlandais. Quelques années plus tard, Ernst Rütimann fait la connaissance de sa femme, une autochtone. En 2008, il lui fait découvrir sa patrie pendant six semaines. C'est son dernier voyage en Suisse. «Je ne veux plus prendre l'avion», explique-t-il.
Du navigateur au sédentaire
Entre-temps, Ernst Rütimann ne vit plus à Phuket, mais à une trentaine de kilomètres de la ville de Trang, sur le continent. Grâce à sa compagne, il obtient un peu de terrain et construit une maison. La famille fournit l'industrie locale en latex.
«Ma vie est en Thaïlande, et c'est là que je vais finir mes jours et que je serai enterré», souligne-t-il. Il ne regrette absolument pas son émigration. Il aurait bien voulu passer le reste de sa vie à faire le tour du monde à la voile. Mais ses économies ne suffisait pas et il faut un domicile fixe pour toucher l'AVS.
Après 20 ans, il n'arrive toujours pas à se faire à certains aspects de la vie quotidienne thaïlandaise, comme le manque de fiabilité des services publics. Mais il arrive à joindre les deux bouts grâce à l'argent de sa retraite, exonéré d'impôts, qu'il reçoit de Suisse.